tag:blogger.com,1999:blog-3661468213489223442024-03-13T15:08:21.330-07:00Ren du BraqueLa réincarnation d'un blogue que j'ai commencé avec un autre francophile Washingtonien et qui s'est soudé en échec fracassant. N'empêche. Je persiste. Celui est un mélange de mon journal intime et un rêve dans un monde virtuel. Ce n'est qu'une fiction tirée de la réalité. Si les récits que j'écris manquent l'élément clé pour attirer l'intérêt du lecteur virtuel, j'en assume toute responsabilité.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.comBlogger120125tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-2039238034948346952014-09-16T06:35:00.000-07:002014-09-17T05:33:17.083-07:00suo quisque studio maxime ducitur<div class="outline-text-2" id="text-1">
<strong>Stūdīum</strong>, <em>īi</em>, n. <em>(studeo)</em>, 1. application zélée, empressée à une chose, zèle, ardeur; goût, passion, etc. ... <em>suo quisque studio maxime ducitur</em> Cic. <em>Fin. 5, 5</em>, chacun se règle surtout sur son goût personnel. <em>Gaffiot</em><br />
<br />
<strong>étude</strong>, n.f. lat. studium « ardeur, étude », I.
Application méthodique de l’esprit cherchant à apprendre et à
comprendre. II. Ouvrage résultant de cette application d’esprit. =>
essai, 1. travail. <em>Le Petit Robert</em><br />
<br />
Depuis janvier j‘étudie l’italien et le latin. Je ne sais pourquoi.
Peut-être c’est que je suis allé avec Chouchou au Québec où l’on
commence une conversation avec un inconnu avec « Bonjour, Hi ! » Ou
qu’après avoir lu <a href="http://lifehacker.com/5903288/i-learned-to-speak-four-languages-in-a-few-years-heres-how" target="_blank" title="comment j’ai appris à parler quatre langues en quelques ans">comment j’ai appris à parler quatre langues en quelques ans</a>.
QUOI ?! En effet, je ne l’ai pas lu l’article de près, quelqu’un me l’a
présenté avec le titre, « Comment j’ai appris à parler quatre langues
en un an ». Houlà ! Enfin, ce serait bien dans la nature de cette
personne, trop enthousiaste, optimiste, qui péche souvent par excès
d’ambition et il m’a entraîné avec lui. Depuis le début de cet an
j’avais le but de parler couramment l’italien, mais je savais très bien
que je n’arriverais jamais. Quand même le but reste le même. Voglio
parlare parlare l’italiano fino al quest’anno ! <br />
<br />
Pardon, je m‘écarte de mon sujet, <strong>stūdīum</strong>. <br />
<br />
Au début de l’année, je voulais aussi parler portugais, mais après un
mois d‘étude intensive d’italien, de latin et de portugais, j’ai lesté
la langue des lusophones. Et maintenant, il faut admettre qu’après avoir
appris à moitié la plupart de la fondation du grammaire latine, je suis
bloqué. Il faut commencer à lire incessamment, mais où est le temps ?<br />
<br />
Quant à l‘étude de l’italien, je me ralentis un peu aussi. C’est
l‘été. Je joue au tennis, je fais du vélo. Je ne peux plus dévouer tout
mon temps à l‘étude. En outre, il y a tellement à faire. Écouter,
parler, lire, mémoriser, et écrire. C’est comme j’ai bien pagayé mon
petit bateau au milieu d’une océan italien et maintenant je contemple
les vagues des sons et des mots qui m’entourent. Stupéfie et ébloui, je
continue à patauger ne savant ni comment je suis arrivé à ce point ni
comment chercher la fin de ma course.<br />
<br />
Et pourquoi étudie-je ? Encore ? Serait-il ma propre version de la crise de la cinquantaine ? <br />
<br />
Écoutons Cicero, <em>chacun se règle surtout sur son goût personnel</em>. C’est-à-dire en latin, l‘étude, c’est le zèle, l’ardeur, le goût, et la passion. <em>Mais où
est-il allé le zèle latin dans la définition de l‘étude ? Pourquoi
s’est-il remplacé passion par application méthodique ? Comment se
fait-il quand je parle à maint correspondants qui cherchent à améliorer
leur niveau en anglais, je ne trouve qu’une lassitude profonde ?</em><br />
<br />
Peut-être suis-je pessimiste, mais je pense que dans l’esprit de
l’homme moderne, on ne trouve que l’apathie et le dégoût pour l‘étude,
lorsque je m’y retrouve une ardeur formidable.</div>
Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-46201276672808396222014-08-19T17:46:00.000-07:002014-08-19T17:46:34.491-07:00invocatio<span style="font-family: inherit;">In nova fert animus mutatas dicere formas</span><br />
<span style="font-family: inherit;">corpora; di, coeptis (nam vos mutastis et illas)</span><br />
<span style="font-family: inherit;">adspirate meis primaque ab origine mundi</span><br />
<span style="font-family: inherit;">ad mea perpetuum deducite tempora carmen.</span><br />
<br />
(Ovide, Les métamorphoses) <br /><br />Ah, <i>invocātio</i>, l'action d'invoquer, d'appeler à l'aide par des prières. Sans le dictionnaire, j'aurais été perdu dès le premier mot. Ovide appelle aux dieux de respirer sur son poème (pour) emmener d'en haut un chant sans arrêt, une composition des vers tissée des mots comme le mot <i>carmen</i> veut dire en Latin, et une incantation sur les formes changées en nouveaux corps -- les métamorphoses. Elles sont partout, touchent tout, n'épargnent personne, même pas l’œuvre d'Ovide, qu'il appelle <i>meis coeptis</i>, son commencement. <br /><br />Tout est commencement et immortalité chez Ovide. Dès l'origine du monde à son propre temps Ovide y a tissé les mots "mon", "perpétuel", "emmené d'en haut", "temps" et "chant". C'est un monde et un chant sans fin, même si nous autres êtres humains en ont un bien trop bref. <br /><br />Et c'est comme ça que je vous convoque encore une fois chez moi. Je recommence. Je change. Je suis toujours le même.<br /><br />Amitiés,<br />Ren du Braque Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-30045797925330586532013-02-03T20:04:00.000-08:002013-02-03T20:04:55.226-08:00La lundiphobie des vieux célibatairesLundi matin, fatigue, trop fatigué pour quitter le lit à bonne heure,
je me suis traîné en bas à sept heures moins le quart, à peine assez de
temps pour préparer le café et me réveiller avant la conversation
hebdomadaire avec Mme Tourville. Heureusement pour moi elle était en
retard de cinq minutes; malheureusement pour elle je n'étais pas prêt
avant 7 heures 10 minutes.<br />
<br />
Elle était fatiguée parce qu'elle faisait de la raquette dans les
Pyrénées avec son association de randonneurs. Elle parlait et parlait — Ô
j'étais terrible, mon esprit vagabondait dans les montagnes de fatigue.
Souvent je me suis demandé, « Est-ce que je comprends ce qu'elle dit ? »
j'ai beau dire des « oui » et des « d'accord », je me perdais dans mes
pensées — et elle parlait et parlait.<br />
<br />
Je me souviens d'un drame de son week-end. Un jeune couple de fumeurs
ont obligé le groupe à attendre alors qu'ils cherchaient des cigarettes
en Espagne. Ces tiges de mort s'y vendent moins chers. Mais les
montagnes sont les montagnes, inflexibles, indifférentes, invariables.
Les ingénieurs les creusent des tunnels, qui deviennent infranchissables
dans les temps rigoureux. Le jeune couple a dû détourner la montagne
pour atteindre le pays où on ne taxe pas les cigarettes alors que le
groupe de randonneurs s'inquiétait de leur sort.<br />
<br />
Il lui est arrivé un autre drame, celui du vieux célibataire. Quel
est la traduction de cette locution en anglais ? J'ai cherché à travers
mon cerveau, en répétant « vieux célibataire ». Elle m'a rappelé que le
sobriquet était un peu péjoratif. Lui était particulier, un peu bizarre,
et très enfermé dans sa petite bulle.<br />
<br />
Le groupe, par reconnaissance de la générosité du propriétaire qui a
offert au groupe de se loger dans sa maison de vacances, prenaient mille
soins d'assurer la propreté du lieu, tandis que le vieux... ah c'est
"old bachelor" en anglais... célibataire se vaquait à ses affaires
privées, dans sa chambre. Tout le monde le regardait d'un oeil discret
et indulgent. Le pauvre passe trop de temps seul. Il ne sait plus
s'intégrer dans la vie des autres. Or quand Mme Tourville a passé
l'aspirateur (c'est "vacuum cleaner", Mme Tourville) dans sa chambre, il
s'est réveillé de son inertie et a demandé s'il pouvait aider.<br />
<br />
« Tu vas bien, Go ? Tu a l'air fatigué. » En fait, oui. J'étais très
fatigué. La veille au soir j'ai parlé du Shakespeare (voir le billet
précédent). Ce n'est pas marcher avec des raquettes ou fumer un ou deux
paquets de cigarettes. En fait, je pense que c'est plus exténuant. Au
début, quand l'animatrice m'a dit qu'on n'allait pas parler du deuxième
citoyen, qu'il n'était pas important de distinguer l'un de l'autre, je
sentais une charge électrique me frapper comme le foudre contre le
paratonnerre. Mon intérieur a commencé à fondre comme la lave dans un
volcan sur le point d'entrer en éruption. Bien que je sois arrivé de me
faire comprendre, voire me faire respecter, le mal a été fait.<br />
<br />
Je sentais bien fatigué, mais à la fois soulagé après un grand
effort. Pourquoi suis-je ainsi ? Passe-je trop de temps seul, comme un
vieux célibataire ? Sais-je encore me comporter auprès des autres ?<br />
<br />
Ensuite on a changé de langue. J'ai lu un article sur le Phô, la
célèbre soupe vietnamienne. Elle est composée d'un bouillon de boeuf,
des nouilles de riz, mélangée avec du viande de boeuf, du tripe,
d'oignons. Serait-elle inventée ou influencée par les français ? Ils ont
commencé l'élevage des boeufs dans le pays. Son nom, phô, qui se
prononce <em>feu</em>, serait-il l'imitation vietnamienne du pot-au-feu ? Personne ne sait.<br />
<br />
La soupe se servent au petit déjeuner pour la classe ouvrière, comme
la soupe aux oignons était l'aliment de base des ouvriers de Lyon. Il
est indéniable que les deux cultures se mélangent dans la soupe.
D'ailleurs, je viens de trouver dans le dictionnaire l'expression, «
Être pot-au-feu ». C'est-à-dire <em>aimer avant tout le calme et le confort du foyer</em>.
Et voilà encore une fois une ressemblance. Quand on aspire bruyamment
du bouillon et des nouilles, il y a là ce confort et calme dans les
restaurants, au service efficace, affairé et presque rude. Mais on y
pardon tout parce que c'est de la famille. Les vietnamiens sont
discrets, chaleureux, gracieux, calmes. Tout le monde est accueilli de
la même manière, même les vieux célibataires. Quelquefois quelques-uns
du restaurant font pause au dehors pour fumer des cigarettes.
Seraient-elles de l'Espagne ?<br />
<br />
Pour terminer notre conversation, j'ai aussi lu un article qui
s'appelait "Lundiphobie" ou la phobie du lundi. « Est-ce que tu as peur
de— » « Mardi, j'ai peur de mardi. » elle m'a dit. Et c'est bien
naturel. Elle ne travaille pas les lundis. Moi, je suis lundiphobe. Je
ne dors pas bien dimanche soir. Des inquiétudes me hantent. Parfois les
volcans entrent en éruption dans mon for intérieur. Lundi matin, je
préférerais énormément de rester chez moi dans le lit en me vaquant à
mes affaires.<br />
<br />
Mais, les lundis suivront toujours, inflexiblement, invariablement,
les dimanches. Donc il faut m'y habituer, mais comment vaincre ma
lundiphobie ?<br />
<br />
Ben, faut-il passer l'aspirateur ?Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-10855256775085812302013-01-28T07:10:00.002-08:002013-01-28T07:10:34.373-08:00Un gros orteil récite ses lignesJ'ai beau essayer d'écrire un billet cette semaine, les mots et les
idées ne se sont pas arrangés. En attendant l'inspiration, j'ai lu une
tragédie de Shakespeare, <em>Coriolanus</em>, pour assister à une
réunion où on parlera de cette pièce. Ce sera la deuxième fois que
j'essaie de rejoindre d'autres amateurs de Shakespeare. La première
fois, oh là là, quel désastre. Si parler aux autres est comme donner une
représentation de sa propre pièce, improvisée devant le public, la
première fois j'ai donc dû quitter la scène sous les huées de la foule
tyrannique.<br />
<br />
Ô comment je voulais qu'une peste de furoncles les infectât du pied
au crâne. Cette expérience était si traumatique que j'ai laissé tomber
Shakespeare. Cette semaine est la première depuis un an que je lui rends
visite.<br />
<br />
Il est impossible de décrire une pièce de Shakespeare. Elles sont si
riches, si complexes, mais si simples. C'est comme si on voulait décrire
l'univers dans une phrase. Quand même cela n'empêche à personne de
déclarer ses opinions là-dessus avec une autorité absolue.<br />
<br />
Déjà l'animatrice nous a cité quelques passages où Shakespeare a
l'air de s'indigner contre le patriarcat romain, mais on pourrait
également dire qu'une plus grande tragédie arrive quand la voix du
peuple ou d'un individu est noyée sous le flux des mots des démagogues,
des tribunes myopes ou des membres d'une association.<br />
<br />
Quand j'assisterai à cette réunion, je crains d'éprouver encore une
fois l'humiliation précédente. J'imagine qu'il serait similaire à
l'humiliation subie par le second citoyen dans la première scène. En
s'opposant à la foule qui réclamait la mort de Coriolanus, il leur
demandait, « <em>Considérez-vous quels services il a fait pour son pays ?</em>
» En effet, je vais demander que l'on considère tout détail et chaque
geste de la pièce, et si cela détourne la foule de leurs petites
obsessions, ils vont me conspuer comme le premier citoyen a réduit tout
mérite de Carolianus en répondant au deuxième, « <em>Il l'a fait pour faire plaire à sa mère et se montrer à part fier.</em> »<br />
<br />
Ensuite quelqu'un d'autre entrerait en scène pour me faire taire
quand je serais en train de dire que c'est le deuxième qui est le plus
raisonnable et nuancé. Il défend Coriolanus, mais il explique au
patriarcat, mieux que la foule, comment la plèbe souffre. Je resterais
bouche bée comme le deuxième quand Memenius, un sénateur romain, a
répondu que « <em>l'état Romain dont le cours suivra le chemin qu'il
prendra en brisant dix mille mors de plus fort lien que votre entrave
peut jamais apparaître.</em> » A ce point, je me mettrai en colère pour
un final cri de désespoir, comme le deuxième a déclaré avant d'être
effectivement muselé, « <em>Si les guerres ne nous avalent pas, ils (les
nobles ou les autres membres) nous mangeront ; et voilà l'amour qu'ils
nous portent.</em> »<br />
<br />
Tout au long de la pièce Shakespeare décrit l'intellect humaine comme
l'expression du corps. Je me demande ce qu'on va penser de la célèbre
parabole du ventre que Memenius a prononcée pour calmer la foule. Selon
l'histoire, les membres du corps se sont révoltés contre le ventre qui
ne faisait rien d'autre que de consommer tout tandis que les autres
extrémités crevaient. Infiniment plus rusé que les citoyens, Memenius a
fait patienter la foule jusqu'à ce que l'exaspération leur prive de
toute raison et qu'il apparaisse beaucoup plus sage quand il dit « <em>Vrai
est-il ... que je reçois toute la nourriture d'abord ce dont vous
vivez; et juste est-il / car je suis l'entrepôt et le magasin du corps
entier. Or, si vous vous souvenez, j'en envoie par les fleuves de votre
sang, même à la cour, au coeur, et à la siège du cerveau ... de moi (les
membres) reçoivent cette forme naturelle de laquelle vous vivez ... de
moi vous recevez toute la farine et vous ne me laissez que du son.</em> »<br />
<br />
Il a ensuite ajouté que les nobles étaient le ventre et la foule les
membres mutinés. Il était habile, non ? Le deuxième citoyen, qui ne
savait quoi répondre, était ensuite assimilé au gros orteil de la foule.<br />
<br />
« <em>Moi, le gros orteil ? Pourquoi le gros orteil</em> ? » a-t-il demandé à Memenius.<br />
<br />
« <em>Car, étant le plus bas, mauvais, pauvre de toute cette sage rébellion, tu va en avant</em>. »<br />
<br />
Et cela n'est que la première moitié de la première scène, et le
deuxième citoyen ne revient pas sur scène sauf pour quelques lignes.
Pire encore il devient indistinct des autres. Les évènements du drame et
les personnages plus grands l'avalent. Malgré tout il a pu dire des
phrases magnifiques. J'espère aujourd'hui en dire autant que lui avant
que les autre ne m'avalent.<br />
<br />
<strong>Post Scriptum</strong>. Pendant la réunion l'animatrice n'a
pas même reconnu l'existence du deuxième. Elle l'a assimilé au premier.
Il a été effacé de la pièce. Une tragédie, quoi.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-5967554184477037762013-01-17T19:28:00.000-08:002013-01-17T19:28:56.826-08:00Quelque chose pour les canardsIl y a des fois où la compréhension échappe à notre conscience. En
écrivant nous essayons de tracer des sensations avec des mots, mais
entre le sensible et l'insensible le sens s'efface. Soit les mots
disparaissent soit le sens s'évapore. Nous nous impatientons de nous
trouver bien bercé dans le confort d'un ordre céleste, mais ce sens,
c'est souvent mutilé, non, c'est amputé de l'âme. C'est ce que j'ai
découvert pendant la conversation de mardi soir.<br />
<br />
« Je suis impatiente », Mlle Tuaculpa m'a écrit, « de discuter de ces
Thaïlandaises ! » J'étais content de lire cette phrase, parce que je ne
savais si je frôlasse le mauvais goût. Ces Thaïlandaises, mon Dieu,
elles ont un goût extrêmissime ! Peut-être un tel sujet ne serait pas
approprié pour un échange linguistique, mais n'importe quel sujet peut
nous faire déborder nos faiblesses, nos noirceurs, et nos tristesses. Et
cela est absolument nécessaire pour me lier d'amitié avec mes
correspondants.<br />
<br />
Moi aussi, j'étais impatient de discuter avec elle. D'habitude nous
parlons pendant deux heures. Ce soir-là, nous parlions deux heures et un
quart. Et c'est un plaisir, un grand plaisir, juste d'avoir le temps et
une amie avec qui je peux échanger en anglais et français sur des
sujets qui passent par tout l'éventail du plus frivole au plus grave.
Certainement nous avons tout parcouru les deux extrêmes chez ces
Thaïlandaises.<br />
<br />
Selon l'article <a href="http://www.guardian.co.uk/education/2012/nov/19/improbable-research-thai-women-cut-off-penis">Why Thai women cut off their husbands' penises</a> (<em>Pourquoi les thaïlandaises coupent les pénis de leurs maris</em>), "<em>Il
est devenu en vogue dans les années 70 parmi les femmes humiliées
d'attendre jusqu'à ce que leur mari tricheur s'endorme pour qu'elles
puissent vite sectionner son pénis avec un couteau de cuisine</em>."
Puisque une maison traditionnelle thaïlandaise, bâtie sur des poteaux,
est au-dessus du jardin où la famille élève des cochons, des poules, et
des canards, quand une femme coupe le membre de son mari, elle le jette
par la fenêtre où il pourrait être saisi par un canard. Cela explique
l'adage des hommes qui s'inquiètent du bien-être de leur vie en couple, "<em>Je dois rentrer à la maison ou les canards auront quelque chose à manger</em>".<br />
<br />
L'article expliquait comment les chirurgiens ont appris sur le tas à
réparer le membre mis au rebut. J'imagine que les hommes du monde entier
doivent beaucoup à eux. Aujourd'hui nous autres hommes pouvons dormir
plus tranquillement, en sachant que notre membre très fragile et
sensible pourrait être réparé le cas échéant. Ce qui reste inexpliqué,
bien que le chercheur ait posé la question, est pourquoi les couples
restaient mariés.<br />
<br />
Le chercheur a bien énuméré pourquoi les amputations se produisaient : <em>crise
financière, consommation excessive de drogues et d'alcool, et
humiliation publique de la femme en raison d'une seconde femme ou d'une
concubine</em>. Également il a décrit comment le délire d'amputation a gagné l'ampleur d'une épidémique : <em>Les
femmes qui encourageaient d'autres femmes à commettre cet acte
aggravaient l'épidémique... (qui était) une rétribution à la mode dans
un pays où la fidélité est une valeur très appréciée.</em> Voilà pourquoi et comment, mais de explication pour la continuation du mariage.<br />
<br />
« Ils se sentaient », m'a dit Mlle Tuaculpa, « coupables ». Je
voulais accepter cette explication. Elle avait l'air tout raisonnable,
mais j'étais troublé. « N'y a-t-il pas un petit crime ici ? » Mlle
Tuaculpa pensait que ces maris ont bien mérité leur punition. Encore une
fois je me suis opposé à cette justice à la frontière sauvage. En
occident, j'imagine que ces femmes seraient punies. En outre les raisons
offertes pour le sectionnement ne sont pas du tout légitimes. « Tu veux
dire que si je faisais faillite ma femme aurait le droit de me couper
la tête ? »<br />
<br />
« La raison pour cet acte, c'est qu'ils les ont trompées » elle m'a
rassuré. « Mais non. Le chercheur a dit qu'il y avait trois causes. Si
c'était uniquement une histoire de tromperie, j'espère qu'on nous le
dirait clairement, mais selon le texte la tromperie n'était que la
troisième raison. Ni la première, ni la seconde ! La troisième ! »<br />
<br />
En fait, il faut qu'il y ait une autre raison que notre célèbre
culpabilité occidentale. Peut-être les femmes voulaient dire, « Tiens,
mon mari, tu m'appartiens. Si tu ne veux pas être mon mari, je ne te
laisse pas te lier avec quelqu'une d'autre. Si tu ne veux pas utiliser
cet instrument avec moi, personne ne va pas en avoir accès. C'est à moi,
mon mari ! » Et par cet argumentaire les maris restent avec leurs
femmes et les femmes restent avec leurs maris quoique défaillants qu'ils
soient.<br />
<br />
Mlle Tuaculpa acceptait cette explication.<br />
<br />
En poursuivant ce raisonnement, il faut dire que dans un mariage le
membre en question, bien qu'il soit le mien, n'est pas à moi. Il est à
ma femme. En le coupant, les Thaïlandaises revendiquaient leur droit
d'exclusivité. C'est-à-dire un mariage, c'est ce membre.<br />
<br />
C'est possible, mais ce raisonnement semble abrégé. Au coeur de cet
acte est une vengeance inadmissible, la loi Talion, un oeil pour un
oeil, un membre pour le mépris de l'amour. Dès que la vengeance a été
assouvi, les couples ont pu résoudre leurs différends, et, je ne sais
comment, la vengeance s'est transformée en justice.<br />
<br />
Quand je pense à mes différends avec ma famille et mes amis perdus,
je songe parfois à la vengeance. Je raisonne, polémique, me fâche en
énumérant les griefs dans un procès interminable qui se joue dans ma
tête. A la fin de toute plaidoirie, je déclare, « Voilà comment j'ai
découvert que mes amis se moquaient toujours de moi tandis que je leur
étais toujours un ami fidèle. Voilà comment je leur ai demandé pardon,
en m'accusant d'être une personne embêtante. Mais pour ma défense, je
suis leur ami, fidèle, honnête. Malgré leurs insultes, je leur prendrai
toujours pour mes amis, pas pour des rivaux ni des souffre-douleur.
Voilà comment toutes ces années je pense encore à eux, et maintenant
qu'ils se sont établis comme mari, père, propriétaire, actionnaire, ils
ont laissé tomber notre amitié avec cette attitude qui annonce combien
je suis embêtant, ennuyant, inconvénient. La dernière chose que mon
meilleur ami m'a dit était qu'il lisait la bible. Et pourquoi ? Pour se
moquer des conservateurs en citant les béatitudes, en effet. Il ne
reconnaîtrait pas la charité, si elle s'est clouée sur une croix. Il
serait le premier à cracher au visage de Christ, si cela lui arrangeait.
Et il est si snob, si altier, qu'il lui serait impossible de me traiter
en égal. Sa supériorité exige qu'il me traite comme un lépreux bizarre.
Oui je suis bizarre. Oui, je suis braque, insensé, parfois, souvent,
presque toujours, mal coiffé et malpropre, mais lépreux ? Voilà sa
charité ! Pour qui est-ce qu'il se prend ? »<br />
<br />
Après l'énième procès qui se termine par l'énième cri pour vengeance,
je deviens sage et essaie de tout oublier, mais ni l'amitié ni la
vengeance ne s'efface. Je me demande comment on peut réparer les
relations coupées par les affronts, les blessures et la brutalité. La
seule remède que j'ai trouvée est de s'abstenir, parce que le contact
mène à des répétitions d'hostilités ou sourdes ou renouvelées. Pire
encore c'est cet espoir dans un avenir où le bonheur serait de retour,
mais ce n'est rien d'autre qu'un abandon silencieux et glacial. L'ami et
l'ex-ami sont trop bien protégés dans leur cuirasse impénétrable pour
retrouver le noeud de bonheur qui les a enlacés ensemble au début de
leur amitié.<br />
<br />
En contemplant ces Thaïlandaises par rapport mes relations, je
deviens admiratif. Dans cette violence elles ont pu briser leur cuirasse
et celle de leur mari. Elles ont purgé leur mélange toxique de colère,
haine et douleur en disant à leur mari, « Tu vois combien je souffre à
cause de toi ! Je suis ta femme et tu me prends pour ta bonne ! Tu me
blesse au point que je craque et maintenant tu vas sentir la peine que
tu m'as fait souffrir ! »<br />
<br />
Moi, à l'époque où Chouchou me donnait de la peine, capricieusement,
je lui décrivais comment je souffrais dans mes courriels quotidiens. Je
prenais un grand soin de ne pas la blâmer, mais plutôt de lui faire voir
comment nous essuyions quotidiennement les mêmes affronts, les mêmes
blessures et la même brutalité. Petit à petit grâce à mes efforts
soutenus et malgré le désespoir qui m'a hanté ces jours-là, elle a
compris comment la vie et quelquefois elle me malmenaient. La cuirasse
tombée, nous vivons désormais en paix.<br />
<br />
Mais dire que dans le for intérieur de beaucoup de femmes soit en
Thaïlande soit dans n'importe quel pays serait cette vengeance à
couteaux tirés ! Bien sûr, je préfère la justice à la vengeance, mais
quand même j'ai perdu trop d'amis et toute ma famille dans ces conflits.
Et je suis au bout de mon rouleau pour trouver une résolution. Quoi
faire ? Comment sortir ?<br />
<br />
Où est-il, mon bistouri ? Je fais une incision. Voilà le membre
revanchard de mon âme, mais où le mettre ? Tiens. Ici, viens ici mon
petit. Coin, coin. Coin, coin, coin. J'ai quelque chose pour toi.<br />
<br />
<table class="image" style="width: 100%px;">
<tbody>
<tr><td align="center"><img alt="Tiens ! Un canard. " src="http://0.tqn.com/d/birding/1/7/K/3/-/-/northernpintail.jpg" /></td></tr>
<tr><td align="center" class="image-caption"> </td></tr>
</tbody></table>
Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-84236440294822086962013-01-10T06:25:00.001-08:002013-01-10T06:25:34.363-08:00L'absentéisme d'à présentSept jours déjà ?<br />
<br />
En lisant deux articles du <em>New York Times</em> —
<a href="http://www.nytimes.com/2012/11/27/books/in-praise-of-messy-lives-essays-by-katie-roiphe.html">'In Praise of Messy Lives,' Essays by Katie Roiphe</a> (<em>l'éloge des vies
en désordre</em>) et
<a href="http://www.nytimes.com/2010/08/01/fashion/01Cultural.html">Cultural Studies: On 'Mad Men', The Allure of Messy Lives</a> (<em>Études
culturelles: De 'Mad Men', Les attraits des vies en désordre</em>) dont le
sujet m'a rappelé de ce projet d'écrire au moins une fois par semaine,
en me préparant pour ma conversation de mardi soir... Mon Dieu ! Quel
bordel, cette phrase. Désolé, très désolé. Je recommence. J'ai lu deux
articles du New York Times et j'avais une histoire à raconter pour
M. du Braque. Les articles portent sur l'indiscipliné,
l'incontrôlable, l'inconstance, le désordre, et la joie d'une vie de
bordel. L'histoire ? Vous verrez.<br />
<br />
Selon Katie Roiphe, nos vies sont trop bien réglées. Nous — mais qui
est ce nous ? Ce n'est pas tout le monde. C'est une certaine plage de
société. C'est un nous qui est discipliné, maîtrisé. Un nous qui
sourit quand il le faut, surveille les enfants, s'enthousiasme pour la
liberté que la technologie nous procure, s'indigne contre
l'individualisation, crie contre l'injustice, et crie encore contre la
hausse des impôts, un nous qui a l'air suffisant, qui sait profiter de
l'instant — nous nous rebellons contre les moeurs conventionnelles
mais, à la limite, notre rébellion est bien rangée dans les rayons
d'une chaîne de supermarchés bio. Elle craint qu'entre la consommation
bien taillée à nos excentricités et les activités d'épanouissement
personnel, nous n'ayons oublié de nous épanouir.<br />
<br />
Encore une fois, désolé, j'ai mal traduit la dernière phrase. Elle dit
que nous avons oublié de profiter de l'instant présent (carpe diem,
seize the day, Be Here Now!). Peut-être je suis trop bien ordonné de
penser uniquement au profit de l'instant. Tout le passé, le présent et
le futur, j'y pense. Même un petit instant pris dans une photo me
rappelle de toute ma vie. C'est plus fort que moi.<br />
<br />
Par exemple, la semaine dernière, le département des ressources
humaines m'a demandé de choisir trois photos sur huit prises par leur
photographe professionnel. En visionnant les photos, je me suis
souvenu de la séance dans une pièce sombre avec un photographe
roublard aux cheveux lissé et son adjoint blafard. Il m'a fait
tourner, poser, mettre la main dans la poche, naturellement,
sourire. « Non, pas comme ça ! Sois heureux ! » Entre les déclics
interminables, il m'a demandé si je voulais le tuer. Je n'y ai pas
encore pensé, mais pendant que j'ai affiché un sourire gêné, l'idée
m'a parue pas mal. Il m'a aussi demandé si j'aimais mon boulot, comme
s'il s'attendait une réponse enthousiaste. A ce moment, toute pensée
était d'une noirceur absolue.<br />
<br />
Il n'était pas facile de regarder ou d'apprécier les images. A force
d'un ennui continu devant l'écran, mes yeux étaient un peu injectés de
sang. Mon sourire était figé à quelque part entre le malaise et une
bonne humeur oubliée. Dans les dernières photos mon pantalon en
velours côtelé se voyait en bas du cadre et la fermeture éclair
n'était pas tout à fait fermée. Je sais qu'on a envoyé un courriel
pour nous annoncer que ces photos représentaient une importante étape
dans l'histoire de la compagnie. Nous nous présenterions désormais
plus professionnels. On nous a conseillé de porter une chemise et une
cravate. Nous, le nous de la compagnie, de la compétition, de
l'efficacité, devrions au comble de l'impeccable. Moi, je me demandais
où était le mal dans la photo non-professionnelle ? Je n'y étais pas
beau, mais gai, correcte et souriant.<br />
<br />
Et me voilà très insatisfait de mon apparence. Si j'avais fait juste
un petit effort, j'aurais pu éviter encore une déception. Si on
regardait ces photos, on dirait que le boulot ne m'intéressait pas du
tout, que tout mon style vestimentaire contredisait ma bonne volonté
affichée. Pire, en y regardant de plus près, j'ai vu que le deuxième bouton
était déboutonné. Je ne sais m'habiller donc. Et si je ne sais
m'habiller, est-ce que je suis compétent ?<br />
<br />
Alors, il y a un brin de vérité dans la photo. J'ai l'air d'abandon et
de négligence, mais quand même le désordre est mineur en comparaison
de l'ordre de mes jours. Comme une horloge, je bois un café le matin,
je mange une soupe le déjeuner, je fais le trajet au bureau à 9h30 et
rentre à la maison à 19h. Et à chaque pas de ma journée, mon esprit
est ailleurs.<br />
<br />
Ms. Roiphe, qui a trois enfants de trois hommes, me conseillerait de
m'abandonner plus. Aventures, cigarettes, alcool, sexe, fêtes, gueules
de bois, lecture érotique des années soixante-dix ne seraient-ils pas
plus intéressants que mariage, nourriture bio, café, fidélité,
solitude, exercice et écriture absurde et autobiographique ? Si on se
laisse abandonner au manichéisme de la question, il faut constater que
le désordre du présent est plus intéressant que l'ordre
quotidien. Mais le sous-entendu dissimulé derrière cette question,
c'est que tout le monde doit se rebeller de la même manière. Rejeter
tout ce qui symbolise l'ordre et embrasser catégoriquement et
systématiquement le désordre. Si on se rebellait à la fois contre le
bien-être et la rébellion du bien-être ?<br />
<br />
Et maintenant j'ai révisé ce texte deux fois. J'ai corrigé le mieux
possible mes fautes. D'autres pensées me sont venues et puis m'ont
échappé. Il est drôle que quand je m'examine dans la glace, souvent
bien que je soi mal rasé, que mes cheveux soient bien emmêlé, je n'y
fasse aucune attention. Je suis comme je suis. Mais devant mes mots,
ah devant la tournure de mes phrases et mon manque de style je me sens
inadéquat et défaillant. Et la horloge sonne, la routine
recommence. Je vais au bureau dans un style qui est comme je suis,
mi-nu mi-habillé et tout à fait mal boutonné, un style absentéiste d'à
présent.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-63700612342660502862013-01-01T18:40:00.001-08:002013-01-01T18:40:42.031-08:00Le triomphe de la fourmi sur le renardDans le quatrième chapitre, qui s'intitule <em>Style</em> du livre <em>On Writing Well</em>
(Comment écrire bien), William Zissner nous pose la question : En
écrivant avec trop de simplicité m'effacerai-je de mon propre texte ? Sa
réponse est brutale : "<em>Peu de gens se rendent compte de la piètre qualité de leur écriture</em>".
Son conseil du chapitre précédent reste le même : coupez un texte de
huit pages en deux et ensuite réduisez-le encore d'une page.<br />
<br />
Mais si on en coupait trop, le texte serait dépouillé de toute
personnalité, que le charme y disparaîtrait, qu'il aurait l'air d'un
texte pour les enfants écrit par un enfant ? Il répond que l'écriture
est comme la charpenterie. On enfonce le clou où il faut. D'abord on
construit la squelette d'une maison avec précision. Après on ajoute les
fioritures, sur les fondations solides. "<em>Ajouter du style d'abord, c'est porter un postiche</em>",
écrit-il. A première vue, le potiche semble correct, mais à seconde il
est déplacé. C'est faux. Pire l'écrivain perd ce qui lui est unique.<br />
<br />
Ajouter du style, c'est se perdre. Mais être fidèle à soi-même, n'y
a-t-il également un risque ? Son conseil m'a rappelé de la plaint sourde
des étudiants de première année au cours de rédaction. On constatait
alors qu'une écriture qui était conforme au point du vue de l'enseignant
recevrait une meilleure note. Les déclarations qui semblaient évidentes
à l'étudiant, seraient effacée sous une bulle rouge épaisse dans
laquelle l'enseignant écrirait « Justification ? ». A chaque mot
j'écrivais dans mon cours de rédaction, j'étais inquiet, embarrassé,
tourmenté. D'ailleurs les enseignants se moquaient de nous. Une fois je
faisais le trajet avec trois personnes entre ma ville natale et
l'université. L'une était enseignante de rédaction. Pendant tout le
voyage, elle se moquait de ses étudiants. Ils étaient stupides. Leur
écriture était ridicule. Leurs opinions témoignaient d'une ignorance
profonde. Moi, naïf, j'ai demandé, « mais comment est-ce qu'on peut
améliorer son écriture ? » Après que le conducteur l'a déposée, j'ai
demandé aux autres si elle était juste. Le conducteur m'a assuré qu'elle
était sympa. Après plusieurs dénis il faisait entendre que tous mes
doutes ont disparu dans un brouillard nimbé d'un rouge épais. Je me suis
tu, mais je ne pouvais effacer ses rires de mon esprit.<br />
<br />
Je me sentais effacé. Soyez soi-même ?<br />
<br />
Je ne suis jamais arrivé à avoir confiance, dans l'écrit ni dans
l'oral. Le langage semble un champs de mines. Certains savent très bien
s'exprimer, mais contrairement au conseil de M. Zissner, ils portent
tous un postiche. Ils se revêtent des mots, des vêtements, des idées
reçues, des arguments ad hominum, des insinuations. Soyez soi-même ?
Révéler ce que vous pensez ? Avouez et soyez pendu !<br />
<br />
Les grands écrivains ont déjà dit que tout était mensonge. Dans la
cigale et la fourmi, La Fontaine nous dit qu'il est bien de travailler;
dans la fable suivant, le corbeau et le renard, c'est la flatterie qui
gagne. Shakespeare joue avec ses propres contradictions quand il dit <em>il n'y a rien ou de bon ou de mauvais, mais c'est en y pensant, qu'on le nomme ainsi</em>.<br />
<br />
Oui, soyez soi-même, soit, mais en tout cas, avec les mots on compose une fiction.<br />
<br />
Et voilà au beau milieu de cette rédaction, j'ai laissé s'écouler
deux jours. Je ne suis pas la même personne qui a commencé ce billet. A
une stade quelconque je voulais faire une transition vers l'orale. Le
voici.<br />
<br />
Après l'université, j'ai abandonné l'écriture. J'ai même abandonné la
langue anglaise. J'ai commencé un blogue que j'ai laissé tomber et
maintenant que je le recommence, je fais face aux mêmes questions.
Comment écrire ? Et encore une question plus perturbante, comment être
soi-même ? Cela n'est pas évident dans la vraie vie.<br />
<br />
Comme bon scientifique j'ai créé un laboratoire où je pouvais mieux
contrôler l'environnement. Mes correspondants Skype et moi ferions un
échange bilingue qui égaliserait les niveaux et les connaissances,
encouragerait l'entraide et réduirait la critique excessive et
catégorique. Nous nous échangerions, nous réagirions à l'un l'autre et
maîtriserait lentement une langue étrangère.<br />
<br />
Cela fait plus de cinq ans que j'ai des correspondants. Cette
initiative a été la dernier tentative de parler avec quelqu'un d'autre
après plusieurs ans de frustration dans les associations et les cours de
français. Soit en anglais soit en français, il était impossible de
parler avec les autres. Tout était codifié, réglé, conforme à un norme
bien-pensant, identitaire, libéral, libertin, libertaire, conservateur
ou un mélange tout à fait nocif. J'ai dû créer mon propre monde selon
mes propres idéaux, questions et doutes. Et je peux annoncer ici : la
fourmi a triomphé sur le renard.<br />
<br />
Longtemps je ne m'attendais à rien. En fait, il semblait que je
perdais mon temps après avoir acquis un peu de maîtrise du français.
Grosso modo, le plus gros problème des correspondances, c'est
l'indifférence. Le deuxième, la paresse. Le troisième, la rudesse. Le
quatrième, le mépris. Le cinquième, l'intérêt basé seulement sur
l'intérêt du gain. Si on évite ces cinq écueils, il en reste encore un
qui est beaucoup plus subtile. C'est la certitude conformiste. Tout le
monde qui me parlait était tolérant, multiculturel, et ouvert. Tout
aimait la diversité, la pluralité, le vivre-ensemble, mais cela ne leur a
pas aidé à échanger. En fait, plus ils étaient ainsi plus cela cela
leur rendait moins ouvert et tolérant.<br />
<br />
J'ai cinq correspondants. Celle qui parle anglais le pire adore la
diversité, la tolérance, le multiculturalisme, et l'ouverture à l'autre.
Mais seulement pour les autres. Dans le métro elle se bouche les
oreilles avec son lecteur MP3. Elle ne regarde personne. Elle ne parle à
personne. Quand nous parlons, c'est toujours ou un concours ou un
conflit. Elle est toujours plus tolérante, plus ouverte, moins
homophobe, moins raciste. Je lui propose des textes. Elle les refuse.
Elle préfère me dire ses opinions et faire des commérages sur ses
correspondants.<br />
<br />
Je continue à échanger avec elle parce qu'elle veut désespérément
apprendre l'anglais. Elle est sur Skype chaque jour de 11 heures du soir
jusqu'à 1 heure. Mais, elle n'apprend rien. Je ne m'aperçois aucun
progrès. Au début, je lui disais qu'il fallait lire, travailler, étudier
du vocabulaire. Dans mon laboratoire, j'ai fait une liste du
vocabulaire des articles. Elle s'est indignée, « Comment peux-je
mémoriser tous ces mots ? C'est fou ! » Ensuite elle m'a engueulé,
semaine après semaine. Elle n'avait pas de temps pour cela. Elle avait
un correspondant homosexuel dont la homosexualité ne lui posait à elle
aucun problème et qui a appris le français sans textes ni vocabulaire.
Il parlait très bien. C'est-à-dire aussi bien que moi, peut-être mieux.
Elle veut travailler, mais l'école, c'est fini.<br />
<br />
Moi, je ne pouvais comprendre pourquoi il fallait m'engueuler. Pour
la faire arrêter ces tirades, j'ai dû lui dire que cela suffit. Je ne
suggérais plus rien. J'ai bien compris sa position la première fois
qu'elle était prononcée il y a plusieurs semaines. Je lui ai dit avoir
d'autres correspondants qui ne lisaient rien, donc je ne l'obligeais pas
à ne rien faire qu'elle ne voulait pas faire. Ce n'était qu'une
suggestion, une suggestion enveloppée dans un grand cercle rouge, mais
quand même une suggestion et un moyen pour travailler petit à petit et
acquérir un peu de vocabulaire.<br />
<br />
Ah, c'était une époque où l'enseignement me semblait une vocation très, très, très ingrate.<br />
<br />
Petit à petit, j'ai par hasard pris d'autres correspondants, une
québécoise, un parisien, une toulousaine. Je garde encore Mme Tourville,
un trésor.<br />
<br />
Parler dans le laboratoire, c'est sec, mécanique. Parler des articles
écrit par quelqu'un d'autre n'a rien de naturel. Mais comment m'y
prendre quand je ne les connais pas. Je ne connais pas leurs opinions,
leur goût, leurs humeurs, leur sens d'humour, leurs sentiments, leurs
coups de coeur. Il faut construire une passerelle pour découvrir l'autre
et se découvrir à l'autre.<br />
<br />
Ils ont tous commencé par ce qui est dans l'air du temps. Go, es-tu
un mec typique ? Tu sais, comme les mecs typiquement stupides et
machistes ? Ah Go, tu sais que la France est très patriarcale, très
sexiste. Go, tu sais que les Catalans ne peuvent pas accepter l'autre,
et tous les Parisiens sont des snobs. On se moquent d'eux quand ils
arrivent en province.<br />
<br />
Ils parlaient ainsi comme cela allait de soi. J'imagine s'ils avaient
à écrire une rédaction, ils n'hésiteraient pas, tandis que je
tremblerais en écrivant, « et les femmes, ne sont-elles pas également
stupides ? Leur stupidité ne justifie rien, bien sûr. On ne doit pas
généraliser. Oui, madame, oui. Et les Catalans ne sont-ils pas un peu
justifiés ou au moins n'y a-t-il pas une longue histoire là-dessus ?
Franco a brutalement réprimé leur langue, leur culture. Peut-on sortir
de l'ombre de l'oppression et ensuite oublier tout ? Ah, c'est facile.
Bonne nouvelle. Ah oui, les Parisiens. C'est vrai. Snobs. Beaucoup de
monde est snob. C'est une épidémique. »<br />
<br />
Pour nous vacciner contre l'air infecte du temps, je leur propose des
textes sur la nostalgie, le regret, la fin du monde, la résilience, la
mort, l'amour, la pauvreté, les enfants, les contes des fées, l'islande
(j'adore parler de l'islande ! Ils sont très heureux.), Shakespeare, la
trahison conjugale, la perversion, les relations transatlantiques et
nous quittons ce monde étouffé par une brouillard épaisse nimbé d'encre
rouge. Nous parlons de nous-mêmes, des autres, de notre famille, de
notre passé, présent et futur.<br />
<br />
Ces derniers temps, quand mes correspondants partent en vacances ou
travaillent trop, ils me manquent. Cela ne m'est jamais arrivé avant.
Peut-être j'ai enfin échappé de cette bulle rouge par, dois-je le dire
?, l'authenticité. Par exemple, une correspondante s'est plainte que son
mari l'appelât Mélenchon quand elle s'emballait, et ensuite j'ai
compris pourquoi elle pensait que la France était sexiste. C'était son
mari ! Elle disait quand elle s'emballe, elle sent, elle réagit, elle
est elle-même. Elle est authentique. Je lui ai dit que les propos de son
mari l'ont effacée et entourée d'une grande bulle rouge. Il a tort et
pire il voulait l'assimiler à un autre, ce qui est très injuste au
moment où elle était la plus vulnérable. C'est-à-dire quand elle était
elle-même.<br />
<br />
M. Zissner nous encourage d'être authentique. Cela ne veut pas dire
être complaisant ni lâche, comme son étudiante qui lui a écrit, "<em>Je pense que Hamlet était stupide</em>".
Non, la méchanceté n'est pas honnête. C'est un refus. Il faut entrer
dans le laboratoire, trouver les mots dans la pièce qui résonnent ou
sonnent mal dans son for intérieur. Il faut écrire, réviser, éliminer
l'excès, construire un texte qui est solide et puis, peut-être on sera
compris. M. Zissner dit, "<em>Les bons écrivains sont visibles juste derrière leurs mots</em>".
Je trouve dans ces propos le réconfort suivant : si on travaille et
souffre, on peut enfin ôter le potiche conformiste.<br />
<br />
Je ne sais encore écrire, mais je pense que dans mon laboratoire des
échanges mes quatre correspondants et moi sommes tous libres et
authentiques.<br />
<br />
Et ce n'est qu'un début.<br />
<br />
Bonne année.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-49092407672462618932012-12-23T18:05:00.000-08:002012-12-23T18:05:12.671-08:00Le progrès public pudiqueSamedi matin, c'est le temps de parler avec mon ami M. Vittel.<br />
<br />
« Bonjour Go. J'ai choisi l'article <a href="http://www.nytimes.com/2012/07/29/opinion/sunday/no-pool-lifeguard-on-duty.html">No Lifeguard on Duty</a> (<em>Le surveillant de baignade n'est pas de service</em>). C'est très drôle. » Et ensuite il a lu la première phrase, « "<em>Les
bagarres récentes, les agressions contre les surveillants de baignade
et une défécation dans et autour de la piscine du parc McCarren à
Brooklyn New York nous rappellent que loin d'être une oasis sereine, une
piscine publique est une boîte de Pétri qui déborde d'une barbarie
légère</em>." »<br />
<br />
« Oui » a-t-il dit, « les êtres humains sont sauvages. »<br />
<br />
Selon l'écrivain et M. Vittel, notre côté sauvage sort quand nous
sommes vulnérable, presque nu et plongé dans un élément naturel.<br />
<br />
J'ai fait un appel en faveur de notre humanité, « Mais, l'image d'une
boîte de Pétri est un peu sévère. L'écrivain Leanne Shapton nous
assimile à des microbes, hein. Soit. Continue. Mais attend ! Et les
nudistes, » ai-je demandé, « ils seraient donc les plus sauvages ? »<br />
<br />
A ma grande surprise, ils sont les plus civilisés parce qu'ils sont
au naturel et civilisés à la fois. Malheureusement ils doivent se tenir à
l'écart des yeux sauvages, comme les nôtres. Nous ne sommes ni assez
sophistiqués ni adultes d'harmoniser les deux extrêmes. Le seul bémol
chez les nudistes ? C'est que leur liberté est privée. En public les
sauvages se revêtissent civilisés et se découvrent barbares, faute de
bonnes moeurs.<br />
<br />
Et c'était toujours comme ça. A l'époque romaine dans les bains de
Bath, Angleterre, les baigneurs ont prié aux dieux de punir la personne
qui a volé leurs affaires alors qu'ils baignaient. Un malheureux a gravé
cette phrase dans une plaque des malédictions, "<em>A Minerve la déesse
de Sulis j'ai donné le voleur qui a volé ma houppelande, soit esclave
soit libre, homme ou femme. Il ne rachètera pas ce don sauf avec de son
propre sang.</em>"<br />
<br />
« Oh là là ! » s'est écrié M. Vittel. « Quel barbarie ! »<br />
<br />
« Ah ! » ai-je ri, « On savait maudire jadis. Oui, le vol est
abominable. Par contre, ce qui se passe à Brooklyn, c'est tout d'autre
chose. Bagarres, agressions, défécation dans une espace publique ! A
Baltimore il y a parfois des meurtres. Dans mon voisinage il y a une
piscine publique, mais je n'y vais plus. Après avoir vu plusieurs
casiers cassés, je crains qu'au retour de la piscine je ne trouve le
mien fracassé et pillé. Imagine-toi, presque nu, sans clefs, sans
portefeuille devant un casier tout vide. Tu vas à la piscine ? »<br />
<br />
Depuis longtemps M. Vittel n'y va plus. Il a peur des microbes.<br />
<br />
L'écrivain a ensuite blâmé la tension sexuelle pour les inconvénients
au bord d'une piscine. N'empêche que quand elle avait 13 ans, une
fille, pas un garçon surexcité, a volé son sweat-shirt rose favori
pendant une rencontre de natation. La chair exposée excitera le sexe de
l'autre sexe. Oui, c'est vrai, c'est un fait, donc il faut séparer les
hommes et les femmes. En Suède, le pays où tout se passe très bien et
beaucoup mieux quand tout ne s'arrange pas parfaitement pour l'écrivain,
les femmes pataugent gentiment dans leur dambadet et les hommes nagent
très bruyamment dans leur herrbadet. Une solution idéale donc. N'empêche
que la plupart des Suédois se soulagent dans les toilettes unisexes.<br />
<br />
A ce point nous étions d'accord tout de suite. « Il est ridicule de
penser ainsi. Comment un retour à la ségrégation des sexes
améliorerait-il la situation ? D'ailleurs l'écrivain pense que la
ségrégation à la suédoise est une invention moderne tandis que la
ségrégation de n'importe quel pays est aussi vieille que les pierres.
C'est en mélangeant les sexes à l'école et au travail que l'on a réduit
les préjugés sexistes. Et maintenant cette femme veut se tenir à l'écart
pour promouvoir quoi ? Son propre sexisme ? Son propre colon nudiste ?<br />
<br />
« Bien sûr, si on ne voit que la barbarie chez l'autre on finira par
ériger des barrières, mais n'y a-t-il pas d'autres remèdes sauf
l'exclusion et la privatisation ? Il est drôle que vêtus nous ayons fait
tant de progrès tandis que le progrès recule en se dévêtant. Cette
femme ne veut que limiter la tension sexuelle, la gêne et l'embarras.
Elle va finir par nous étouffer dans un confort douillet. »<br />
<br />
En écrivant ces lignes je regrette de ne pas avoir pensé aux femmes
de Femmen. Leur nudité représente-t-elle un progrès ou juste une
provocation ?<br />
<br />
Revenons à notre histoire.<br />
<br />
A Toronto l'été dernier, il y avait une vague d'intrusions dans les
piscines publiques et privés. Les jeunes Canadiens escaladaient les
clôtures pour y faire la fête. Ils buvaient, fumaient et plongeaient
dans les piscines avant d'être chassés par la police. L'écrivain les a
appelés intrus, malfrats, mauvais enfants. Et puis dans la prochaine
paragraphe elle a écrit d'avoir fait pareil avec deux garçons dans sa
jeunesse. Et voilà elle était jeune aussi, quasi nue, intruse, joyeuse
et accompagnée de deux jeunes garçons. Elle se souvient de cette nuit
comme la plus douce baignade de sa vie.<br />
<br />
« Ah ! » M. Vittel a soupiré, « C'est génial. »<br />
<br />
J'ai eu la même réaction. Les dernières lignes étaient comme un répit
après une longue tirade. Si je n'étais pas tellement heureux de
retrouver un peu d'humanité dans la chute du texte, j'aurais dit « Bobo
typique ! Quand elle était jeune, elle était rebelle. Elle enfreignait
les règlements, nageait presque nue et entourée de deux garçons, et
maintenant qu'elle est "adulte" tous les hommes sont des animaux en rut
et la société humaine est une boîte de Pétri débordante de sauvagerie.
Bien sûr, je préfère sa nostalgie d'un temps plus innocent à la première
partie de sa chronique où tout bonheur est privatisé, stérilisé et ségrégué et le mal partout. »<br />
<br />
Nous sommes arrivé à la fin de l'article en anglais et au début de notre conversation en français.<br />
<br />
« Puisque nous avons parlé des piscines américaines et canadiennes, si nous parlions des <a href="http://abonnes.lemonde.fr/style/article/2012/07/30/eaux-bonnes-l-ex-bien-nommee_1740189_1575563.html">Eaux-Bonnes, l'ex-bien nommée</a> ? » J'ai ensuite lu, « "<em>Un
village de bergers, une station thermale, des pistes de ski... La
commune des Eaux-Bonnes (Pyrénées-Atlantiques) a déjà connu trois vies
successives... (et) le bourg central, au fond de la vallée n'en finit
pas de ruminer son sort perdu de villégiature à la mode.</em>"<br />
<br />
« Tu connais Eaux-Bonnes ? Tu vas aux stations thermales ? »<br />
<br />
Quand il était jeune ses parents lui amenaient au Sud pour faire du ski.<br />
<br />
« <em>Eaux-Bonnes</em>, » j'ai continué, « <em>la bien nommée,
ressemble, de nos jours, à un décor de carton-pâte, une mise en scène
montée pour les besoins d'un tournage. Des immeubles haussmanniens,
balcons en fer forgé réglementaires au deuxième étage et mansardes
émergeant d'une toiture en ardoise, posent, incongrus, au beau milieu de
la montagne pyrénéenne... Les vertus des eaux du Valentin, un ruisseau
qui se jette dans le gave d'Ossau, furent reconnues dès le
XVI<sup>e</sup> siècle. Une vache blessée à la patte chemina
dans le cours d'eau et en fut immédiatement guérie.</em> »<br />
<br />
En bref, Eaux-Bonnes appartient à une époque où régnait une autre
civilisation basée sur la guerre, la majesté architecturale de Paris, et
une animation excessive et débordante. La ville a été construite autour
de ces eaux en raison des soins destinés aux soldats commotionnés. Ses
squares coquets semblent directement importé des plus chics
arrondissements de Paris et son Hôtel des Princes rappelle encore la
splendeur passée. Ses hôtels chics accueillaient une clientèle huppée
comme Sarah Bernhardt et Rosa Bonheur et ses taules ont été bondé d'une
foule dont Eugène Delacroix se plaignait souvent.<br />
<br />
Le sens de cet article par rapport au premier nous a échappé voire
nous a dépaysé comme l'invasion parisienne a dépaysé les villageois
pyrénéens. M. Vittel avait dans sa gorge un brin de nostalgie mêlé d'une
pincée de résignation. J'ai imaginé le goût de ce temps, les jeux et
les spectacles organisés par les hôtels, les odeurs émanant des
restaurants, les grands halls où tout le monde dînaient ensemble,
familles, couples, enfants, amis de familles, de couples, rires,
sourires, codes, règles, libertés. Et la foule, j'ai imaginé la joie
d'être entouré des autres dans les rues et dans les spectacles. Je
voulais demander, « Est-ce que nous vivons vraiment mieux aujourd'hui ? »
mais j'ai vite passé à l'article <a href="http://abonnes.lemonde.fr/vous/article/2012/07/27/l-eclairage-artificiel-de-nuit-favoriserait-la-depression_1739149_3238.html">L'éclairage artificiel de nuit favoriserait la dépression</a> dont il résistait la conclusion, « le progrès nous rend nerveux et apathique. »<br />
<br />
Le soir j'ai éteint tous les appareils clignotants dans la chambre.<br />
<br />
Ce voyage aux stations thermales m'a montré qu'il existe un point
mort entre notre époque et le passé. Ce n'est pas par la ségrégation, la
nudité, la sauvagerie, les transgressions ni la sécurité qu'on en
sortira, mais par l'engagement spontané avec autrui. Malgré toutes les
fautes du passé, et vous savez très bien que nous nous extasions en les
énumérant l'une après l'autre, serait-il possible que l'on pouvait
plonger et se perdre dans l'entassement naturel et désordonné de la
foule ? Si ce n'était pas le cas, est-ce que nous construisons un monde
où ce serait possible ou souhaitable ? Au moins avons-nous encore le
courage de côtoyer notre voisin au lieu de lécher de doigt tout le temps
notre appareil informatique ? Dans le premier article un femme rêve
d'une mixité des sexes, du désordre joyeux et du progrès spontané mais,
en revanche, elle cherchait la ségrégation, l'ordre et un progrès par
calcul. Dans le second on regardait en arrière en notant une splendeur
passée.<br />
<br />
Est-ce un espoir que le premier prône un retour au passé par le biais
de prétendre que l'adoption d'une pratique aussi vieille que les
herrbadets et dambadets serait un progrès ?<br />
<br />
C'est-à-dire un progrès public pudique.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-65705817999066656642012-12-12T02:29:00.000-08:002012-12-12T02:29:34.678-08:00L'ascenseur de l'âme<blockquote class="tr_bq">
<em>« Si l'ascenseur est un symbole du progrès urbain, il faut noter bien
que le progrès peut nous faire chuter et monter à son aise. »</em> —Ren du
Braque </blockquote>
« <em>Les Japonais s'adonnent avec passion au shinryoku, "la balade en
forêt".</em> » En lisant la première phrase de <a href="http://abonnes.lemonde.fr/vous/article/2012/07/17/savoir-repondre-a-l-appel-vivifiant-de-la-nature_1734737_3238.html">notre deuxième article</a>
M. Nauphouture et moi étions transportés loin de notre querelle sur
les espoirs désespérants de l'amour et du mariage et loin surtout de
la révolution.<br />
<br />
Je ne sais pourquoi j'ai choisi cet article. D'habitude mon choix va
de pair avec le sien. Par exemple il y a une semaine il a lu un
article sur l'amitié introuvable chez les trentenaires et les quadras;
moi, un article sur la découverte après la deuxième guerre mondiale
d'une amitié indicible entre un couple juif et un couple nazi. Nous
suivons les mêmes balancements dans notre conversation
hebdomadaire. Le Parisien dans le monde américain rejette le texte. Il
se rebiffe. Il dit non, non, non. L'Américain qui lit <em>Le Monde</em> trouve
un texte sublime et retrouve l'équilibre entre les deux rives de
l'atlantique. Cette fois-ci il semblait que notre différend ne serait
jamais résolue, toujours enfouie dans le non-dit, mais vous savez le
vieux proverbe. Chasser la nature, elle revient au galop.<br />
<br />
L'article parlait de l'écopsychologie, une discipline née dans la
contre-culture, l'antiracisme, l'écologie, et la psychologie
humaniste qui postule que notre bien-être est fort lié à la nature.<br />
<br />
« Alors ! » s'est-il exclamé, « La contre-culture, bien,
bien. L'antiracisme, très bien. Mais c'est avec un 'c' minuscule,
cette contre-culture. » Selon lui la vraie contre-culture représente
la vie urbaine, les villes, la rébellion. La nature, c'est une
fuite. Ce n'est pas pour tout le monde, donc c'est pour les bobos.<br />
<br />
« Lis la prochaine paragraphe ! » j'ai protesté. « Si, si. La nature
est importante. Il dit ici que "<em>(les) salariés dont la fenêtre donne
sur des arbres et des fleurs estiment leur travail moins stressant que
ceux qui ont une vue sur des constructions urbaines</em>". Je trouve cela
bien vrai. Par ma fenêtre, je ne vois que du béton, des bâtiments
moches et des voitures. Presque chaque mois il y a une alerte à la
bombe. Quelle stupidité urbaine et déhumanisante ! Pour m'empêcher de
devenir fou, je baisse le store pour bien fuir la ville et m'enfermer
dans ma cage. Ben, je suis d'accord avec toi. C'est une fuite, mais
une fuite bien nécessaire. »<br />
<br />
Lui a dit qu'il n'avait pas besoin de nature. Il regardait les toits
de Paris. La vie offerte aux hommes par la science et la civilisation
se trouve dans les grandes villes. Et comment pouvais-je m'opposer à
Paris ?<br />
<br />
« Oui c'est vrai, mais Paris a de la beauté, il a des jardins
sublimes, des lieux où on peut <em>échapper ... aux stimulations
sensorielles fortes et récurrentes, ce qui entraîne un stress accru</em>.
Et cette beauté, c'est une révolution, n'est-ce pas ? Si tu ne le penses
pas, viens à Washington et regarde par ma fenêtre ! »<br />
<br />
Il tenait à sa révolution. Il n'a jamais cédé, mais sa révolution
n'était pas aussi forte qu'avant et il a concédé que Paris était beau.<br />
<br />
Ensuite nous nous sommes plongé dans le coeur de l'article. "<em>(Ce
désir) de nature... nous reconnecte avec la part de "sauvage"... en
nous. Il nous renvoie aux parties les plus pulsionnelles et
indomptées... C'est l'élan vital qui échappe à notre contrôle... Une
sorte d'énergie à l'état pur.</em>"<br />
<br />
« Et nous revoilà au sein de notre premier article, mon ami. La
nature, cet élan vital, n'est-il pas essentiel ? N'est-il pas notre
amour ? Cette femme gâtée, elle voulait tout contrôler et en faisant
elle a détruit son désir. Si elle avait cherché le naturel au lieu de
préférer et justifier cette vie hyperbranchée, elle aurait eu plus de
chance de marier ses pulsions et ses souhaits. »<br />
<br />
A ce point, il m'a surpris en disant que les pulsions et le côté
sauvage ne sont pas civilisés. C'est plutôt comme ce barjo de Sète qui
a tiré sur ses voisins pour avoir fait la fête. Quoi dire ? Ces
pulsions qui font partie à notre nature, elles me font peur
parfois. Je me demande souvent qui contrôle quoi chez moi. Je vois,
moi, un plouc arraché de la nature depuis l'âge de 18 ans, dans la
nature une remède contre les stress de la ville. Il avait une vision
grandiose de la civilisation et des accomplissements de l'homme. Je
partage cette vision, mais en chemin aux grandeurs civilisées, l'homme
s'est quelquefois égaré de la route.<br />
<br />
Égarés nous-mêmes, nous avons continué et trouvé un passage exquis où
la civilisation et les pulsions se fusaient sous la plume de
l'écrivain Didier Decoin, "<em>Quand l'inspiration me manque, je
m'approche de la fenêtre de mon bureau, sous les toits, et je
contemple le jardin en contrebas, en ne pensant à rien, en n'étant que
regard, regard aimant dans le sens amoureux comme dans le sens
magnétique, et j'attends.</em>" Sublime.<br />
<br />
« Ce regard aimant, ce sens amoureux qui se remplit notre vide. C'est
ça l'amour. L'amant qui regarde son aimée en n'étant que regard, c'est
pourquoi nous aimons et peut-être unissons avec une autre, n'est-ce
pas ? Dans notre nature avec toutes ces pulsions terribles, il faut y
avoir quelque chose de plus permanent qu'un amour d'une nuit ou de quelques semaines. »<br />
<br />
Il y avait une pause pour contempler cette phrase qui était notre
jardin. Je me suis demandé, « Comment trouver chaque jour ce regard ? »
Et voilà comment nous avons résolu notre différend.<br />
<br />
Ce n'est pas par la force de ma conviction que je fais infléchir les
points de vue les plus tranchés. C'est par l'observation de la nature
qui m'entoure. C'est par les liens infinis qui me relient à cette
terre et à autrui.<br />
<br />
Aux dernières paragraphes de l'article, deux femmes expliquaient que
le jardinage leur a permis "<em>de prendre de la distance</em>" et de "<em>gérer au
mieux</em>" ses émotions. La seconde qui avait vécu une année dans une
grotte a affirmé que, grâce à son retour à la nature, elle a eu une
renaissance totale.<br />
<br />
« Pas mal, non ? », ai-je demandé. Il pensait que l'idée était
absurde. Deux cent milles années de progrès pour dompter la terre,
construire des villes, s'émanciper des superstitions pour retourner à
l'état brut. J'ai ironisé, « Et si l'être humain faisait tout son
progrès, juste pour, comme cette femme troglodyte, retourner vivre
dans une grotte ? Ce serait un rejet total, un retour du refoulé, un
retour éternel. Ben, une révolution, quoi. »Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-54702329368283836062012-12-09T08:26:00.001-08:002012-12-09T08:39:35.656-08:00L'inattendu<br />
J'interromps le récit de la conversation avec M. Nauphouture pour vous
narrer en total la conversation de ce soir. On dit que la surprise
nous guide et nous contrôle. Elle alimente notre désir. Je peux bien
imaginer que vous allez tous lire ce billet tout en en désirant plus !<br />
<br />
Je rêve, forcément. Le monde est bien trop prévisible. Le désir, c'est
soumis à la conformité. Je vous écris quand même dans la vaine
espérance de faire régner juste pour un peu de temps l'inattendu.<br />
<br />
Vendredi soir, je parle à Mlle Vendredi-Soir. Cela fait plus de neuf
mois que je parle avec elle. Petit à petit et à travers les
rendez-vous hebdomadaires, nos caractères se dessinaient. Moi,
nostalgique, mélancolique, mais, j'espère, drôle, et si je peux dire,
d'une manière désarmante. J'essaie de la surprendre pour qu'elle rie
et s'amuse bien. Elle, gaie, joyeuse et pleine d'un rire
contagieux.<br />
<br />
Au début, son sujet préféré était la guerre des sexes. Les femmes sont
toujours les victimes des hommes méchants. Elles doivent se battre, se
montrer fortes et indépendantes. Par contre, malgré cette attitude
méfiante, elle s'appliquait avec ardeur à mon programme de lecture. Et
elle rit. C'était tout à fait inattendu de rencontrer quelqu'un qui
rit avec autant de joie. Tous les autres correspondants ont juste un
très petit rire. Cela dure deux ou trois secondes. Nous rions et rions
et rions. D'ailleurs, personne n'a pas autant d'envie de parler avec
moi. Avec les autres, on commence à l'heure convenue et on parle une
heure. Impossible de parler plus. Avec elle, nous avons commencé avec
une durée d'une heure mais après quelques rendez-vous c'est attendu de
parler deux heures ou jusqu'à ce que nous ne soyons trop fatigués de
parler.<br />
<br />
« Quoi de neuf ? », c'est la question pour commencer. Elle allait
bien, mais très fatiguée. Elle a bossé toute la semaine pour avoir
plus de jours de congé pour Noël. Moi j'avais une grande histoire. «
Bon ! » elle a dit, « Ce sera bien. Je suis prête. »<br />
<br />
En fait, je l'amuse par les histoires de ma vie. Quand je lui annonce
que j'en ai une, elle s'attend à s'amuser.<br />
<br />
Je suis allé à un colloque sur le rassemblement des statistiques
gouvernementales. Je ne m'attendais pas à grand chose. Ma seule
inquiétude était que je ne comprendrais rien. Malheureusement, c'était
le contraire. J'ai trop compris.<br />
<br />
Les premiers quatre conférenciers parlaient de leurs efforts
d'exécuter une décision de l'administration d'Obama. Dès 2013 ou 2014,
tout renseignement serait réuni et disponible. Le gouvernement mettrait
sur pied encore une couche de bureaucratie qui classifierait chaque
miette d'information. Les renseignements, comme le recensement, les
sondages, les enquêtes, tout ce qui est confidentiel mais nécessaire à
une gouvernance représentative du peuple, serait désormais sous un
contrôle centralisé. Parfait. Un chercheur qui fait des prévisions sur
le coût d'un programme social pourrait réunir tout l'information
disponible pour en parfaire une prévision. On peut enfin répondre à
une question fondamentale, « Qui a besoin de quoi ? » et le
gouvernement peut réagir d'une manière efficace. Que vive
l'administration Obama !<br />
<br />
Ce serait le paradis enfin offert au peuple. J'en étais convaincu
jusqu'au dernier intervenant. Mais lui, il a annoncé que le ciel
tombait.<br />
<br />
Le gouvernement veut centraliser toute information pour espionner sur
tout le monde. S'il détecte un problème avec quelqu'un qui a fait
faillite par exemple, il serait plus facile de lui expulser du pays
grâce à ce nouveau système. Pire encore, quand les gens voient un
avertissement sur leurs questionnaires qui dit que leurs réponses aux
questions seraient examinées par le département de défense,
pourront-ils se fier à quelconque promesse de confidentialité ? Et
répondrait-il même aux questions ? Faut-il toujours suivre cette
logique de méfiance et de peur ?<br />
A mon avis, c'était un changement profond de régime. L'administration
pense qu'il y a un ennemi n'importe où, et lui, qui se vante d'être
ouvert à chaque minorité et à chaque religion, nous traite de criminel
potentiel tout un chacun. Bouleversé et choqué, je me suis dit, « Le
ciel est tombé. Ce n'est plus les États-Unis. C'est un bizarre empire
de peur. »<br />
<br />
« Mais si on est correcte, » elle a protesté, « il n'y a rien à
craindre. »<br />
<br />
J'étais fatigué. Mon récit n'était qu'une moitié de ce que j'ai écrit
ici et je ne savais comment en réparer. « Toute cette information
serait inutile. Loin de nous protéger, elle serait utilisée seulement
pour nous embêter, voire nous priver de liberté, comme le FBI a
récemment détruit les carrières de deux généraux du Pentagon. Tu
connais l'histoire ? »<br />
<br />
C'était une affaire trop banale pour une comédie d'intrigues — une
liaison entre un général et sa biographe, un crêpage de chignon, une
mondaine qui flirtait et manipulait un agent de renseignements qui lui
envoyait des photos de lui-même torse nue. Tout cela serait absolument
ridicule sauf que le FBI a lu les courriels des généraux qui se
comportaient comme des vilains gamins obsédés par les jolies
femmes. Oui, ils avaient tort, mais l'espionnage fait par les petits
gens, c'est inquiétant quand même. Et qu'est-ce que les huiles et les
mondaines font là-bas en Floride ? Le gouvernement doit-il mettre
son nez partout pour découvrir que la plupart des Américains sont
méchants, malhonnêtes, machiavéliques et surtout bêtes ? Et si le
gouvernement huilait et graissait cette grosse machine de guerre
seulement pour espionner un voisin imbécile ?<br />
<br />
J'étais dans le brouillard. Le ciel est tombé encore une fois. Le
gouvernement a été accaparé par les paranoïaques et je ne savais
comment l'expliquer. Pire, peut-être je suis la seule personne qui
pensais ainsi. Après tout, Obama est un saint. Je pense qu'il séduit
et flatte trop bien le peuple, beaucoup mieux que les mondaines de
Tampa, et il dissimule son amour pour l'argent, le pouvoir et son
attitude très machiavélique. De plus ce n'est pas lui que je crains le
plus. C'est le président après lui et la tentation absurde d'utiliser
cette machine de guerre.<br />
<br />
Je ne voulais pas persuader que le ciel tombe si cela nous mène à
quereller. D'ailleurs, j'évite à tout prix les sujets basés
exclusivement sur la peur, l'opinion, la guerre, la rancune, la
révision du passé et du présent pour rabibocher la crédibilité de nos
attitudes puériles, bien-pensants et conformistes. Je me limite à
parler exclusivement sur les sujets trouvés dans les journaux. Cela
nous aide à retrouver notre humanité, et, si je vous me permettrais,
d'une manière imprévisible.<br />
Confus et incertain, je voulais passer à notre premier article, donc
j'ai dit, « I heart unpredictable love » (<i>J'aime de tout mon coeur
l'amour imprévisible</i>).<br />
<br />
Elle pensait que je commentais l'affaire, peut-être que je blâmais la
mondaine et le général pour leur aventure, donc elle a dit, « Mais
s'ils voulaient avoir une aventure, il n'y a pas de problème. »<br />
<br />
Je suis toujours choqué par cette attitude qu'elle épouse. Si deux
personnes veulent un amour d'une nuit, pourquoi pas ? Je voulais
répondre que je regrettais le temps où on cherchait l'amour au lieu du
sexe, mais je savais qu'elle serait plutôt inflexible sur ce
point. J'ai donc répété « Hein. J'aime de tout mon coeur l'amour
imprévisible. »<br />
<br />
« Mais ils étaient mariés, » a-t-elle dit, « donc ce n'étaient
pas correcte. »<br />
<br />
« Quoi ?! L'amour imprévisible n'est pas possible pour les couples
mariés ? »<br />
<br />
Après que nous nous en sommes démêlé tout, nous avons parlé de
l'article. Un psychiatre assimilait l'amour à une dépendance aux jeux
de hasard parce que le dopamine dans notre cerveau nous fait
intéresser plus au plaisir imprévisible et parfois malsain qu'un
plaisir standardisé et sauf. Mais grâce à notre sagesse et meilleures
prévisions nous pouvons éviter les pièges de l'amour. Nous pouvons
maîtriser, bien huiler, graisser notre cerveau par des renseignements
sur les conséquences de l'amour. C'est à nous de décider avec qui on
aime, et comment, pourquoi et sous quelles conditions qu'on aime. Pour
la troisième fois cette soir, je voulais dire non. Il faut laisser
ouvert notre coeur. L'amour n'est pas prévisible. C'est son
mystère. Si on essaye de contrôler tout, on finira par détruire
tout. Le ciel tombera. Ce sera un catastrophe. Non, non, non !<br />
<br />
Mais tout d'un coup, elle a décroché. Sa soeur est arrivé chez elle
son visage baigné de larmes et son coeur brisé. L'amour imprévisible a
imprévisiblement terminé notre conversation et je ne sais quand nous
nous parlerons encore.<br />
<br />
Ben, que dois-je faire ? J'attends, quoi, en espérant que le ciel ne tombe pas encore une fois.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-86748619493346905232012-12-02T13:29:00.000-08:002012-12-02T13:29:18.204-08:00Mariage ou révolution
<br />
Samedi, 8 heures du matin, l'heure de ma conversation avec
M. Nauphouture de Paris qui habite près du Bois de Boulogne. Un
endroit où je n'ai jamais foulé la terre. Un jour j'aimerais marcher
sur ses feuilles mortes et me perdre en me baladant parmi ses
arbres. J'aimerais humer le parfum de cette forêt sauvage et domptée,
aspirer profondément et me ressourcer par l'amour infini de la mère
nature.<br />
<br />
En écrivant « mère nature » je pense que la phrase un peu injuste. La
nature est aussi engendrée par un père nature et d'ailleurs on
pourrait dire que c'est une nature sexuée, toujours divisée en deux
tandis que la vie est la réunion continue de cette triste division.<br />
<br />
Un petit mot, s'il vous plaît, sur les conversations. Il est vrai que
j'ai laissé tomber mon écriture et aussi vrai que je me suis entraîné
par les correspondances par Skype. Chaque semaine j'entretiens trois
conversations et un dialogue de sourds ce qui ne m'offre pas beaucoup
de temps pour écrire. Je sélectionne des articles, je les lis de près,
de loin, avec mes lunettes et avec les lunettes d'autrui et enfin je
prends des notes pour en parler. Cette lecture lente invite d'autres
voix dans nos conversations. C'est plus qu'une conversation. C'est une
fête de mariage, si vous voulez, où je me marie avec un interlocuteur
et les journalistes qui font partie de nos demoiselles d'honneur et
témoins. Pendant la conversation avec M. Nauphouture nous sommes à la
fois paresseux—la seule préparation de ma part est de sélectionner
des articles—et très bosseur—nous examinons de très près chaque
paragraphe, phrase et, de temps en temps, mot. Et cela nous fait
voyager au dépaysement total où le retour du refoulé surgit, le retour
éternel se dessine, et bien sûr à la fin le retour à la normale nous
attend.<br />
<br />
Ce samedi parmi les seize articles de la sélection il a choisi
l'article, "<a href="http://www.nytimes.com/2012/07/19/opinion/the-wedding-effect.html">The Wedding Effect</a>", une épître profane vaguement contre
le mariage.<br />
Première paragraphe. A une cérémonie de mariage à Prague, la
journaliste a eu le coup de foudre pour un Anglais, mais
malheureusement l'amour n'est pas éternel. Après moins d'un an, les
appels Skype et une semaine heureuse dans les Bahamas ne pouvaient
surmonter ni la distance entre Londres et Palo Alto ni leurs
personnalités incompatibles.<br />
<br />
« Alors ! » M. Nauphouture a l'habitude de commencer tout commentaire
par ce mot, « c'est tout à fait normal. Une histoire d'amour sans la
fin heureuse hollywoodienne. Il est naturel que leur illusion s'est
brisée sur l'écueil de la réalité. » « Mais » je lui ai dis, « tu vois
que son cousin et une Tchèque ont fini leur coup de foudre par le
mariage, tandis qu'elle et son beau n'y sont pas arrivés. Entre la
Californie et Londres y a-t-il moins de différence culturelle et
peut-être moins de différence sexuelle. C'est-à-dire que dans les pays
de l'Europe de l'Est, les femmes assument un rôle plus traditionnel
tandis que dans l'ouest les hommes et les femmes jouent des rôles
parfois ambigus et supposément égalitaires. Est-il juste de supposer
un lien entre la géographie et l'amour ? Faut-il dire que l'amour ne
peut surmonter les obstacles ? »<br />
Nous avons tourné en rond quelque fois sur ces questions. Lui
insistait que l'amour est une illusion qui ne peut guère survivre dans
telles conditions. Moi, j'ai fini par insister de peindre ce portrait
dans toutes ses détails et dans tous ses couleurs. L'amour existe
entre la Tchèque et le cousin, mais il n'existe pas entre la
journaliste et l'Anglais.<br />
<br />
Paragraphe suivante, une description de la fête et une mise en cause
de l'effet néfaste des cérémonies de mariage. D'après elle, la sagesse
d'une jeune femme serait diminuée par le bonheur, l'ivresse et la
promesse de la cérémonie. Nauphouture est devenu tout d'un coup
nostalgique de ses jours d'ivresse. Moi, je me suis tu. J'étais alors
plutôt solitaire et il est difficile d'être nostalgique d'un passé où
je voyais les autres aller à cérémonie après cérémonie tandis que je
n'avais ni des amis ni l'argent pour aller dans un autre état ou un
autre pays d'ailleurs. Quand même je n'ai aucune rancune contre la
joie d'autres et leur tas d'amis qui leur donnent beaucoup
d'opportunités d'avoir des aventures. Je pense seulement si on est
entouré de tant de richesse, il faut en profiter plus sagement.<br />
<br />
Et voilà dans les paragraphes suivantes nous nous sommes mis à
échanger, voire à bagarrer comme un vieux couple. Il a accusé la
journaliste de vivre en liberté uniquement aux cérémonies. Au lieu de
s'ouvrir l'esprit seulement pendant les cérémonies, il lui faut plus
de liberté tous les jours. En outre comme notre société et ses valeurs
anciennes nous privent de liberté, ce qui nous rend malheureux, il
nous faut une révolution pour donner à tout citoyen et toute citoyenne
le maximum de liberté.<br />
<br />
« Mais revenons au texte. » je lui ai protesté. « N'y a-t-il pas
quelque chose dans ce texte qui cloche ? Les cérémonies avaient été
formidables, mais cérémonie après cérémonie elles sont devenues
banales. Au début de ses années vingt, la promesse d'un amour toute sa
vie semblait magnifique, mais dans la vraie vie nous sommes si
difficiles que le mariage a l'air d'un cauchemar. La fête bachique
nous fait rêver et prendre nos fantasmes comme réels, mais elle nous
oblige également de supporter une réalité à deux pénible. La joie aux
fêtes n'est rien d'autre qu'une solidarité morbide en face de la fin
des jours. L'optimisme d'un mariage ne suffit pas pour contredire
l'angoisse que provoquent les statistiques du taux de divorce. Elle
oppose l'insouciance de l'amour contre la contrainte du mariage, le
chaos du désir contre contrôle, mais son image de sa propre cérémonie
me semble aussi fantaisiste que ridicule. Elle est formatée jusqu'au
moindre détail. Au lieu de choisir sa propre fantaisie, elle veut
l'arranger selon le décor de ses filmes favoris et le son de ses
albums favoris. Le problème, c'est elle. Elle veut toute la joie de
l'union chaotique de deux âmes, mais elle veut contrôler tout détail
de sa vie. Son ordre ne détruit-il pas sa joie ? N'est-elle pas le
renard qui méprise les raisins ? Pire, le renard ne pouvait pas
atteindre les raisins, mais elle doit avoir toute la liberté de
transformer ce rêve en réalité, n'est-ce pas ? »<br />
<br />
Bien sûr, il tenait à sa révolution. Le mariage est une institution
dépassée. Les valeurs d'antan dénaturent la nature humaine et nous
asservissent. Je lui ai gentiment posé des questions : Mais
fallait-il priver les gens de leurs espoirs, voire de leurs illusions
? Ne pouvons-nous pas être libres et mariés la vie durant ? La
journaliste détruit sa joie par l'ordre, mais n'érigeait-elle pas
d'autre ordre plein de fantasmes similaires et aussi contraignant ? Un
jour, si nous suivons cette logique de liberté, nous allons
<a href="http://www.nytimes.com/2012/09/16/fashion/the-unbridled-shower-celebrating-divorce-not-with-a-whimper-but-a-bang.html?pagewanted=all">célébrer les divorces</a> autant que les mariages alors que nous
fabriquons à la chaîne autant de <a href="http://www.nytimes.com/2012/04/29/fashion/weddings/leaving-a-spouse-behind-for-good.html?pagewanted=all">rêves irréalistes</a> à la fin du mariage
qu'au début.<br />
<br />
Et voilà nous n'étions qu'au milieu de notre rendez-vous, mais je suis à la fin celui-ci. Je vous
demande de permettre de prendre congé pour l'instant. Je reviendrai
cette semaine pour vous décrire la deuxième partie de notre
conversation. Et je vous demande pardon encore une fois. Je dois
réviser un peu le texte, essayer d'éliminer l'inutile. J'ai commencé
cet exercice pour m'habituer à ce mariage entre mon esprit et les mots. Au début,
j'étais plein d'illusions, mais maintenant je divorce. La faute est à moi. La réalité, c'est que ce n'est qu'un blogue. Un vrai essai serait plutôt plein de contraintes, de
prétention d'immortalité. Moi, paresseux, angoissé devant la page
blanche, je demande un peu de liberté d'écrire ce que je
veux. Peut-être un jour je serai prêt à me marier à une écriture plus
formelle et stricte, mais maintenant je jette ma gourme avant de
m'atteler à la rigueur. Fantaisiste ? Pourquoi pas ?<br />
Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-53670583518997039832012-07-05T18:35:00.002-07:002012-07-06T01:16:30.352-07:00Enfin, libreHier, c'était notre fête de l'indépendance. Aujourd'hui, c'est le premier moment où j'ai assez de liberté d'écrire enfin dans ce blogue. Je dois dire que ce n'est pas uniquement la liberté dont j'ai manqué—plutôt c'est aussi une absence d'autres choses à faire. Mais voilà, je suis libre, juste comme ça.<br />
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Pas de travail, je fais le pont. Pas d'articles à lire pour les correspondances, j'en ai tout lu. Pas de devoirs à remplir à la maison, je suis tout seul. Aucun besoin corporel, de l'exercice suivi d'un petit somme voluptueux sur le canapé m'ont bien comblé et les deux ensemble ont chassé et banni le stress pour l'instant. Aucun livre à lire, déjà lu <i>Le Malade Imaginaire</i> pour la discussion de ce dimanche avec l'association que j'essaie d'animer. Aucun courriel à écrire, tout le monde qui veut correspondre ou avoir des nouvelles a un courriel dans leur boîte qui reste sans réponse. Je flotte dans le vide du temps et de l'espace pour l'instant. Néanmoins, j'entrevois à l'horizon de nouveaux devoirs. Cette liberté sera très fugace. D'ici demain elle pourrait s'évanouir. Déjà je me sens un peu las ou nerveux d'écrire au lieu de chasser par un divertissement quelconque l'ennui de la liberté.<br />
<br />
Ouf ! Sacré téléphone ! Que la peste étouffe les compagnies d'appels anonymes ! Chaque jour ils nous appellent au moins quatre fois. Cette vie qui rend la paix introuvable ! Que le gouvernement muselle ces chiens au lieu de les laisser nous casser les oreilles !<br />
<br />
Désolé. Tant de distractions dans cette vie.<br />
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Vous savez que j'ai du mal à écrire dans ce blogue. J'ai cherché pendant un an de trouver une remède. Je me sentais en manque de contact réel ce qui m'a emmené à chercher des distractions virtuelles. Mais les distractions virtuelles ne sont forcément ni loisir ni détente, mais parfois elles en provoquent de l'étourderie. J'ai essayé de me maintenir en contact avec mes amis par une correspondance. Je pensais que cette écriture me ferait conjurer la présence de mon amitié par l'écrit. Cela marche plus ou moins, mais, mes amis, ils ont leur travail, carrière, enfants. Ils n'ont pas souvent le temps de répondre et s'ils le font, j'imagine qu'ils ont oublié comment et pourquoi on écrit. Ils ont également leur maison, épouse, loisirs, vacances, projets, amis, liens de parenté, journaux.<br />
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Attendez !
Amis ? L'un a ses amis, mais c'est plutôt les amis de sa femme; les autres, je n'en sais rien. Beaucoup de monde aux États-Unis sont très isolés. Et les amis de mes amis qui ne me parlent plus ? Je n'en ai pas aucune idée. Deux sont à Washington. Je pense que l'un parle seulement aux contacts de commerce. L'autre est retourné d'Azerbaïdjan il y a un an. Il ne m'en a pas dit un seul mot. Quelle ironie d'avoir passé toutes ces années après l'université dans leur compagnie et maintenant, rien. Le troisième est professeur à Barnard. Marié, deux enfants. Il n'a pas de temps et par ailleurs je ne vais plus à la ville de New York. Par contre je suis presque certain qu'il passerait un après-midi avec moi, si je lui annonçais une visite. Hélas en imaginant cette rencontre je crains que le temps ne passe trop vite. Garderions-nous assez du ancien soi pour être reconnu ? Serions-nous perdus dans notre liberté ou accablés par les soucis ? Suis-je devenu trop anti- et lui trop post-moderne ?<br />
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Liens de parenté ? L'un, qui a les amis de sa femme, il a sa mère et ses deux frères qu'il adore et je les adore aussi. Un autre a perdu ses parents, mais il est le sixième fils d'une famille de sept enfants. Imaginez la foule de cousins, de nièces, de neveux, de frères et de sœurs qui se réunit dans leurs réunions. Encore un autre qui habite dans le Connecticut déteste sa mère, parce qu'elle le battait comme un chien. Un autre de Philadelphie relativise la folie de sa mère et la faiblesse de son père. Plus le temps passe, plus il en est écœuré, malgré la peine de s'admettre la perte de sens dans la relation. Même chose pour une amie de Massachusetts. Quand je la vois, une partie de nos conversations gravite en orbite autour de sa sœur jumelle folle et ma mère avare folle et féministe, père lâche conservateur, belle-mère verbalement violente, frère méchant et ultralibéral et frère fou lâche et aussi communiste que matérialiste, avare et égoïste. Tous ensemble, s'il existe un lien familial, une famille machiavélique qui dénie tout machiavélisme. Donc une famille normale ?<br />
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Et les journaux ? Personne ne les lit. Citer un article de <i>Le Monde, New York Times, Guardian, Marianne, Télérama, Burlington Free Press, Le Devoir</i> du Canada, <i>New York Review of Books, The New Yorker, Sud Ouest</i> (pas mal ce journal), <i>Courrier International, Presseurop</i>, c'est comme annoncer qu'on avait toujours dissimulé l'apparence et l'accent martien. Dire « j'ai lu dans Le Monde que... », c'est jeter la confusion dans l'esprit. « Mais j'étais en train de parler pour la mainte fois de mon fils. Qu'est-ce que c'est que ce "Le Monde" ? Tu parles français ? » Et c'est presque la même chose pour la plupart de mes correspondants. Ils se déclinent selon leur ouverture à l'actualité—allergique, en très petites doses, vite accablée par la lecture comme si elle est un boulet au pied, tendancieux, et par miracle pure, ouverte à tout.<br />
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Et voilà, toute ma liberté s'est évanouie. Un rendez-vous avec une correspondante sur Skype commence. Comme elle est en retard, j'ai juste un instant pour conclure. J'imaginais ce billet comme tout à fait différent que celui-ci. J'avais en tête des bribes de Rousseau et de Molière. Je pensais mêler une description des contraintes si horribles du travail que l'on se pense privé à perpétuité de toute liberté. Par contre, rien de cela ici. J'ai plutôt vagabondé à travers l'état de ma liberté en toute liberté et j'ai fini par écrire de l'amitié, la famille et les journaux. Ne feraient-ils pas partie intégrante de notre liberté ? Ne nous sentirions-nous beaucoup plus libres si on faisait confiance à l'amitié, les relations familiales et ceux qui écrivent les nouvelles ?Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-56419582848607349332011-04-29T08:28:00.000-07:002011-04-29T08:28:19.202-07:00La coopération selon les sexologues catalans<p>Les samedis matin je parle à Mme Tourville, sainte patronne des touristes. Elle compose pour moi un tour du patrimoine français en anglais et ensuite je lui improvise à la dernière minute un tour d'articles en français. Ce samedi elle m'a décrit la place Stanislas, le canal de la Marne, et l'histoire des châteaux de la Lorraine. Au cours de notre visite, elle m'a proposé une pause à midi, et après elle m'a décrit d'autres endroits à visiter.</p><p>Je lui ai remercié pour son tour bien aimable de la ville de Nancy. Il me serait bien utile, si j'y allais cet an, mais je vais visiter Annecy.</p><p>Que j'avais des ennuis de prononcer le nom de cette ville. Quand je l'ai découverte dans la rubrique voyage du New York Times, je pensais qu'on prononçait le e, mais d'après Sancho, le e est muet. Et lors de ma conversation avec Mme Tourville imitant la prononciation de Sancho, je lui ai dit « Je vais à Anncy ». Elle, ne pas pensant que je pouvais me tromper, a entendu Nancy.</p><p>C'est la deuxième fois que Sancho a prononcé le nom d'une ville à son gré bien que les riverains le prononcent autrement. Par exemple, au début de notre correspondance, j'ai prononcé la ville de Mme Tourville, Agen, avec une voyelle nasale. Elle m'a corrigé. C'est Agen comme « à genièvre » ou « à genoux » car le nom à l'origine a été un nom de famille. On en a tronqué des lettres mais gardé la prononciation. J'ai essayé de prononcer le nom correctement à Sancho, en expliquant qu'il n'y avait pas de voyelle nasale, mais il pensait que c'était incorrect ou un drôle de prononciation de l'Aquitaine. A Paris on prononce la voyelle nasale.</p><p>Bon, désormais, ce serait Agen comme <em>agenda</em> pour Mme Tourville et Agen comme <em>agence</em> pour Sancho.</p><p>Nous avons bien rit sur notre enchevêtrement de voyelles et de villes. Ensuite je lui ai donné un tour de trois articles sur la coopération, la Barcelone et René Cassin. Selon un auteur la coopération est un trait inné qui s'est faite introduire dans notre ADN. C'est-à-dire que parmi des êtres qui suivent la logique de pardon universel, de punition universelle, et de la loi du talion, la sélection naturelle favoriserait la survie les êtres qui suivent la règle d'or (faites aux autres comme vous voulez qu'ils fassiez à vous). Cela veut dire qu'il faut punir, mais puisque la coopération aide aux gens de vivre mieux il faut tendre la joue aussi.</p><p>Qu'il faut écrire un livre dans lequel on prouve que la coopération est le propre de l'homme semble suspect d'autant plus que la coopération est plutôt rare au cours de la vie quotidienne. En fait, j'en ai parlé avec un correspondant. Il a dit qu'il fallait imposer la coopération sur le peuple, sinon ce serait le chaos. Je ne suis pas arrivé à le persuader, en fait je pense l'avoir froisser pour lui avoir suggéré que la coopération est innée. En revanche, Mme Tourville et moi sommes mis d'accord sur la thèse du livre. D'ailleurs nous pensions que l'imposition de la coopération serait tyrannique.</p><p>« Bon, prochaine étape dans notre tour serait Barcelone. Est-ce que vous y êtes allée ? » je lui ai demandé.</p><p>« Ah, oui. »</p><p>« Très bien, mais est-ce que vous y avez vu des personnes à poil dans les rues ? »</p><p>« Quoi ? Non ! Tout le monde a été habillé. »</p><p>Et ensuite je lui ai expliqué qu'en 2004 Barcelone s'est vantée dans une brochure touristique intitulée <em>Exprimez-vous tout nu</em> qu'il n'existât aucune sanction contre la nudité. Depuis lors la ville s'est attiré plus de touristes très légèrement vêtus. Aujourd'hui le conseil municipal veut contraindre cette liberté d'expression par une amende de 500 euros par exhibition nudiste. Par la sévérité de la punition on dirait qu'un essaim d'exhibitionnistes fourmillait à Barcelone, mais le reporter n'a trouvé que deux nudistes. Le premier était un ancien salarié d'une banque, maintenant à la retraite. L'autre, un sexologue. Les deux se connaissaient et appartenaient au même club nudiste, mais le sexologue l'a quitté à cause des différences philosophiques. Il dit que notre société nous oblige de s'habiller comme si c'était naturel, mais au contraire la nudité est naturelle. D'ailleurs il pense que bannir la nudité, c'est aussi liberticide que bannir la burqa. Selon lui c'est ségrégationniste; c'est comme on dit "Pas de nègres ici".</p><p>Moi, je pensais que marcher nu dans les rues, ce serait un peu inconfortable. Je me sens bien dans ma peau, et particulièrement bien si ma peau est couverte des vêtements. En revanche, je me sens bien dans ma peau quand il faut me déshabiller dans un vestiaire devant d'autres hommes. Parfois, quand je suis tout nu, je dis bonjour aux autres, mais je crains que ma gentillesse ne leur fasse peur d'une rencontre plus qu'amicale.</p><p>Quand j'y pense, je me demande, « Mais quel type oserait de se promener tout nu ? Ne serait-il pas un peu exhibitionniste ou ostentatoire ? »</p><p>Mme Tourville a nié que les Barcelonais étaient exhibitionnistes. Selon elle, le nudisme est un mode de vie, une libération des moeurs dominantes. En principe, j'accepte cette possibilité, mais je soupçonne quelque chose de louche chez le sexologue.</p><p>La dernière étape de mon tour était la critique de la biographie de René Cassin. « Est-ce que vous connaissez cet homme ? » je lui ai demandé. « Non, non, mais le nom me dit quelque chose, » Elle m'a répondu désireuse d'en savoir plus. Il était professeur de droit, ancien combattant militant, résistant et homme politique, "juge" et "conseiller" des princes, président de l'Alliance israélite universelle, et dans cette biographe récente on a dit <em>"si les droits de l'homme sont en 2010 l'affaire de tout un chacun, c'est en partie à lui qu'on le doit".</em></p><p>Qu'est-ce que cet homme nous aurait dit aujourd'hui ? Penserait-il que la coopération est un trait inné ? ou faudrait-il l'imposer ? Penserait-il qu'il faut ajouter des lignes sur les droits de l'homme à poil pour les sexologues Barcelonais ? ou se contenterait-il d'être traiter de ségrégationniste comme il essuyait les relents de l'antisémitisme ? Laisserait-il passer la mauvaise prononciation de son nom par les ignares qui l'ont surnommé Bécassin ?</p>Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-63923440048192160282011-04-21T18:54:00.000-07:002011-04-21T18:54:27.542-07:00Mes correspondancesCher M. du Braque,<br />
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Comment je vous néglige. Même votre nom n'est pas bien. J'aurais dû choisi <i>Ren de Braque</i>. C'est trop tard. Vous êtes et serez toujours un aristocrate déchu et loufoque. <br />
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Cela fait longtemps que je ne vous écris plus. Comment vous expliquer ce qui m'arrive quand je regarde l'ordinateur, un billet naissant dans la tête qui n'osait pas de sortir. Oh, j'ai essayé, mais l'écheveau noir de phrases sur l'écran gris-blanc me laissait las. J'ai toujours fini par me demander pourquoi dois-je publier ce billet plein de mes pensées incohérentes, et cela me faisait penser que je n'avais rien plus à dire. Jour après jour s'est écoulé. Je me sentais impuissant et usé, tandis qu'en évitant de vous écrire j'ai examiné ma vraie vie. Quoi puis-je changer ? Puis-je changer ? Comment arranger l'horaire pour arracher un petit peu de bonheur de plus ? Où trouver un peu de sens dans un afflux de monotonie ? <br />
<br />
Vous savez très bien ce que je faisais. Je lisais les journaux, faisais la cuisine et faisais de l'exercice. Je veillais ma boîte aux lettres pour un courriel qui n'arrivait jamais. Et même si un arrivait, je n'étais content qu'un instant. L'instant après mon âme se retrouvait coincé entre l'ennui et le mécontentement. Vous savez que j'avais toujours des idées. Je les répétais à moi-même et parfois à Chouchou. Et puis devant l'ordinateur c'était le trac qui faisait oublier les lignes ou la confusion d'un musicien qui se perd au milieu d'une longue fugue de Bach. <br />
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Mais, cher Ren du Braque, je n'ai pas commencé à vous écrire pour me perdre. Ah, attendez, ce n'est pas vrai. Oui, je voulais me perdre, bien sûr, je veux me perdre tout le temps. De plus, je voulais que vous me trouviez, que je vous trouve ou que nous nous rencontrions en chemin, par hasard. Faute d'être au rendez-vous, je vous ai abandonné mon ami, mes amis. Il faut vous retrouver et j'espère que cette lettre me remettre en selle.<br />
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Et maintenant c'est l'heure d'aller à la piscine, ensuite nager trente minutes. Après j'irai en vélo au bureau et, si mon esprit est bien prêt, je travaillerai huit heures. Avant de vous quitter, je voulais vous dire que j'ai commencé ce blog comme un élargissement de mes correspondances. Et malheureusement, mes correspondants ne cessent de me quitter. Plus qu'ils m'ont quitté, plus que je lisais les journaux, faisais des collections d'articles les plus intéressants, et attendais en vain des moments d'en parler avec eux. Aux moments perdus j'ai laissé échapper à Chouchou que si on lisait les journaux, après un peu de temps, on se lasserait des marronniers, des histoires de corruption et du sentiment vague que les espérances de l'Europe et des États-Unis sont en train de s'effondrer. <br />
<br />
Mais, il me semble que c'est votre destin M. de Braque. Vous voulez se perdre dans les nouvelles. Vous voulez avoir le cafard. Et pour vous retrouver, je dois vous suivre et me perdre aussi. Désormais, je parlerai davantage de mes correspondances pour mieux correspondre. <br />
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A bientôt et bien amicalement,<br />
GoRenhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com8tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-44224370626787793062011-03-06T19:10:00.000-08:002011-03-06T19:10:37.504-08:00Des amours d'une nuit ou plus en six motsJe n'ai jamais rêvé d'avoir un amour d'une nuit. Que j'étais tout seul avec un amour imaginaire ou que dans une nuit d'été dans un bar j'ai rencontré le regard d'une jeune femme qui m'a suivi jusqu'au seuil d'un appartement, je n'en dirais rien sur les nuits où je n'ai pu dormir. D'ailleurs, je ne m'intéresse pas à rappeler le temps où je tombais amoureux si vite et profondément que je me perdais dans une rêverie douce et heureuse pendant des heures, jours, mois et ans. Si j'ai un brin de nostalgie sur ces temps, c'est l'inventivité perpétuelle de mon imagination. Hélas comment je m'enlise dans la routine, et je ne parle même pas du travail. C'est mes loisirs, mon étude du français, la lecture des journaux, la culture contemporaine, tout cela m'ennuie et m'assourdit tellement que je me sens abruti. Parfois Chouchou me demande des questions comme « Tu veux aller dîner ? » et je réponds mécaniquement « Sais pas. » Quand je parle, j'entends faire ma voix les mêmes intonations dans les mêmes interrogations et les mêmes plaintes. Je me demande qui va s'intéresser à moi, si mon esprit s'éloigne et s'absente de mon corps. Je pense l'entendre me dire « Mais pourquoi tu te laisses t'enliser dans la routine ? Invente quelque chose ! » <br />
<br />
Malgré cette commande, je retourne aux vieilles habitudes. Je continue à faire des listes d'articles pour parler aux correspondants Skype qui m'ont abandonné il y a longtemps. Pourquoi collectionner des articles sur le multiculturalisme, une biographie de Cioran, la peine de mort, les voyants, les izakaya, la folie des parents qui prennent une photo de leurs enfants à chaque instant, la mort agonisante de Little Italy à la ville de New York, la situation désespérée des syndicats publics américains et des pauvres gens dans le Vermont, et enfin des fumeurs à la ville de New York qui font pousser du tabac dans leur jardin pour rebeller contre une société qui veut les écraser comme on éteint un mégot dans un cendrier ? Dès que je prononce une phrase comme « J'ai lu dans Le Monde ou dans le New York Times, que ... » je peux voir que l'élan spontanément né dans mes propos irait se heurter à un mur d'indifférence ou d'ignorance. Je m'arc-boute contre le choc, le sourire s'estompe un peu et ensuite j'entre dans le moule. <br />
<br />
Mais ce soir je veux écrire quelque chose de nouveau, de ludique. Je vous propose un simple exercice que j'ai trouvé dans le New York Times. Écrivez pour vous-mêmes, si cela vous tente, d'écrire une histoire d'amour en six mots. <br />
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En voilà trois.<br />
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<i>Avec les mots, j'étais toujours timide.<br />
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Moments, heureux près d'elle, tristes loin.<br />
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Paulun, Sir-Vent, moi mitoyen, Pauldeux, Suivant<br />
</i><br />
Et alors, il ne me reste que quelques lignes pour décrire toute ma vie amoureuse. Et vous ? Combien de lignes avez-vous à écrire ?Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com12tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-47948826025147860412011-01-17T19:59:00.000-08:002011-01-17T19:59:26.866-08:00Des histoires sans motsC'est comme je ne sais plus écrire. Quand je regarde l'ordinateur, un malaise me saisit, les pensées se brouillent, l'élan se voltige, un malheur me paralyse et je ferme lentement le couvercle de l'ordi. Je sens vaguement mal. Pas très mal, ce n'est pas la fin du monde, mais ce n'est pas bon. <br />
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Quand j'ai commencé ce projet, j'ai maintes choses à dire. J'ai découvert que je pouvais dresser en mots mon propre portrait. A vrai dire, je ne me suis jamais attendu que ce serait possible. Quand je parle aux autres, mes mots n'arrivent guère aux oreilles ou on me les rend dans un état où le sens a été si tordu, manipulé, déformé que je me sentais aussi manipulé que mes mots. Quand même, depuis plus d'un mois, bien que je pense avoir bien écrit, je n'en sens plus capable. Je ne sais si j'ai perdu mon équilibre entre le réel et l'imaginaire ou si je suis désormais trop équilibré pour risquer un récit. Je ne sais si avant j'étais bien éloigné de mon récit pour en écrire ou si je pouvais revivre l'expérience sans me faire mal. En tout cas, je me sens trop exposé et vulnérable pour terminer un billet. C'est-à-dire entre l'Echo et le Narcisse dans mon âme, je n'arrive plus à faire sortir l'histoire. <br />
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En attendant, je vous dis ce qui m'est arrivé. <br />
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Victoire, notre chat, est morte. <br />
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Je deviens férocement cynique en face de la méchanceté au point que je montre les dents. <br />
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Chouchou et moi avons passé Noël et la nouvelle année ensemble sans avoir vu nos familles. Je suis allé voir mon oncle et ma famille adoptive. <br />
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J'étais plutôt inquiet sur mon travail, parce que le contrat qui me fournit la majorité de mon travail a dû être renouvelé et regagné. D, le patron pour qui j'ai travaillé jour et nuit m'a accusé de ne pas m'intéresser suffisamment à son projet. <br />
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Nous avons acheté une nouvelle machine à espresso, una bella machina, la Pavoni !<br />
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Je pense que je souffre de la déshydratation chronique. J'ai eu deux attaques de suite de la goutte. <br />
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J'ai assisté à la fête de la fin de l'année de notre compagnie qui m'a fait perdre la tête. <br />
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Je pense que mon avenir n'était pas ce qu'il a été. C'est-à-dire les week-ends semblent de plus en plus courts et les semaines de plus en plus longs jusqu'à ce que je ne puisse pas distinguer le temps libre du temps voué au travail, bien que je ne travaille que 40 heures par semaine. <br />
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Les États-Unis ont souffert encore une fois un massacre. <br />
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L'association que je dirige a eu deux réunions qui m'ont plu et dire que je voulais démissionner. <br />
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Il fait très froid à Washington, plus froid que d'habitude. Je reste à la maison et deviens un peu claustrophobe.<br />
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Pour équilibrer le bon et le mauvais, je cherche toujours des activités dans ma vraie vie. Je marche parfois plus d'une heure par jour dans les parcs de Washington, DC et dans la ville. Je m'efforce de lire plus et parfois à haute voix. J'essaie de chanter (soyez soulagé que vous n'êtes pas mon voisin !). Au début, je voulais chanter ensemble avec Chouchou. Je chanterais la voix basse, elle la mélodie, mais elle ne chante plus. Elle est paresseuse ! <br />
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Chaque phrase que j'ai écrite dissimule l'histoire d'une découverte, d'un malheur ou d'un bonheur. Même le résumé de ce qui m'est arrivé contient le début de l'histoire de ma lutte de me libérer du monde qui m'entoure, de trouver ma propre voix qui est plutôt faible et réfractaire aux efforts de la faire chanter. Mais comme je disais au début de ce billet, entre l'image dans le miroir et l'écho de tout ce bruit dans ma vie, je me sens incapable d'écrire comme avant. Du coup, je vous laisse ce billet des histoires sans mots.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com8tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-6165920049061243222010-11-29T05:25:00.000-08:002010-11-29T05:25:24.856-08:00Les ours hors la loiRemuant dans mon repaire vendredi soir, j'ai commencé à mettre en ordre mon bureau. J'ai vidé les classeurs à tiroirs et la bibliothèque de milles bouts de papier, d'un tas d'étuis de disques compacts, dont un tiroir bourré de ces étuis compacts dément, un bric-à-brac de trucs pour l'ordinateur longtemps caduques, des manuels d'instruction, un livre sans jaquette, le même livre acheté deux fois, un livre emprunté de mon beau-frère il y a quelques ans, des livres sans intérêt, des souvenirs de Guatemala, une fourchette, des numéros de téléphone, même une enveloppe d'avoine instantané. J'en ai fait un tas au centre de la pièce pour trier les objets en trois tas, l'un pour la poubelle, un autre destiné au recyclage et un troisième pour donation.<br />
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Au fond d'un tiroir se sont cachés plus d'un an les clefs de ma serrure de vélo et l'adaptateur AC/DC pour le serveur d'imprimeur. Enfin je pouvais réunir la serrure avec ses clefs et nos ordinateurs portables avec l'imprimeur. Chouchou a pris les clefs de mes mains et j'ai essayé de ressusciter le serveur. Je l'ai branché et ensuite j'ai essayé d'imprimer un document, mais le maudit truc ne fonctionnait plus. Après avoir fait des recherches, j'ai découvert que les magasins ne vendent plus les serveurs, parce que les fabricants mettent les serveurs dans les nouveaux imprimeurs. On peut les acheter en ligne, mais le prix est vol manifeste. Chouchou a dit que nous pouvions en utiliser un à sa compagnie qui se trouvait juste à la lisière du bois urbain. C'est-à-dire de la maison dix minutes à pied. <br />
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A l'heure où la nuit chasse le jour, nous nous sommes mis en marche la tête baissée. Elle portait un parka touffu d'un poil tout marron qui lui donnait l'air d'un ours de taille moyenne. Pas rasé, les cheveux débraillés, en pan de chemise, j'avais l'air d'un ours mal léché. La lumière blafarde des phares a brillé sur nos visages un instant et a disparu. Chouchou marchait de plus en plus vite à cause du froid. J'avais du mal à suivre son allure. Tout d'un coup en traversant la rue une voiture a klaxonné, et ensuite a lentement grillé le feu rouge en tournant à droite. J'ai dû retenir Chouchou, sinon je ne sais pas si le chauffard, une vieille dame chic au volant d'un Mercedes parlant au téléphone portable, se serait arrêté. Je ne sais si elle a même daigné de nous regarder. Probablement elle pensait étant donné aucune voiture n'était à sa gauche et aucun piéton n'était devant sa voiture, elle pouvait poursuivre son chemin. Les piétons au trottoir laisseraient la priorité aux fauves mécaniques s'ils connaissaient bien les lois du bois. <br />
<br />
« Tu as vu ça ? » s'est-elle exclamé. « Les conducteurs dans notre quartier sont terribles ! Pourquoi tu m'as retenue ? Je voulais m'arrêter devant sa voiture pour lui donner une leçon. » <br />
<br />
Je n'aime pas du tout son réflexe vengeur. Au volant elle a la mauvaise habitude de conduire la voiture de plus en plus près des voitures qui aventure trop dans sa voie. J'ai protesté, comme je proteste chaque manifestation de son réflexe, « Un jour tu vas te faire tuer ! » Elle s'est tue un instant et puis m'a dit, « Si tu m'as laissé aller, j'aurais pu lui faire s'arrêter. D'ailleurs, elle a besoin d'une bonne leçon. Juste parce qu'elle a un Mercedes et beaucoup d'argent ne veut pas dire qu'elle a le droit de griller les feux rouges ! » « Pourquoi tu dois donner une leçon à chaque personne qui contourne le règlement. Elle s'est ralentie, à peu près. Bien sûr elle est méchante, mais la vie est trop courte pour cela. Et voilà, regarde-toi. Tu es de mauvais humeur maintenant. » <br />
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Nous nous sommes promenés en silence jusqu'au bâtiment. Elle a ouvert la porte avec son clef puce sécuritaire qui a fait bip. Nous avons monté l'escalader, nos pas retentissant dans le vide obscur. À la première étage, nous avons marché dans le couloir en silence jusqu'à l'entrée de son bureau. Elle a déverrouillé les deux serrures et a poussé la porte, mais elle était coincée contre un objet lourd. La lumière du bureau a jailli dans le couloir obscur. Inquiète, Chouchou a appelé « Est-ce qu'il y a quelqu'un ? Qui est là ? » Tout d'un coup un homme hispanique un peu voûté est venu et a dégagé la porte en prenant la poubelle qui bloquait le chemin. Il a susurré « Pardon » et vite une femme est venue à la porte aussi. Les deux sont sortis un peu embarrassés. <br />
<br />
Chouchou est allée à son bureau. Elle a touché sa chaise. « Tu vois ? La chaise est encore chaud. Quelqu'un s'est assis dans ma chaise. » Je ne pouvais supprimer un sourire, « Et alors ? Qu'est-ce que tu penses qu'ils faisaient ? » Elle a dit que l'on a déjà surpris les agents de nettoyage en train de téléphoner dans son bureau. Son office avait un service téléphonique gratuite, et les agents de nettoyage en tirent profit. « Je vais dire à ma patronne de tout cela, » elle a conclut. Déçu, j'ai répondu, « Oh ! Je pensais qu'ils étaient en train de se peloter. Ne dis rien à ta patronne. Si le service est gratuit pourquoi les embêter ? Si tu étais loin de ta famille, ne serais-tu pas tentée de les appeler de temps en temps ? Nous les avons surpris parce que nous voulions emprunter un serveur d'imprimeur. Qu'est-ce que tu vas dire à ta patronne ? "Go et moi sommes allés au bureau pour emprunter quelque chose et nous avons surpris deux agents de nettoyage dans le bureau !" ? » <br />
<br />
« Je vais le lui dire, » elle m'a dit. Nous nous sommes regardés. Je lui ai regardé d'un air espiègle « Tu es sûre qu'ils ne se pelotaient pas ? » <br />
<br />
Elle s'est tue.<br />
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« D'accord. On y va ? » <br />
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Nous sommes partis sans serveur d'imprimeur ni caresses volées. Deux ours entourés d'autres ours hors la loi.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com18tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-53178106162302732862010-11-19T06:18:00.000-08:002010-11-21T18:09:03.343-08:00La symphonie des motsCe mercredi matin <a href="http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/matin-musiciens_mercredi/emission.php?e_id=65000044&d_id=420000393">Philippe Cassard</a> a présenté la première de deux émissions consacrés au cycle de lieders de Schumann. La première fois que j'ai écouté son programme, il y a deux ans, il parlait du cycle des lieders de Schubert. Les deux musiciens ont été inspirés de la même source, les lieders de Heinrich Heine, le célèbre poète romantique. Ses lieders, inspirés de son amour profondément malheureux, racontent l'histoire d'un jeune homme qui commence un voyage qui n'est que le début de sa fin. Dénié de l'amour de sa bien-aimée, il vagabonde dans le forêt et la neige en plein hiver. Il n'a ni présent ni avenir, juste un passé qui le tourmente, un passé que Heine fait écho dans ses lieders qui font écho dans la musique de Schubert et de Schumann.<br />
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Peut-être un discours sur la musique semblerait avoir le moindre d'intérêt. Une fois quelqu'un m'a surpris au travail à écouter l'émission. Dans son accent blasé californien, il m'a demandé « Oh, qu'est-ce que c'est ? C'est en français ? Oh, man, tu dois trouver une émission la plus prétentieuse et l'écouter très fort. Cela serait très drôle. » Je lui ai dit qu'en fait, l'émission était bien prétentieuse. Philippe Cassard prétend de nous donner une leçon de musique. Il nous instruit comment écouter la musique, où chercher les nuances, pourquoi il faut jouer cette mélodie doucement et lentement plutôt que fort et vite. Il traduit tous les symboles musicaux en sentiment, couleur, humeur et lumière. « Et mon cher ami, c'est merveilleux, » je lui ai expliqué, mais il ne pouvait pas comprendre ce que je voulais dire. « Non, je veux dire que tu dois trouver quelque chose de très, très prétentieux en français. Cela serait du fun. »<br />
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J'ai dû laisser tomber mon admiration de Philippe Cassard. Quelquefois il est impossible d'être prétentieux aux États-Unis, même si la prétention n'est que l'intention de vagabonder un peu à travers l'univers culturel. Mais dès qu'il me quitte j'y plonge à nouveau.<br />
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Pour savourer mieux une phrase mélodique, Philippe Cassard la joue plusieurs fois pour mettre en scène les nuances indiquées par le compositeur. Une fois normalement, une fois en ignorant les nuances, encore une fois en soulignant les nuances, et finalement pour enfoncer le clou. En savourant mieux la phrase, je suis ébahi du trésor subtil et complexe enseveli dans la mélodie. Sans M. Cassard, il me faudrait plus d'une tête, plus d'une seule vie pour entendre comme lui. J'ai essayé de jouer à la guitare. Je singeais les mouvements nécessaires pour faire sonner les notes sur les pages de musique de Sor, Tarréga, Carcassi, et Villa-Lobos tout en ignorant exprès les nuances. Je pensais que si on jouait correctement les notes, ce qui n'était jamais facile, on arriverait. M. Cassard, si prétentieux, si méchant envers les dilettantes m'a ouvert les yeux, les oreilles et l'esprit. Il révèle couche après couche, subtilité après subtilité, et détail après détail. Il transforme les notes en être sensuel. Et ensuite il ajoute dans les notes le sentiment et la douleur du poème. Et moi, je commence à sentir que la musique et les mots partagent, échangent, résonnent et expriment une chose éminemment prétentieuse, une chose divine, intangible et extraordinaire — l'infinité de notre cœur humain.<br />
<br />
En présence d'un tel génie, je me demande comment il a su choisir les notes, les arranger, tailler cette ligne-ci et laisser pousser celle-là, faire sonner plus fort une mélodie et chanter doucement les autres, comment il a su résonner des notes pour nous faire peur, mélancolique, ou heureux. Pourquoi est-il qu'un écho d'une mélodie est comme un souvenir lointain ? Et si l’écho va en crescendo, pourquoi est-ce que le souvenir semble nous troubler ? si l’écho persiste, pourquoi nous nous sentons hanté ? C'est comme si le compositeur a pu sonder le fondement de nos cœurs par quelques notes qui flottent dans l'air.<br />
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Miracle, merveille, mystère.<br />
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Et voilà nous sommes vendredi. Je voulais terminer ce billet hier. Je voulais terminer un autre billet mercredi, mais j'ai dû l'abandonner, faute d’enthousiasme. C'est..., j'ai juste encore une idée à écrire. Je cherche les mots qui conviennent, mais où sont-ils ? Et quand je les trouve, comment les mettre en ordre ? Dois-je les garder ? Écrire une série de questions ? Résonnerait-elle comme je veux le faire résonner ?<br />
<br />
La mystère, c'est savoir comment les notes résonneront dans les oreilles des autres. La tentation est trop grande de se dire « Et bien, cela me va. J'ai plus ou moins chanté toutes les notes. Si le public ne l'aime pas, c'est leur problème. » Cette tentation mène à l'isolement.<br />
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La merveille, c'est le parfum, la lumière, la couleur et la sensualité dont les notes, sans corps, nous rappellent.<br />
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Le miracle, c'est l’écho qui persiste en nous longtemps après que la musique a été chantée.<br />
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Une dernière chose avant de vous quitter. Récemment une personne a laissé entendre que la vie lui a privé d'un avenir. Un jour plus tard, elle a précisé d'avoir bien choisi son chemin. Moi, j'ai pensé que la précision n'était pas nécessaire. Tous les notes qu'elle a fait sonner, m'ont déjà dit le nécessaire, sans le dire explicitement, qu'il serait impossible de lui priver de son avenir voulu. C'est la nuance de ses mots qui me l'a dit.<br />
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Et nous, ceux qui écrivent ou juste parlent pour s'approcher de la mystère, la merveille et le miracle, serait-il que nous, ensemble, composions une symphonie des mots ?<br />
<br />
J'aimerais bien penser oui.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com9tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-25285051122501871122010-11-10T05:14:00.000-08:002010-11-10T05:14:20.378-08:00Scruter l'horizon d'une énigmeCoucou, un jeune homme de mon bureau, le seul avec qui j'ai essayé de me lier d'amitié, s'en est allé en juillet. Nous avons souvent parlé de maints sujets. En principe, je lui ai demandé son avis pour savoir comment il interprète et reconstruit le monde en paroles. Je sais que ce n'est pas un bon méthode d'entamer une relation, mais à l'époque, j'étais curieux de la jeune génération. Je m'entends très mal avec eux. À mon avis, ils sont un peu paranoïaques et hostiles, réfractaire à la haute culture, toute ouverte à voir une conspiration partout. Au début, je voulais le comprendre, peut-être trouver un moyen de mieux m'entendre avec les jeunes gens. Malheureusement, c'était rare, très rare, trop rare, que nous nous sommes mis en accord. Pas à pas et à contrecœur, j'ai renoncé à lui faire confiance. Et en amertume, j'ai fini par lui en vouloir, voire le détester. J'ai essayé de mon mieux de dissimuler mon dégoût pour ses idées. Et lui, cinglé de mon rejet, a volontairement ajouté à ses propos des amalgames, assimilations et accusations qui attisaient mon mépris. Notre méfiance réciproque n'a pas impliqué un refus de contact qui à la surface semblait tout amical. Quand il est parti, il m'a donné un opus aussi épais comme un matelas qui contenait le schéma en symboles logiques et mathématiques de réduire l'être humain en machine à calculer. Piqué par l'audace de son cadeau, je lui ai donné le livre le plus humain et le plus dérangeant à ses yeux, <i>Hamlet</i> de William Shakespeare. Depuis nous sommes quittes si doucement qu'il serait impossible de confirmer notre séparation et si amèrement que l'on se contente de n'avoir plus de contact.<br />
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Je jure que je voulais sincèrement lui offrir mon amitié, ma sincère amitié, mais au bout du compte, il me semblait que chaque tentative d'amitié véritable s'est soldée en conflit et insultes. Je ne lui ai jamais insulté, comme il m'a insulté. Je ne lui ai jamais dit qu'il était raciste, je n'ai insinué ni qu'il était ringard, ni qu'il était méchant. De temps en temps, je lui ai taquiné quand, à mon avis, ces propos étaient farfelus. Par exemple, pendant une conversation sur l'éducation, il a dit que nos enfants seraient mieux éduqués, si nous rayions les écoles des villes et leur donnions un ordinateur portable et l'accès gratuit à la toile. Après une telle déclaration, si je n'étais pas tout d'un coup frappé de stupeur, j'ai toujours essayé de suivre la trame de son argumentaire et puis lui demander des questions pour lui obliger de modérer ses propos. J'ai essayé le lui faire comprendre que si on suivait ses conseils, les résultats pourraient être moins que paradisiaques. En fait, puisque la toile est gavée de pornographie, de violence, de stupidité, et de banalité, bien qu'il existe, selon lui, un jeune homme en Afrique qui s'est très bien éduqué grâce aux atouts informatiques, cet exemple serait très difficile de reproduire pour la plupart de l'humanité. Le malheur, c'était que j'ai souvent réussi de lui faire voir l'absurdité de ses idées. C'est là où j'ai dû essuyer les injures de plus en plus mal dissimulées. <br />
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A dire vrai, je ne sais pas si j'eusse pu être plus doux avec lui ou me soustraire mieux de l’enchevêtrement de mon amour-propre blessé, ses idées, et le bien dégagé d'un vif échange d'opinions. Par contre, j'ai toujours essayé de continuer la conversation, s'il le voulait. A la fin de notre amitié, il s'est contenté de me demander de résoudre des casse-tête mathématiques. Pour une raison quelconque il pensait très chouette d'en avoir la solution. Il pensait qu'en se perdant parmi les symboles mathématiques il augmenterait son quotient intellectuel. Moi, j'en ai résolu quelques-uns en scrutant l'horizon de l'énigme, en examinant les relations, les hiérarchies, la structure du problème. Ce faisant j'étais content que mon cerveau fonctionnait comme avant et un peu mécontent, parce que les mathématiques ne me plaisent plus. Et je le lui ai dit pour arrêter le devoir de résoudre ses casse-tête, mais au bout du compte j'ai fini par lui dire de ne plus en avoir de temps ni d'intérêt.<br />
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Ce samedi, j'ai écouté une émission de France Culture, et tout d'un coup je me suis souvenu de l'une de nos disputes qui avait durée plusieurs jours. Selon Coucou, les variations Goldberg de Bach jouées par Glenn Gould étaient plus que la meilleure interprétation de ce chef-d’œuvre. Elle était novatrice, révolutionnaire, et émancipatrice. Comme d'habitude, j'étais bouche bée devant une telle déclaration et comme d'habitude, c'était moi qui étais responsable de ma propre stupéfaction, parce que juste avant, je lui ai dit que Murray Perahia venait d'enregistrer les variations. Elles étaient belles et profondément différentes que celles de Gould. Puisque Coucou m'a dit qu'il a commencé à prendre des leçons de musique, je pensais que la différence entre les deux interprétations lui intéresserait et lui plairait. A ma grande surprise, le sujet nous a mené à maintes joutes aux variations infiniment répétées. <br />
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En bref, selon Coucou, Gould était Dieu et Perahia était un homme insignifiant. Au début de notre confrontation, je ne suis arrivé à dire que les variations de Perahia étaient très belles, donc une telle comparaison me semblait déraisonnable. <br />
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Au cours de notre discussion, Coucou n'a jamais concédé d'avoir jouer une fausse note. Selon lui, les institutions et les traditions dans la musique classique sont tellement étriquées, les écoles de musique sont si bourrées de grénouilles de bénitier, tous les musiciens avant Gould étaient si dépourvus de talent artistique qu'il fallait un Dieu comme Gould ou un Gould qui est devenu un dieu de rompre avec toute cette tradition et histoire. Avant Gould, la tradition <i>piano forte</i> (c'est-à-dire les nuances des notes) était comme un camisole de force sur le corps, l'esprit et les mains des musiciens. Elle les a forcé de jouer les variations dans une ridicule exagération entre piano et forte. Gould a rejeté ces carcans et du coup il a mené une révolution et nous a émancipés de la tyrannie de la tradition.<br />
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Il est vrai que Gould était inimitable, idiosyncratique, excentrique. Un génie. Pour éviter notre lutte interminable et futile, j'aurais pu dire « Oui, d'accord, Gould est Dieu. Gould était novateur, révolutionnaire. Quel était l'autre adjectif ? Élyséen ? Oh, émancipateur. Un messie, non ? Oui, Perahia n'est qu'un rien insignifiant, » mais je me savais incapable de dire que tout autre musicien avant Gould n'était qu'un abruti à cause d'une tradition suffocante. Au lieu de me mettre en colère, j'ai recherché les critiques de la musique de M. Gould. Le consensus était que son style était plat et horizontal comme l'horizon du Grand Nord. A force d’évacuer les nuances des notes et de les envelopper dans une petite silence grâce à sa touche légère, sa précision d'attaque et son staccato impeccable, il a fait sonner et articuler chaque note. Chaque voix, chaque ligne mélodique dans les variations se bat contre les autres pour être entendu. L'effet est pure magie, mais à mon avis son interprétation n'impliquait pas la condamnation de tous les musiciens avant et après lui. En fait, son interprétation est discordante et gênante. Bach a écrit les variations pour aider un aristocrate de dormir. Si Gould les avait jouées pour lui, il n'aurait pas fermé l’œil de la nuit. <br />
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Gould a aussi prononcé des avis très excentriques sur la musique classique. Sans broncher, il a dit que jouer des pièces au public n'était plus nécessaire. Il pouvait enregistrer les pièces, les entreprises culturelles les vendraient, le public les écouterait chez soi, il passerait au prochain projet, parce qu'une fois l'enregistrement fait, on n'avait pas besoin de le réinterpréter. En fait, on peut émanciper le public en éliminant toutes les salles de concert qui limitaient l'appréciation de la musique aux élites et émanciper les musiciens de jouer la même pièce tout le temps. Bien sûr, Coucou répétait ses avis comme la parole de Dieu. <br />
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Mais alors, je n'ai pas même expliqué pourquoi j'ai commencé cette histoire, pourquoi une émission de France Culture (<i>La Fabrique de l'humain</i>) m'a fait penser de Glenn Gould. Est-ce que vous pouvez scruter l'horizon de mon esprit et deviner où je voulais aller ? Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com18tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-78961497842933734402010-10-27T06:29:00.001-07:002010-10-27T19:02:50.086-07:00Braque en bric-à-bracCela fait plus de deux semaines sans billet. Est-ce l'angoisse de la page blanche ? Pas assez de temps ? Rien à dire ? Est-ce qu'il fait trop chaud ? C'est la fin d'octobre, mais il fait si humide qu'on se met à suer aussitôt qu'on sort. Est-ce que la maison est trop encombrée de bric-à-brac ? Depuis plus de trois semaines nous partageons la maison avec les menuisiers qui rénovent notre cuisine; ils ont accaparé du sous-sol, de la salle à manger et de la salle de séjour. Leurs outils sont partout. Nous devons nous faufiler parmi eux pour trouver nos casseroles perdues dans le jungle qui était jadis notre demeure. Chaque matin, à 6h30 le travail commence par un nouvel assortiment de questions. Je dis oui et Chouchou dit non. Nous nous regardons interloqués et inquiets, et ensuite je dis non, et elle dit « non, n'est-ce pas ? » comme il va de soi. Je réponds non, mais c'est comme ça, c'est oui. La confusion continue, les menuisiers nous regardent et nous discutons. Je dis « Mais qu'est-ce que tu veux ? » Elle dit qu'elle ne sait pas. Je dis, moi non plus. Les menuisiers nous regardent les yeux de plus en plus écarquillés. Je ne sais comment ils supportent des bobos comme nous.<br />
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Juste après avoir résolu l'énigme du jour, Zanie, la voisine, entre dans la cuisine. Depuis la salle de séjour j'entends sa voix perceuse à percussion demander aux menuisiers de venir avec elle pour juste cinq minutes. Il y a une fuite aux toilettes. J'hésite entre intervention héroïque et fuite lâche, mais les mots comme « Bonjour Zanie. Quelle surprise ! Est-ce que vous voulez une tasse de thé vert ? Je mettrais de l'eau sur le poêle pendant que <i>Freddie et Carl travaillent</i>. Aujourd'hui ils vont peindre la cuisine », ils ne me viennent pas à l'esprit. Par contre, deux mots se répètent en boucle haut et fort, « Zanie ! NON !! ZANIE !! NON !!!»<br />
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Pour éviter une embrouille, je les laisse se débrouiller tous seuls. Le menuisier adjoint lui parlent à la voix humble, patentée et patiente. « Non, madame j'aimerais bien vous aider, mais je suis ici au compte de mon chef. » Elle insiste et répète que cela ne durerait que cinq minutes. Le menuiser chef vient à son secours, « Non, madame je ne sais rien de toilettes. Je connais un très bon plombier. Je peux vous donner sa carte de visite. » Elle insiste, insiste et insiste. Il écoute, écoute et écoute, mais il finit par couper court à la discussion, « Non madame, je ne peux vous aider. D'ailleurs nous sommes déjà en retard. »<br />
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Ensuite, je cherche notre chat Victoire. Pauvre bête. Il a une très mauvaise haleine à cause d'une infection dentaire. Quand il me voit le compte-gouttes à la main, il se détale. « Viens. Viens ici. Viens ! Petit monstre ! Reste tranquille et ne bouge pas ! » Je l'attrape et essaie de lui faire avaler sa médecine, mais le petit tigre met l'une de ses griffes acérées dans la cuticule de mon petit doigt. « Aïe !! »<br />
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Enfin, les tâches ménagères finies, j'essaie de me débarrasser de tout ce bric-à-brac mental et m'installe dans mon fauteuil. J'allume l'ordinateur, examine mon compte de courriel et essaie d'écrire, mais je n'en ai pas envie. Est-ce le crayon ? Où est le crayon ? Où est mon bloc-notes ? Est-ce que mon écriture à la main est illisible ? Est-ce que l'ordinateur portable ne me plaît plus ? Si j'avais une vieille machine à écrire ? Cela ferait un joli tic, tac, bric, brac, clic, claque, claque sur le papier. Serait-il plus pratique d'écrire avec une machine à écrire parce qu'un billet serait écrit et imprimé à la fois et ensuite prêt d'être examiné. Ce serait formidable ! Mais une vieille machine à écrire, une machine que je détestais à l'université, que je pensais ne valait rien, vaut plus de mille dollars aujourd'hui !<br />
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Au milieu de ma rêverie, Ronronfleur vient s'installer sur mes genoux. Comment puis-je écrire avec un chat qui se met entre moi et l'ordinateur ? Je mets une main sur son corps qui ronronne et l'autre cherche le souris sur le bureau et malheureusement elle chasse la tasse de thé au sol. Ronronfleur prend panique. Je la tiens et lui dit, « Ne me quitte pas, ne me quitte pas Ronron. Ronron ! J'ai besoin de ton ronron calme ! » C'est trop tard. Elle me quitte et je regarde un instant tout le bric-à-brac qui m'entoure, pousse un soupir, et me lève pour aller au travail.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com12tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-65106889816949140142010-10-10T18:56:00.000-07:002010-10-10T18:56:32.121-07:00Sommeil, fatigue et finLe week-end s'est envolé. Je l'ai passé à somnoler sur le canapé. Je suis si fatigué que lire le journal me semble un exploit herculéen. Deux semaines se sont écoulées sans avoir écrit un seul billet. Je voulais nager à la surface, trouver un asile dans le tourbillon, et parfois j'ai pu me hisser sur une petite île du temps, mais vite la fatigue et le sommeil ont mis fin au jour et j'ai dû tomber dans les bras de Morphée pour être bercé quelques heures. Des heures qui ne duraient jamais assez longtemps. Le prochain jour, j'étais au travail à 9 heures, et si j'avais de la chance, je rentrais avant 21 heures. Sinon, je rentrais à 23 ou 24 heures.<br />
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J'espère que les jours les plus durs se sont passés. Juste pour vérifer que la dernière phrase n'était pas un voex pieux, j'ai ouvert mon compte courriel au bureau. D n'a pas envoyé un message ce week-end. Je suis libre ! Au moins je serai libre après huit heures de travail. Libre ! Libre pour me demander ce que je fais dans ma vie, pourquoi je m'ennuie tout le temps, et comment je peux mener une vie plus simple et enfin arriver dans un équilibre tranquille sans ces questions bouleversantes.<br />
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Mais en effet, délester un peu dans ce déluge de travail, de stress, et de fatigue, c'était un soulagement. Les questions sur mon avenir, les questions existentielles, les chateaux en Espagne, l'imagination, j'ai tout lâché à l'eau. Et en contre-partie, j'ai regardé plus de télévision, de la télévision idiote. Tout d'un coup le match de football américain entre Washington et Green Bay m'a semblé très intéressant, et au même temps c'était juste pour ne penser à rien. Et ne penser à rien, c'est fermer lentement les yeux, c'est essayer de les rouvrir, c'est les laisser fermer en se disant qu'on est au bout du rouleau et demain on pourrait se remettrait en selle, peut-être. <br />
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Et maintenant, j'essaie d'écrire une paragraphe. Je n'ai besoin que de quelques mots qui auraient un soupçon de lien à une silhouette d'une idée qui intéresserait à un lecteur ou une lectrice au lieu de faire voir de toute évidence que cette idée fait dire à tout le monde une phrase qui vient de plus en plus vite à ma bouche, <i>N'importe quoi</i> ! Et si vous savez comment je déteste cette phrase qui répresente la fin de la patience et le commencement de l'abrutissement. Et voilà, la fin de la dernière paragraphe de ce billet. Je suis au bout du bouleau. Je n'ai rien plus à dire. Et qu'est-ce qui j'ai trouvé dans cet essai ? <br />
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Qu'au-dessous de l'énorme poids de la fatigue qu'un homme aussi bizarre comme moi peut enfin rejoindre la plupart de l'humanité qui ne veulent rien de plus que de voir un match de foot un dimanche après-midi et puis terminer son billet en se disant <i>n'importe quoi</i>.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com16tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-31526009715152424222010-09-28T05:26:00.000-07:002010-09-28T08:32:12.218-07:00Un appartement loué à New YorkHier je suis arrivé au bureau à 9h5, inquiet, en raison d'une réunion téléphonique avec D. J'ai demandé à ma voisine si elle a entendu sonner le téléphone. Elle a dit que non. J'en étais soulagé, juste un instant, avant que le téléphone n'ait sonné. D m'a dit qu'il ne pouvait me donner de nouveaux ordres. En attendant, il fallait travailler en mettant sur le compte d'un autre projet. Je lui ai dit que ce n'était pas un problème, j'avais beaucoup de travail, tout ce qui était en retard.<br />
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A 16h30 D a eu assez de temps pour me donner de nouveaux ordres. Dimanche, le mec, qui est en charge de l'assurance de qualité de notre document, a révisé nos efforts. Nous devons répondre aux commentaires, alors que D écrit le troisième chapitre, mais si je vois un commentaire qui mette en cause notre méthode décrite dans le chapitre que j'ai écrit et D a ré-écrit, il faut le dire et tout de suite. <br />
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J'ai envoyé à D un commentaire sur tous les commentaires à 20h30 et une demi-heure plus tard j'ai quitté le bureau. <br />
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Rentré à la maison à 9h40, j'ai ouvert mon compte de courriel. A 21h30, D m'a répondu. Il faut nous réunir demain matin pour en parler.<br />
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Grosso modo, je suis surchargé au travail et hier soir mon esprit m'a fait voir sa vision de mon nouvel état. Dans un rêve, je venais de m'installer à New York au prétexte d'un nouvel emploi. En rentrant à l’appartement, j'ai traversé la ville grise et morne. Les gigantesques bâtiments couverts d'une sueur grasse m'ont dominé de toute leur hauteur. Je marchais la tête baissée en cherchant l'appartement quand une femme m'a fait tourné la tête par le poids de son regard alourdi de dégoût et de désir. Dans ses yeux j'ai lu sa question, « Voulez-vous troquer un peu de votre argent contre mon chair ? Ne soyez pas si moralisant ! Ce n'est qu'un petit péché dans un grand monde. » J'ai reculé comme si d'instinct et puis je l'ai regardé pour lui dire « Non, désolé. » Je ne peux pas louer la chair d'une femme. <br />
<br />
Je l'a quittée et cherchais encore le bâtiment. J'ai monté des escaliers et les ai descendus. Il semble que je savais où se trouvait l'appartement, mais le chemin tortueux me menait devant les yeux des personnes désœuvrées qui me regardaient comme la prostituée, comme un homme qui ne désire que la cambrure d'une femme. Et après les avoir échappés, ils m'en voulaient. <br />
<br />
Je suis entré dans l'appartement. Le salon était en désordre total, vêtements éparpillés partout, un cendrier plein de cendres, des verres demi pleins, et une odeur qui persistait. Mon co-locataire dont je ne connaissais rien, étais étendu sur un canapé. Il m'a dit qu'il venait de retourner et qu'il n'est pas allé au travail. Il était trop fatigué. Il a ensuite annoncé qu'il a trouvé un autre appartement avec un ami. Il allait me quitter dans un mois. Je me suis rendu compte que malgré sa paresse, son manque d'hygiène et son apparence débraillée, je comptais sur lui de payer une moitié du loyer. Maintenant il fallait chercher un co-locataire; je ne pouvais le payer tout seul. Un co-locataire ! « Où allais-je en trouver un ? » je lui ai demandé. Il n'en avait aucune idée. Selon lui grâce à ma bonne mine, j'avais de la chance de trouver un appartement avec lui. En contrepartie, il m'a fait voir la nouvelle installation des barres dans l'enceinte de la fenêtre. « Ces mesures de sécurité ne marcheront pas. Le propriétaire en a acheté des trucs inefficaces et bon marché. Bonne chance. »<br />
<br />
Je suis entré dans ma chambre. En fermant la porte, je me suis réveillé.<br />
<br />
C'était environs 4 heures du matin. Mon Dieu, un co-locataire, quel cauchemar ! Mais tout cela était "réel" et faux. Quand j'étais étudiant, j'étais surmené, pauvre. J'ai vécu avec des co-locataires trouvés dans les petits annonces, l'un après l'autre était plus pénible que le précédent. Et aujourd'hui je suis retourné à cet état dans lequel je me sens avoir troqué ma vie contre mon désir de faire plaire à mon employeur. <br />
<br />
Je sais, c'est sombre ce billet, mais j'étais content d'avoir ce rêve. De plus en plus souvent quand j'essaie d'écrire, la silhouette de mes pensées ne se dessine pas. Dans un rêve, même dans un cauchemar, l'inconscient fait tout. Il ne faut que transcrire l'image de son propre conte de fées.<br />
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Chose curieuse ! Aujourd'hui après avoir parler à D pendant une heure sur toutes les révisions du texte, j'ai lu un courriel du président de notre compagnie. Notre bail n'a pas été renouvelé. Notre compagnie vont déménager. Nous allons nous installer dans une région de Washington, DC qui est plus grise et morne, où la violence est plus fréquente, mais qui est en train de développement. C'est-à-dire on va troquer les désœuvrés contre les personnes qui ont bonne mine.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-2775169750928238192010-09-19T19:52:00.000-07:002010-09-19T20:15:57.652-07:00Harry Nilsson et la journée de parler comme un pirateCette semaine j'ai essayé d'être bon, mais dans mes moments d'inattention, j'ai cherché sur la toile le film que j'ai vu à la télévision il y a 30 ans qui s'appelle <i>The Point!</i>. Comme la toile contient tout, je l'ai trouvé et ai découvert que l'auteur du scenario, Harry Nilsson, était musicien. Le film a été adapté de l'album du même nom dont Harry a dit « Je prenais de l'acide et j'ai regardé les arbres et je me suis rendu compte qu'ils se terminaient tous en pointe, et les maisons se terminaient en pointe. J'ai pensé, "Oh ! Toute chose tient une pointe, et si elle ne l'a point, elle a toujours son point essentiel." » <br />
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J'ai visionné 10 minutes du vieux film. J'en ai été enchanté comme avant. Je me suis pensé qu'il était dommage que nos artistes ne prennent plus d'acide aujourd'hui. Il faut rêver ou halluciner juste un petit peu pour transmettre une fraction d'émotion ou de tendresse que ce film contient.<br />
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J'ai découvert plus sur Harry Nilsson. Ami de John Lennon, chanteur célèbre jadis, mais inconnu aujourd'hui, cet homme a écrit et a chanté les chansons que tout le monde connaît. Vous avez certainement écouté ses chansons, "Coconut", "One", "Without You". Vous vous souvenez des vers dingues de "Coconut" -- "You put de lime in de coconut, you drink em bot up" ou ceux de "One" -- "One is the lonliest number that you'll ever do".<br />
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En fait, quand je l'écoute, je cherche à changer de chaîne, parce que je sais si j'écoute juste quelques notes de ses chansons, mon esprit va les jouer en boucle dans ma tête pendant une semaine. La chanson qui me détruit est "Without you". Oh, elle commence si doucement, "No, I can't forget this evening / Or your face as you were leaving / But I guess that's just the way the story goes" et puis il ajoute une nuance aux vers suivants "You always smile but in your eyes your sorrow shows / Yes, it shows". Et à ce point c'est trop tard pour moi. Je l'écoute bouche bée, et Harry verse ses mots dans mon esprit, "I can't live if living is without you / I can't live, I can't give any more." <br />
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Je suis marié. Je vis avec Chouchou, mais quand j'écoute cette chanson, je me demande « qui est cette personne ? Je ne la connais pas, mais désormais je ne peux plus vivre sans elle. Je ne peux plus donner non plus. Elle est partie. Je suis sans elle. Seul, tout seul. » <br />
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Ce week-end j'ai dû travailler, malgré ma réluctance. Il faisait beau tout le week-end. Le ciel était bleu et sans nuage. L'air, frais et enfin sans moustiques. Malheureusement, un homme que j'estime m'a donné beaucoup de travail qui doit être terminé ce mercredi. J'ai dû m'isoler dans la maison et taper du texte pêle-mêle dans un document. Je n'ai aucune idée s'il va être lisible. Entre-temps, je regarde le ciel et je me désespère. Et ce diable Harry Nilsson commence à chanter dans ma tête, « I can't live if living is without you. I can't live, I can't give any more. » <br />
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Ces paroles sont si simples qu'il est difficile à imaginer qu'elles peuvent provoquer une crise de chagrin dans laquelle l'on ne peut rien faire sauf pleurer son sort malheureux, mais c'est exactement ce qui arrive. Peut-être ce grand-fils des acrobates suédois a su transmettre la douleur qu'il a subie quand il a vu son père abandonner la famille à l'âge de 3 ans et la condamner de vivre en pauvreté. Mais il n'y a pas de trace d'amertume dans sa voix. C'est juste un mélange de mélancolie, souffrance, joie, amour et crève-cœur. <br />
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Et je l'écoute dans mon bureau quand je dois travailler, tandis que mes collègues travaillent sans faille. Au moins il me semble ainsi, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne font jamais pause. Nous avons un collègue, T, qui nous donne une occasion de nous détendre une fois par an. Depuis un mois il nous annonce que le 19 septembre est la journée mondiale pour parler comme un pirate. Vendredi il vient au bureau un bandana à la tête et un bandeau sur un œil qu'il porte sous ses lunettes. Pendant les jours qui procèdent cette journée il cache de petites babioles dans le bâtiment et il en dresse une carte pour les collègues qui participent à la chasse au trésor. Vendredi après-midi les couloirs se sont remplis de tous les jeunes gens de notre compagnie. Ils cherchent dans chaque bureau du butin. Ils me surprennent au bord des larmes, mais ils n'en voient rien. Ils sont heureux et ne peuvent voir que du lucre. <br />
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Cet an c'était ma voisine qui a gagné le grand prix, des sacs de « Pirate's Booty », une espèce d'amuse-gueule industrialisé en forme de maïs éclaté et couvert d'une sorte de fromage en poudre. Absolument dégoûtant. Elle en a mangé presque tout un sac, et ensuite elle m'a demandé si je pouvait lui faire la faveur de manger le reste.<br />
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Cette journée de parler comme un pirate est le seul jour où j'entends parler T. Après quoi, il entre dans le moule. Je ne sais pas comment l'accent pirate peut lui donner le courage de continuer, mais moi, quand je regarde le ciel bleu, je sens l'air le plus frais de l'année contre ma peau, j'ai envie d'écouter chanter Harry Nilsson et d'essayer un peu d'acide.<br />
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<object height="385" width="480"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/v/vAX1rkdzUH4?fs=1&hl=en_US"></param><param name="allowFullScreen" value="true"></param><param name="allowscriptaccess" value="always"></param><embed src="http://www.youtube.com/v/vAX1rkdzUH4?fs=1&hl=en_US" type="application/x-shockwave-flash" allowscriptaccess="always" allowfullscreen="true" width="480" height="385"></embed></object>Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com8tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-84386837175618507392010-09-11T20:59:00.000-07:002010-09-11T20:59:33.520-07:00Et plus si affinitésIl n'est plus là. Je l'ai écouté hier, seulement une moitié de l'émission, mais aujourd'hui il n'est plus là. Mince alors ! France Culture, pourquoi tu me tourmente ainsi ? <br />
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Mais bon. Je vous demande pardon. J'ai promis la suite de mon histoire de mes vacances à Nîmes. J'en ai écrit un écheveau de mes pensées, et maintenant je les démêle. Entretemps j'écoute des personnes qui semblent n'avoir aucun problème de s'exprimer bien. Hier, j'ai écouté deux émissions de France Culture dont l'invitée, Dominique Baqué, a tissé un lien implicite entre deux tendances sociétaux, les <a href="http://www.franceculture.com/emission-repliques-l%E2%80%99amour-sur-la-toile-2010-09-04.html">affinités sur la Toile</a> et les <a href="http://www.franceculture.com/emission-contre-expertise-sous-la-peau-des-cougars-2010-08-09.html">cougars</a>. <br />
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Dans ces émissions, Mme Baqué, écrivain, critique à Art Press, nous a décrit ses expériences dont elle a écrit dans ses livres "E-love : petit marketing de la rencontre" et "Désintégration d'un couple". Tout d'un coup, à part les recherches de l'amour, j'ai enfin compris un peu plus sur la nature des rapports hyper-connectés. A mon avis, le sort des êtres humains livrés à eux-mêmes est le même. Socrate pensait que les Sophistes prisaient plus le discours creux que la philosophie. Shakespeare a décrit le narcissisme de Richard II, le mal absolu de Richard III, le nihilisme du roi Lear et l'absence de la vérité qui entourait Hamlet. Tous les maux d'aujourd'hui ne sont ni nouveaux ni imposés par la Toile. C'est la mise en scène de soi-même et de ces malheurs qui est de plus en plus criante, choquante et assourdissante. <br />
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Aux États-Unis, la Toile serait toujours le meilleur des mondes. En France, on en parle, en fait des débats, et en pose des questions. Je l'adore. Et je pense bien de vous présenter les émissions que je viens d'écouter. <br />
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Au cas où vous ne supporteriez ni la mise en scène des idées d'Alain Finkielkraut -- il a la tendance de ponctuer ses phrases de pauses significatives--, ou au cas où vous n'auriez pas le temps d'écouter une émission de 45 minutes, je vous décris ce que j'en ai saisi.<br />
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Dans la recherche des liens sociaux ou dans la quête de l'amour, Mme Baqué a rencontré des hommes l'un après l'autre qui ne cherchaient que le plaisir sexuel. Selon eux, la Toile offre aux hommes un hyper-marché de consomption sexuel dont la monnaie serait un discours formaté, superficiel et fun et où la devise dominante serait « il n'y a pas de mal dans la recherche du bien. » <br />
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A mon avis, je vois dans ce témoignage une sorte d'épidémie où la conscience humaine est de plus en plus sous l'emprise de la banalité, des désirs et des pulsions. En fait, une fois je parlais des rapports hommes-femmes aux hommes âgés et divorcés. Ils ont dit que la seule manière de parler aux femmes étaient de leur mentir. J'en ai été frappé de stupeur d'autant plus que plusieurs hommes ont déclaré cet avis avec la même conviction. Après notre conversation, j'ai pensé qu'ils manquaient un peu de maturité, mais maintenant je pense que l'on est formé et mené à vivre cette obsession sexuelle comme elle va de soi, tandis que l'on ignore de plus en plus le plaisir d'une rencontre lente et ouverte dans laquelle les pulsions et la peur sont maîtrisées. Leur point de vue m'a rendu triste parce que j'ai vu ces hommes-là, qui étaient sensibles et intelligents, condamnés à une isolation à perpétuité, parce que l'on ne peut ni se lier d'amitié ni tomber amoureux, si on est assujettis aux désirs aveuglants. <br />
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J'en ai parlé à Chouchou de cette émission. Puisque les femmes doutent toujours la fidélité des hommes, elle m'a demandé, inquiète et interloquée, si je faisais mes courses dans cet hyper-marché informatique. Est-ce qu'il y a une tentation de voir les choses comme ça ? J'ai dit non. Je ne traîne pas. Mais il faut dire qu'au sein des associations basées sur la Toile, il y a un manque de contexte dans les rencontres qui peut mener exactement à une vacuité dans les relations humaines. Souvent, quand j'étais entouré des pèlerins de plaisir, en proie de fun, ou sous l'emprise de la propagande, je me sentais accablé sous le poids d'une dépendance généralisée. Il me faut m'échiner pour ne pas courber l'échine et garder ma dignité.<br />
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La plupart du temps, j'abandonne, juste comme Mme Baqué. Même si elle est toute seule après avoir subi le choc profond d'un divorce douloureux, elle ne s'en remet plus à la Toile. Elle sait ce qui l'attend, les mensonges de l'hyper-marché de consomption sexuelle.<br />
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A mon avis, la Toile semble comme la vieille torture de Tantale réinventée.<br />
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Mais comment est-ce que les cougars sont liées à l'hyper-marché sexuel ? Selon les invitées de l'autre programme, tout d'abord l'étiquette « Cougar » est tout à fait méprisante, déshumanisante et abrutissante. Elle donne l'impression que ces femmes sont tellement assujetties à leurs pulsions qu'elles ne sont qu'un animal. <br />
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Je n'ai écouté qu'une moitié de ce programme. Par conséquent, je ne sais pas s'ils ont parlé de l'idée que les cougars représentent une sorte d'émancipation sexuelle pour les femmes. Dans le blogue d'une certaine incertaine, elle a écrit un billet dans lequel tout le monde est d'accord avec l'opinion suivante : si les hommes veulent se conduire comme des animaux écervelés, il s'ensuit que les « cougars » doivent avoir le droit de faire pareil. J'y ai laissé un commentaire dans lequel j'ai assimilé les cougars aux rhinocéros d'Ionesco. Quelqu'une m'a répondu, obliquement. Selon elle, puisque Molière a écrit des pièces de théâtre où les hommes faisaient la cour aux jeunes femmes, il serait temps que les femmes assument leurs droits aussi. Comme d'habitude j'ai abandonné cette certaine incertaine, après avoir écrit un billet sur son <a href="http://nosredactions.blogspot.com/2010/07/la-vie-lepoque-des-pumas.html">billet</a>. Je ne voulais même pas dire que Molière, dans <i>L'École des femmes</i>, a ridiculisé Arnolphe, le protagoniste, parce qu'il voulait imposer son amour à une très jeune femme. J'ai renoncé à revisiter son blogue. Perte de temps.<br />
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Heureusement, sous la plume de Molière, la jeune femme a eu la sagesse de défaire les desseins d'Arnolphe, qui semblent terriblement pareils aux promesses formatées et stockées dans les rayons de l'hyper-marché de la consomption sexuelle. Mme Baqué a dit que l'acte le plus subversif d'aujourd'hui serait d'afficher ses sentiments pour lutter contre ce fléau de brutalité. J'ajoute que la réflexion et la maîtrise de soi seraient aussi les vertus subversives. N'étaient-elles pas considérées il y a belle lurette comme la garantie de l'égalité ou du bonheur ?Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com10tag:blogger.com,1999:blog-366146821348922344.post-62704021944194020852010-09-04T08:21:00.000-07:002010-09-04T11:56:42.856-07:00Un diaporama de la CamargueIl y a quelques semaines, un courriel de Marie Jo m'a surpris. Elle nous a envoyé un joli diaporama de la Camargue pour prolonger nos vacances. Les très belles photos ont eu l'effet souhaité; je me suis replongé dans le parc parmi les chevaux, les taureaux et les flamants roses. J'étais encore une fois dans le paysage couvert de roseaux, parsemé d'étangs et marais, et bordé de vagues qui se brisent doucement contre le sable. Je me suis souvenu du mistral qui a balayé la chaleur de nos corps pendant la première semaine et de l’œil brûlant au ciel dont les rayons nous ont cuits pendant la seconde. A la fin de notre séjour je voulais vivre comme les ragondins des marais submergés dans l'eau jusqu'à son museau, mais malgré notre faiblesse sous le soleil, nous avons assumé notre rôle des touristes errants et avons parcouru le terroir. <br />
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Aujourd'hui il est lamentable que j'aie presque tout oublié de nos vacances. Je me souviens des jardins et de l'arène de Nîmes, mais Saintes Maries de la mer, Arles, et Aigues-Mortes semblent loin. J'ai beau voir les photos qui prouvent nous y étions, l'oubli m'arrache de l'endroit, tandis que les ragondins et les flamants y restent. <br />
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Quand nous sommes arrivés chez Marie Jo, elle et son mari nous ont chaleureusement accueilli avec une bouteille de rosé et un pot de confiture aux figues de maison. Ils nous ont donné maints conseils, des cartes de la région et des prospectus de visite. Bref, ils ont essayé de leur mieux de nous intégrer dans leur maison, leur ville et leur région afin que notre visite ne soit pas une errance, mais une appartenance. <br />
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Le temps passe. La vie à Washington continue comme avant. Quelquefois on me demande comment se sont passées les vacances et petit à petit je m'en souviens de moins en moins. Tout d'un coup un courriel du passé arrive dont les mots arrosent amicalement mon présent. « Nous pensons souvent à vous deux et souhaitons que tout aille au mieux : travail, beau temps et pas trop de soucis. » m'a-t-elle écrit. Tout mot me fait plaisir et me fait revivre mon expérience. <br />
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Comme Voltaire et son invention, Candide, Marie Jo et son mari, Jean Paul, sont des jardiniers retraités bosseurs. Ils ont des cerisiers, oliviers et figuiers, des rosiers et orchidées, un bassin de jardin où nagent des poissons rouges. Leur cabane à outils est aussi une maison pour les tourterelles. Il leur a fallu 30 ans de travail incessant pour civiliser le terrain. Ils ont planté des arbres, des fleurs, et des arbustes. Ils ont dégagé le sol des sentiers et les ont couverts de petits gravats. Trente ans de bosser, de planifier, d'acheter des graines, de creuser le sol, de mettre les mains dans la boue, d'admirer lentement les arbres enceints donner des fruits, et de ne jamais se décourager. J'en étais très impressionné. <br />
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Leur jardin est leur ancrage dans un monde qui ne cesse jamais de bouger. De l'autre côté de la rue, leurs nouveaux voisins argentins se faisaient construire une église et aménageaient leur terrain avec des engins de terrassement. Leurs autres voisins étaient nouveaux et riches aussi. Je me suis pensé que c'était un peu injuste. Les riches peuvent s'installer où ils veulent. Dans quelques mois, ils peuvent copier les travaux de 30 ans avec leurs engins et leur armée d'ouvriers. J'ai scruté le visage de Jean Paul quand il parlait d'eux. Il a souri et a haussé les épaules. <br />
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Au début de mes vacances, j'ai décidé de me fier aux transports régionaux. Marie Jo nous a indiqué où se trouvaient les arrêts. Entre la gîte et le premier arrêt, nous avons vu un camping. Parmi des caravanes, des ordures et des bouteilles vides éparpillés, des familles faisaient du camping sauvage alors que leurs enfants jouaient sur un dur sol de béton où de mauvaises herbes poussaient. Au premier arrêt, bien que j'aie lu les horaires, je n'ai jamais pu comprendre les horaires. J'ai même demandé aux autres pourquoi les bus arrivaient au hasard, mais la seule réponse d'une femme était que tout allait bien. Au deuxième arrêt, à peu près 20 minutes à pied du premier, les bus arrivaient à l'heure, mais la promenade sur les bas-côtés de cette zone entre la campagne et la ville parsemée de grandes surfaces était une traversée du désert. Les voitures roulaient si vite que l'air abusé de leur sillage nous a secoués. Ce terrain vague avait l'air du paysage rurbain américain, où voitures, bruit, poids lourds, pollution, et une poignée de piétons font partie d'un écosystème du jungle urbain. <br />
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Quand même, les Nîmois s'y habituaient. Je me souviens d'un conducteur qui taquinait en français une femme qui lui répondait en arabe et en français. Il voulait savoir ce qu'elle faisait et elle l'a accusé d'être fouiné. Selon elle, elle faisait ce qu'elle faisait. Le pauvre, il lui a parlé très gentiment. Il a dû s'excuser dans un ton conciliant ponctué des inflexions qui ressemblaient un sanglot supprimé. « Mais non, » il lui a dit, « je veux juste te parler. » <br />
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Un matin, nous avons attrapé le bus plein de lycéens, tout un chacun ayant les oreillettes d'un baladeur aux oreilles. Deux adolescentes écoutaient le leur au volume maximum pendant qu'elles dansaient dans leurs sièges, se parlaient et se psalmodiaient les paroles de leur musique mécaniquement maniée. Surchargées de sons, de paroles, et de mouvement, elles ont dû s'ignorer, bien qu'elles se regardassent. Impossible de les ignorer ou de saisir ce dont elles parlaient, nous deux nous sommes sentis agressés et percés par une vague hostile, invasive et aveugle. <br />
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A la gare routière, je me souviens des adolescents désœuvrés qui s'intéressaient plus à parler fort qu'à attendre les bus. Une fois, très incertains, nous avons choisi notre quai et attendions l'arrivée d'un bus pour Avignon. Quatre adolescents, à côté de nous, riaient, parlaient vite et bruyamment. Tout d'un coup une jeune fille a couru devant nous, évidemment inquiète de rater son bus. L'un des galants lui a hurlé « Cours ! » et les autres se sont esclaffés. Quelques minutes plus tard, ils sont retournés à la gare. <br />
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Franchement, quand je vois le beau paysage français transformé en paysage urbain pollué et le regards vides de toute trace de chaleur humaine, je me désespère. <br />
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J'ai demandé à Marie Jo et Jean-Paul ce qu'ils pensaient des adolescents, parce que, bien sûr, je m'intéresse à ce qui se passe en France, mais je m'inquiète aussi. Si la France devenait un États-Unis bis, où irions-nous pour fuir l'incivilisation qui nous entoure ? <br />
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À suivre, leur réponse.Renhttp://www.blogger.com/profile/07244968850934586941noreply@blogger.com6