lundi 29 novembre 2010

Les ours hors la loi

Remuant dans mon repaire vendredi soir, j'ai commencé à mettre en ordre mon bureau. J'ai vidé les classeurs à tiroirs et la bibliothèque de milles bouts de papier, d'un tas d'étuis de disques compacts, dont un tiroir bourré de ces étuis compacts dément, un bric-à-brac de trucs pour l'ordinateur longtemps caduques, des manuels d'instruction, un livre sans jaquette, le même livre acheté deux fois, un livre emprunté de mon beau-frère il y a quelques ans, des livres sans intérêt, des souvenirs de Guatemala, une fourchette, des numéros de téléphone, même une enveloppe d'avoine instantané. J'en ai fait un tas au centre de la pièce pour trier les objets en trois tas, l'un pour la poubelle, un autre destiné au recyclage et un troisième pour donation.

Au fond d'un tiroir se sont cachés plus d'un an les clefs de ma serrure de vélo et l'adaptateur AC/DC pour le serveur d'imprimeur. Enfin je pouvais réunir la serrure avec ses clefs et nos ordinateurs portables avec l'imprimeur. Chouchou a pris les clefs de mes mains et j'ai essayé de ressusciter le serveur. Je l'ai branché et ensuite j'ai essayé d'imprimer un document, mais le maudit truc ne fonctionnait plus. Après avoir fait des recherches, j'ai découvert que les magasins ne vendent plus les serveurs, parce que les fabricants mettent les serveurs dans les nouveaux imprimeurs. On peut les acheter en ligne, mais le prix est vol manifeste. Chouchou a dit que nous pouvions en utiliser un à sa compagnie qui se trouvait juste à la lisière du bois urbain. C'est-à-dire de la maison dix minutes à pied.

A l'heure où la nuit chasse le jour, nous nous sommes mis en marche la tête baissée. Elle portait un parka touffu d'un poil tout marron qui lui donnait l'air d'un ours de taille moyenne. Pas rasé, les cheveux débraillés, en pan de chemise, j'avais l'air d'un ours mal léché. La lumière blafarde des phares a brillé sur nos visages un instant et a disparu. Chouchou marchait de plus en plus vite à cause du froid. J'avais du mal à suivre son allure. Tout d'un coup en traversant la rue une voiture a klaxonné, et ensuite a lentement grillé le feu rouge en tournant à droite. J'ai dû retenir Chouchou, sinon je ne sais pas si le chauffard, une vieille dame chic au volant d'un Mercedes parlant au téléphone portable, se serait arrêté. Je ne sais si elle a même daigné de nous regarder. Probablement elle pensait étant donné aucune voiture n'était à sa gauche et aucun piéton n'était devant sa voiture, elle pouvait poursuivre son chemin. Les piétons au trottoir laisseraient la priorité aux fauves mécaniques s'ils connaissaient bien les lois du bois.

« Tu as vu ça ? » s'est-elle exclamé. « Les conducteurs dans notre quartier sont terribles ! Pourquoi tu m'as retenue ? Je voulais m'arrêter devant sa voiture pour lui donner une leçon. »

Je n'aime pas du tout son réflexe vengeur. Au volant elle a la mauvaise habitude de conduire la voiture de plus en plus près des voitures qui aventure trop dans sa voie. J'ai protesté, comme je proteste chaque manifestation de son réflexe, « Un jour tu vas te faire tuer ! » Elle s'est tue un instant et puis m'a dit, « Si tu m'as laissé aller, j'aurais pu lui faire s'arrêter. D'ailleurs, elle a besoin d'une bonne leçon. Juste parce qu'elle a un Mercedes et beaucoup d'argent ne veut pas dire qu'elle a le droit de griller les feux rouges ! » « Pourquoi tu dois donner une leçon à chaque personne qui contourne le règlement. Elle s'est ralentie, à peu près. Bien sûr elle est méchante, mais la vie est trop courte pour cela. Et voilà, regarde-toi. Tu es de mauvais humeur maintenant. »

Nous nous sommes promenés en silence jusqu'au bâtiment. Elle a ouvert la porte avec son clef puce sécuritaire qui a fait bip. Nous avons monté l'escalader, nos pas retentissant dans le vide obscur. À la première étage, nous avons marché dans le couloir en silence jusqu'à l'entrée de son bureau. Elle a déverrouillé les deux serrures et a poussé la porte, mais elle était coincée contre un objet lourd. La lumière du bureau a jailli dans le couloir obscur. Inquiète, Chouchou a appelé « Est-ce qu'il y a quelqu'un ? Qui est là ? » Tout d'un coup un homme hispanique un peu voûté est venu et a dégagé la porte en prenant la poubelle qui bloquait le chemin. Il a susurré « Pardon » et vite une femme est venue à la porte aussi. Les deux sont sortis un peu embarrassés.

Chouchou est allée à son bureau. Elle a touché sa chaise. « Tu vois ? La chaise est encore chaud. Quelqu'un s'est assis dans ma chaise. » Je ne pouvais supprimer un sourire, « Et alors ? Qu'est-ce que tu penses qu'ils faisaient ? » Elle a dit que l'on a déjà surpris les agents de nettoyage en train de téléphoner dans son bureau. Son office avait un service téléphonique gratuite, et les agents de nettoyage en tirent profit. « Je vais dire à ma patronne de tout cela, » elle a conclut. Déçu, j'ai répondu, « Oh ! Je pensais qu'ils étaient en train de se peloter. Ne dis rien à ta patronne. Si le service est gratuit pourquoi les embêter ? Si tu étais loin de ta famille, ne serais-tu pas tentée de les appeler de temps en temps ? Nous les avons surpris parce que nous voulions emprunter un serveur d'imprimeur. Qu'est-ce que tu vas dire à ta patronne ? "Go et moi sommes allés au bureau pour emprunter quelque chose et nous avons surpris deux agents de nettoyage dans le bureau !" ? »

« Je vais le lui dire, » elle m'a dit. Nous nous sommes regardés. Je lui ai regardé d'un air espiègle « Tu es sûre qu'ils ne se pelotaient pas ? »

Elle s'est tue.

« D'accord. On y va ? »

Nous sommes partis sans serveur d'imprimeur ni caresses volées. Deux ours entourés d'autres ours hors la loi.

vendredi 19 novembre 2010

La symphonie des mots

Ce mercredi matin Philippe Cassard a présenté la première de deux émissions consacrés au cycle de lieders de Schumann. La première fois que j'ai écouté son programme, il y a deux ans, il parlait du cycle des lieders de Schubert. Les deux musiciens ont été inspirés de la même source, les lieders de Heinrich Heine, le célèbre poète romantique. Ses lieders, inspirés de son amour profondément malheureux, racontent l'histoire d'un jeune homme qui commence un voyage qui n'est que le début de sa fin. Dénié de l'amour de sa bien-aimée, il vagabonde dans le forêt et la neige en plein hiver. Il n'a ni présent ni avenir, juste un passé qui le tourmente, un passé que Heine fait écho dans ses lieders qui font écho dans la musique de Schubert et de Schumann.

Peut-être un discours sur la musique semblerait avoir le moindre d'intérêt. Une fois quelqu'un m'a surpris au travail à écouter l'émission. Dans son accent blasé californien, il m'a demandé « Oh, qu'est-ce que c'est ? C'est en français ? Oh, man, tu dois trouver une émission la plus prétentieuse et l'écouter très fort. Cela serait très drôle. » Je lui ai dit qu'en fait, l'émission était bien prétentieuse. Philippe Cassard prétend de nous donner une leçon de musique. Il nous instruit comment écouter la musique, où chercher les nuances, pourquoi il faut jouer cette mélodie doucement et lentement plutôt que fort et vite. Il traduit tous les symboles musicaux en sentiment, couleur, humeur et lumière. « Et mon cher ami, c'est merveilleux, » je lui ai expliqué, mais il ne pouvait pas comprendre ce que je voulais dire. « Non, je veux dire que tu dois trouver quelque chose de très, très prétentieux en français. Cela serait du fun. »

J'ai dû laisser tomber mon admiration de Philippe Cassard. Quelquefois il est impossible d'être prétentieux aux États-Unis, même si la prétention n'est que l'intention de vagabonder un peu à travers l'univers culturel. Mais dès qu'il me quitte j'y plonge à nouveau.

Pour savourer mieux une phrase mélodique, Philippe Cassard la joue plusieurs fois pour mettre en scène les nuances indiquées par le compositeur. Une fois normalement, une fois en ignorant les nuances, encore une fois en soulignant les nuances, et finalement pour enfoncer le clou. En savourant mieux la phrase, je suis ébahi du trésor subtil et complexe enseveli dans la mélodie. Sans M. Cassard, il me faudrait plus d'une tête, plus d'une seule vie pour entendre comme lui. J'ai essayé de jouer à la guitare. Je singeais les mouvements nécessaires pour faire sonner les notes sur les pages de musique de Sor, Tarréga, Carcassi, et Villa-Lobos tout en ignorant exprès les nuances. Je pensais que si on jouait correctement les notes, ce qui n'était jamais facile, on arriverait. M. Cassard, si prétentieux, si méchant envers les dilettantes m'a ouvert les yeux, les oreilles et l'esprit. Il révèle couche après couche, subtilité après subtilité, et détail après détail. Il transforme les notes en être sensuel. Et ensuite il ajoute dans les notes le sentiment et la douleur du poème. Et moi, je commence à sentir que la musique et les mots partagent, échangent, résonnent et expriment une chose éminemment prétentieuse, une chose divine, intangible et extraordinaire — l'infinité de notre cœur humain.

En présence d'un tel génie, je me demande comment il a su choisir les notes, les arranger, tailler cette ligne-ci et laisser pousser celle-là, faire sonner plus fort une mélodie et chanter doucement les autres, comment il a su résonner des notes pour nous faire peur, mélancolique, ou heureux. Pourquoi est-il qu'un écho d'une mélodie est comme un souvenir lointain ? Et si l’écho va en crescendo, pourquoi est-ce que le souvenir semble nous troubler ? si l’écho persiste, pourquoi nous nous sentons hanté ? C'est comme si le compositeur a pu sonder le fondement de nos cœurs par quelques notes qui flottent dans l'air.

Miracle, merveille, mystère.

Et voilà nous sommes vendredi. Je voulais terminer ce billet hier. Je voulais terminer un autre billet mercredi, mais j'ai dû l'abandonner, faute d’enthousiasme. C'est..., j'ai juste encore une idée à écrire. Je cherche les mots qui conviennent, mais où sont-ils ? Et quand je les trouve, comment les mettre en ordre ? Dois-je les garder ? Écrire une série de questions ? Résonnerait-elle comme je veux le faire résonner ?

La mystère, c'est savoir comment les notes résonneront dans les oreilles des autres. La tentation est trop grande de se dire « Et bien, cela me va. J'ai plus ou moins chanté toutes les notes. Si le public ne l'aime pas, c'est leur problème. » Cette tentation mène à l'isolement.

La merveille, c'est le parfum, la lumière, la couleur et la sensualité dont les notes, sans corps, nous rappellent.

Le miracle, c'est l’écho qui persiste en nous longtemps après que la musique a été chantée.

Une dernière chose avant de vous quitter. Récemment une personne a laissé entendre que la vie lui a privé d'un avenir. Un jour plus tard, elle a précisé d'avoir bien choisi son chemin. Moi, j'ai pensé que la précision n'était pas nécessaire. Tous les notes qu'elle a fait sonner, m'ont déjà dit le nécessaire, sans le dire explicitement, qu'il serait impossible de lui priver de son avenir voulu. C'est la nuance de ses mots qui me l'a dit.

Et nous, ceux qui écrivent ou juste parlent pour s'approcher de la mystère, la merveille et le miracle, serait-il que nous, ensemble, composions une symphonie des mots ?

J'aimerais bien penser oui.

mercredi 10 novembre 2010

Scruter l'horizon d'une énigme

Coucou, un jeune homme de mon bureau, le seul avec qui j'ai essayé de me lier d'amitié, s'en est allé en juillet. Nous avons souvent parlé de maints sujets. En principe, je lui ai demandé son avis pour savoir comment il interprète et reconstruit le monde en paroles. Je sais que ce n'est pas un bon méthode d'entamer une relation, mais à l'époque, j'étais curieux de la jeune génération. Je m'entends très mal avec eux. À mon avis, ils sont un peu paranoïaques et hostiles, réfractaire à la haute culture, toute ouverte à voir une conspiration partout. Au début, je voulais le comprendre, peut-être trouver un moyen de mieux m'entendre avec les jeunes gens. Malheureusement, c'était rare, très rare, trop rare, que nous nous sommes mis en accord. Pas à pas et à contrecœur, j'ai renoncé à lui faire confiance. Et en amertume, j'ai fini par lui en vouloir, voire le détester. J'ai essayé de mon mieux de dissimuler mon dégoût pour ses idées. Et lui, cinglé de mon rejet, a volontairement ajouté à ses propos des amalgames, assimilations et accusations qui attisaient mon mépris. Notre méfiance réciproque n'a pas impliqué un refus de contact qui à la surface semblait tout amical. Quand il est parti, il m'a donné un opus aussi épais comme un matelas qui contenait le schéma en symboles logiques et mathématiques de réduire l'être humain en machine à calculer. Piqué par l'audace de son cadeau, je lui ai donné le livre le plus humain et le plus dérangeant à ses yeux, Hamlet de William Shakespeare. Depuis nous sommes quittes si doucement qu'il serait impossible de confirmer notre séparation et si amèrement que l'on se contente de n'avoir plus de contact.

Je jure que je voulais sincèrement lui offrir mon amitié, ma sincère amitié, mais au bout du compte, il me semblait que chaque tentative d'amitié véritable s'est soldée en conflit et insultes. Je ne lui ai jamais insulté, comme il m'a insulté. Je ne lui ai jamais dit qu'il était raciste, je n'ai insinué ni qu'il était ringard, ni qu'il était méchant. De temps en temps, je lui ai taquiné quand, à mon avis, ces propos étaient farfelus. Par exemple, pendant une conversation sur l'éducation, il a dit que nos enfants seraient mieux éduqués, si nous rayions les écoles des villes et leur donnions un ordinateur portable et l'accès gratuit à la toile. Après une telle déclaration, si je n'étais pas tout d'un coup frappé de stupeur, j'ai toujours essayé de suivre la trame de son argumentaire et puis lui demander des questions pour lui obliger de modérer ses propos. J'ai essayé le lui faire comprendre que si on suivait ses conseils, les résultats pourraient être moins que paradisiaques. En fait, puisque la toile est gavée de pornographie, de violence, de stupidité, et de banalité, bien qu'il existe, selon lui, un jeune homme en Afrique qui s'est très bien éduqué grâce aux atouts informatiques, cet exemple serait très difficile de reproduire pour la plupart de l'humanité. Le malheur, c'était que j'ai souvent réussi de lui faire voir l'absurdité de ses idées. C'est là où j'ai dû essuyer les injures de plus en plus mal dissimulées.

A dire vrai, je ne sais pas si j'eusse pu être plus doux avec lui ou me soustraire mieux de l’enchevêtrement de mon amour-propre blessé, ses idées, et le bien dégagé d'un vif échange d'opinions. Par contre, j'ai toujours essayé de continuer la conversation, s'il le voulait. A la fin de notre amitié, il s'est contenté de me demander de résoudre des casse-tête mathématiques. Pour une raison quelconque il pensait très chouette d'en avoir la solution. Il pensait qu'en se perdant parmi les symboles mathématiques il augmenterait son quotient intellectuel. Moi, j'en ai résolu quelques-uns en scrutant l'horizon de l'énigme, en examinant les relations, les hiérarchies, la structure du problème. Ce faisant j'étais content que mon cerveau fonctionnait comme avant et un peu mécontent, parce que les mathématiques ne me plaisent plus. Et je le lui ai dit pour arrêter le devoir de résoudre ses casse-tête, mais au bout du compte j'ai fini par lui dire de ne plus en avoir de temps ni d'intérêt.

Ce samedi, j'ai écouté une émission de France Culture, et tout d'un coup je me suis souvenu de l'une de nos disputes qui avait durée plusieurs jours. Selon Coucou, les variations Goldberg de Bach jouées par Glenn Gould étaient plus que la meilleure interprétation de ce chef-d’œuvre. Elle était novatrice, révolutionnaire, et émancipatrice. Comme d'habitude, j'étais bouche bée devant une telle déclaration et comme d'habitude, c'était moi qui étais responsable de ma propre stupéfaction, parce que juste avant, je lui ai dit que Murray Perahia venait d'enregistrer les variations. Elles étaient belles et profondément différentes que celles de Gould. Puisque Coucou m'a dit qu'il a commencé à prendre des leçons de musique, je pensais que la différence entre les deux interprétations lui intéresserait et lui plairait. A ma grande surprise, le sujet nous a mené à maintes joutes aux variations infiniment répétées.

En bref, selon Coucou, Gould était Dieu et Perahia était un homme insignifiant. Au début de notre confrontation, je ne suis arrivé à dire que les variations de Perahia étaient très belles, donc une telle comparaison me semblait déraisonnable.

Au cours de notre discussion, Coucou n'a jamais concédé d'avoir jouer une fausse note. Selon lui, les institutions et les traditions dans la musique classique sont tellement étriquées, les écoles de musique sont si bourrées de grénouilles de bénitier, tous les musiciens avant Gould étaient si dépourvus de talent artistique qu'il fallait un Dieu comme Gould ou un Gould qui est devenu un dieu de rompre avec toute cette tradition et histoire. Avant Gould, la tradition piano forte (c'est-à-dire les nuances des notes) était comme un camisole de force sur le corps, l'esprit et les mains des musiciens. Elle les a forcé de jouer les variations dans une ridicule exagération entre piano et forte. Gould a rejeté ces carcans et du coup il a mené une révolution et nous a émancipés de la tyrannie de la tradition.

Il est vrai que Gould était inimitable, idiosyncratique, excentrique. Un génie. Pour éviter notre lutte interminable et futile, j'aurais pu dire « Oui, d'accord, Gould est Dieu. Gould était novateur, révolutionnaire. Quel était l'autre adjectif ? Élyséen ? Oh, émancipateur. Un messie, non ? Oui, Perahia n'est qu'un rien insignifiant, » mais je me savais incapable de dire que tout autre musicien avant Gould n'était qu'un abruti à cause d'une tradition suffocante. Au lieu de me mettre en colère, j'ai recherché les critiques de la musique de M. Gould. Le consensus était que son style était plat et horizontal comme l'horizon du Grand Nord. A force d’évacuer les nuances des notes et de les envelopper dans une petite silence grâce à sa touche légère, sa précision d'attaque et son staccato impeccable, il a fait sonner et articuler chaque note. Chaque voix, chaque ligne mélodique dans les variations se bat contre les autres pour être entendu. L'effet est pure magie, mais à mon avis son interprétation n'impliquait pas la condamnation de tous les musiciens avant et après lui. En fait, son interprétation est discordante et gênante. Bach a écrit les variations pour aider un aristocrate de dormir. Si Gould les avait jouées pour lui, il n'aurait pas fermé l’œil de la nuit.

Gould a aussi prononcé des avis très excentriques sur la musique classique. Sans broncher, il a dit que jouer des pièces au public n'était plus nécessaire. Il pouvait enregistrer les pièces, les entreprises culturelles les vendraient, le public les écouterait chez soi, il passerait au prochain projet, parce qu'une fois l'enregistrement fait, on n'avait pas besoin de le réinterpréter. En fait, on peut émanciper le public en éliminant toutes les salles de concert qui limitaient l'appréciation de la musique aux élites et émanciper les musiciens de jouer la même pièce tout le temps. Bien sûr, Coucou répétait ses avis comme la parole de Dieu.

Mais alors, je n'ai pas même expliqué pourquoi j'ai commencé cette histoire, pourquoi une émission de France Culture (La Fabrique de l'humain) m'a fait penser de Glenn Gould. Est-ce que vous pouvez scruter l'horizon de mon esprit et deviner où je voulais aller ?