vendredi 29 avril 2011

La coopération selon les sexologues catalans

Les samedis matin je parle à Mme Tourville, sainte patronne des touristes. Elle compose pour moi un tour du patrimoine français en anglais et ensuite je lui improvise à la dernière minute un tour d'articles en français. Ce samedi elle m'a décrit la place Stanislas, le canal de la Marne, et l'histoire des châteaux de la Lorraine. Au cours de notre visite, elle m'a proposé une pause à midi, et après elle m'a décrit d'autres endroits à visiter.

Je lui ai remercié pour son tour bien aimable de la ville de Nancy. Il me serait bien utile, si j'y allais cet an, mais je vais visiter Annecy.

Que j'avais des ennuis de prononcer le nom de cette ville. Quand je l'ai découverte dans la rubrique voyage du New York Times, je pensais qu'on prononçait le e, mais d'après Sancho, le e est muet. Et lors de ma conversation avec Mme Tourville imitant la prononciation de Sancho, je lui ai dit « Je vais à Anncy ». Elle, ne pas pensant que je pouvais me tromper, a entendu Nancy.

C'est la deuxième fois que Sancho a prononcé le nom d'une ville à son gré bien que les riverains le prononcent autrement. Par exemple, au début de notre correspondance, j'ai prononcé la ville de Mme Tourville, Agen, avec une voyelle nasale. Elle m'a corrigé. C'est Agen comme « à genièvre » ou « à genoux » car le nom à l'origine a été un nom de famille. On en a tronqué des lettres mais gardé la prononciation. J'ai essayé de prononcer le nom correctement à Sancho, en expliquant qu'il n'y avait pas de voyelle nasale, mais il pensait que c'était incorrect ou un drôle de prononciation de l'Aquitaine. A Paris on prononce la voyelle nasale.

Bon, désormais, ce serait Agen comme agenda pour Mme Tourville et Agen comme agence pour Sancho.

Nous avons bien rit sur notre enchevêtrement de voyelles et de villes. Ensuite je lui ai donné un tour de trois articles sur la coopération, la Barcelone et René Cassin. Selon un auteur la coopération est un trait inné qui s'est faite introduire dans notre ADN. C'est-à-dire que parmi des êtres qui suivent la logique de pardon universel, de punition universelle, et de la loi du talion, la sélection naturelle favoriserait la survie les êtres qui suivent la règle d'or (faites aux autres comme vous voulez qu'ils fassiez à vous). Cela veut dire qu'il faut punir, mais puisque la coopération aide aux gens de vivre mieux il faut tendre la joue aussi.

Qu'il faut écrire un livre dans lequel on prouve que la coopération est le propre de l'homme semble suspect d'autant plus que la coopération est plutôt rare au cours de la vie quotidienne. En fait, j'en ai parlé avec un correspondant. Il a dit qu'il fallait imposer la coopération sur le peuple, sinon ce serait le chaos. Je ne suis pas arrivé à le persuader, en fait je pense l'avoir froisser pour lui avoir suggéré que la coopération est innée. En revanche, Mme Tourville et moi sommes mis d'accord sur la thèse du livre. D'ailleurs nous pensions que l'imposition de la coopération serait tyrannique.

« Bon, prochaine étape dans notre tour serait Barcelone. Est-ce que vous y êtes allée ? » je lui ai demandé.

« Ah, oui. »

« Très bien, mais est-ce que vous y avez vu des personnes à poil dans les rues ? »

« Quoi ? Non ! Tout le monde a été habillé. »

Et ensuite je lui ai expliqué qu'en 2004 Barcelone s'est vantée dans une brochure touristique intitulée Exprimez-vous tout nu qu'il n'existât aucune sanction contre la nudité. Depuis lors la ville s'est attiré plus de touristes très légèrement vêtus. Aujourd'hui le conseil municipal veut contraindre cette liberté d'expression par une amende de 500 euros par exhibition nudiste. Par la sévérité de la punition on dirait qu'un essaim d'exhibitionnistes fourmillait à Barcelone, mais le reporter n'a trouvé que deux nudistes. Le premier était un ancien salarié d'une banque, maintenant à la retraite. L'autre, un sexologue. Les deux se connaissaient et appartenaient au même club nudiste, mais le sexologue l'a quitté à cause des différences philosophiques. Il dit que notre société nous oblige de s'habiller comme si c'était naturel, mais au contraire la nudité est naturelle. D'ailleurs il pense que bannir la nudité, c'est aussi liberticide que bannir la burqa. Selon lui c'est ségrégationniste; c'est comme on dit "Pas de nègres ici".

Moi, je pensais que marcher nu dans les rues, ce serait un peu inconfortable. Je me sens bien dans ma peau, et particulièrement bien si ma peau est couverte des vêtements. En revanche, je me sens bien dans ma peau quand il faut me déshabiller dans un vestiaire devant d'autres hommes. Parfois, quand je suis tout nu, je dis bonjour aux autres, mais je crains que ma gentillesse ne leur fasse peur d'une rencontre plus qu'amicale.

Quand j'y pense, je me demande, « Mais quel type oserait de se promener tout nu ? Ne serait-il pas un peu exhibitionniste ou ostentatoire ? »

Mme Tourville a nié que les Barcelonais étaient exhibitionnistes. Selon elle, le nudisme est un mode de vie, une libération des moeurs dominantes. En principe, j'accepte cette possibilité, mais je soupçonne quelque chose de louche chez le sexologue.

La dernière étape de mon tour était la critique de la biographie de René Cassin. « Est-ce que vous connaissez cet homme ? » je lui ai demandé. « Non, non, mais le nom me dit quelque chose, » Elle m'a répondu désireuse d'en savoir plus. Il était professeur de droit, ancien combattant militant, résistant et homme politique, "juge" et "conseiller" des princes, président de l'Alliance israélite universelle, et dans cette biographe récente on a dit "si les droits de l'homme sont en 2010 l'affaire de tout un chacun, c'est en partie à lui qu'on le doit".

Qu'est-ce que cet homme nous aurait dit aujourd'hui ? Penserait-il que la coopération est un trait inné ? ou faudrait-il l'imposer ? Penserait-il qu'il faut ajouter des lignes sur les droits de l'homme à poil pour les sexologues Barcelonais ? ou se contenterait-il d'être traiter de ségrégationniste comme il essuyait les relents de l'antisémitisme ? Laisserait-il passer la mauvaise prononciation de son nom par les ignares qui l'ont surnommé Bécassin ?

7 commentaires:

Colo a dit…

Bonjour Go,
Un super billet plein de réflexions intéressantes,grand merci!
Je ne vais pas tout commenter, bien sûr, mais je me demande si par coopération tu veux dire cette entraide, solidarité dans la vie quotidienne, qui ne peut évidemment pas s'imposer, l'idée même est absurde je trouve.
Par contre, si on arrêtait d'exploiter, (en payant par exemple quelques centimes de plus le kilo de café-le cacao, etc...)les pays pauvres, tous les humains pourraient sortir de la misère, vivre décemment, et ça je pense devrait être coordonné (imposé) par les Etats occidentaux...mais que le tiers/quart monde sorte de la pauvreté n'intéresse personne.

Je suis hors sujet? Oh, pardon.
Sinon il fait pas hot, hot du tout ni à Barcelone ni ici ces mois-ci...alors je préfère m'habiller!!
A bientôt Go, take care.

Delphine a dit…

Cher Go, (ou devrais-je dire Quichotte?) j'ai adoré ce billet un peu décalé mais tellement réel. Je réfléchissais justement ce matin à la loi du talion en entendant toutes les radios du monde et ton président annoncer la mort -l'assassinat- de Ben Laden. est-ce un exemple? On applaudit. Il représentait une menace, d'accord, mais faut-il pour autant lui rendre la pareille? est-ce ainsi que notre civilisation va avancer? J'en doute. Sincèrement. Quant aux nudiste de Barcelone et de la terre entière, aah, je te dirais que j'ai tout le temps froid et que voir l'anatomie des gens me laisse assez indifférente, mais je ne peux m'empêcher de voir en eux une certaine forme d'exhibition malsaine et détraquée. Si ce ne sont pas des canons de beauté, ils gâchent le paysage, tu ne trouves pas? A très bientôt!

Ren a dit…

Bonjour Colo et Delphine.

Quant à offrir un prix digne du travail offert, je ne suis pas contre. En fait je dirais que l'agriculture, la bonne agriculture, nous la sous-estimons et nous surestimons la production de masse, la force et la guerre. Grosso modo, la vraie valeur semble écartée du prix. Est-ce le libre échange basé sur l'exploitation même augmenté de quelques centimes de plus la coopération ? J'en doute. Donc, c'est vrai, c'est hors sujet. Quand même, tu me fais rappeler d'une conversation sur les tomates. Il faut en écrire.

Quant à l'assassinat, j'en ai été choqué. Il me semblait une annonce qui aiguisait les tendances les plus basses pour la vengeance ou pour accroitre la cote de popularité pour une élection prochaine. Je me sentais très éloigné de ce pays. Qui sommes-nous ?

Les nudistes ? A mon avis, c'est un peu imaginairicide.

Merci de vos visites. A bientôt.

Anonyme a dit…

je me suis bien amusée en lisant ce billet ! vraiment très drôle.
et en même temps je pense au concept ORWELLIEN de "common decency".... tout un programme inscrit en filigranne dans ton petit exposé plein d'humour. bonne journée.

http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=753

Ren a dit…

Bonjour Carole, merci. J'ai un programme ? En fait, oui, mais c'est plutôt la réaction que j'essaie de faire sortir au milieu des dédales des actualités. Merci pour l'article sur Orwell. Tu veux dire qu'on peut dire aux sexologues catalans de se rhabiller au nom de la décence commune ? :) A bientôt.

Cath'rine a dit…

Catalan, catalan, mais pour moi née à Perpignan, les catalans français et les catalans espagnols sont semblables et si différents...de quoi méditer encore et nous écrire un beau billet !

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si tu passes encore par ici quelques fois : si oui : bonjour chez toi...
chez moi, c'est là : http://carnetlectures.blogspot.com/