mercredi 31 mars 2010

Le regard d'un oiseau de prison

Avant de conclure l'histoire des oiseaux du bureau, je fais une pause pour parler d'un autre oiseau. En anglais on dit qu'un oiseau de prison (ou jailbird) est un taulard. Imaginez-vous le drôle de regard que ces oiseaux de prison font quand leurs financés ou copain leur rendent visite.

Selon Larry Smith, qui a écrit sur ses visites conjugaux dans la prison où sa financée purgeait sa peine de 15 mois, il n'y a rien de plus magnifique. Non, on n'avait pas le droit d'avoir des relations intimes dans la prison à sécurité minimale, mais il semblait que le contretemps d'être privé de son amour lui convenait. Il pouvait faire les sacrifices pour prétendre un amour sans limite, et il n'avait à le faire qu'une fois par semaine ou moins. Mais la chose la plus surprenante de l'histoire était comment il a reçu les nouvelles que sa financée était en effet une taularde.

Elle lui a appelé et dans une voix ébranlée, ce qui ne lui était jamais habituel, lui a ordonné, ce qui me semble tout à fait habituel, « Il faut parler, immédiatement. » Tout d'abord il a pensé qu'elle allait lui engueuler sur la dernière bêtise qu'il a commis à son insu. Mais, non. Il avait la chance cette fois-ci. Elle allait en prison.

J'ai lu l'article deux fois. La chose la plus essentielle semble de savoir juste exactement ce qu'elle a dissimulé derrière tous ses airs d'une jolie blonde ingénue et innocente mais agressive, audacieuse, et aventureuse. Selon lui elle n'était que jeune et stupide à l'époque où elle a commis ses actes de blanchissage d'argent en passant son temps avec les réseaux de trafiquants de drogue. Il n'a pas dit qu'elle était intelligente, mais il a cité le nom de son pedigree prestigieux. Elle a obtenu son diplôme de Smith College, qui est l'une des meilleures institutions éducatives privées aux Etats-Unis. Pour y assister un an il faut payer plus de 37 000 dollars par chaque tête éduquée. Et dire qu'elle y assistait et fréquentait les trafiquants de drogue en même temps. Audacieuse et talentueuse, n'est-ce pas ?

Mais l'amour, qui peut l'arrêter ? Je n'oserais pas. Tout ce que je veux demander à ce mec Larry Smith est ce qu'il voit quand il la regarde dans les yeux ? Il a dit qu'elle n'est plus comme ça. Soit. Mais comment est-ce qu'il le sait ? Et avec tant de confiance ?

Moi, je l'avoue. Je regarde les filles dans le métro, dans l'épicerie, dans le bureau. La grande majorité du temps, il est impossible de les regarder. Elles m'ignorent ou m'évitent. Soit. Mais je reste curieux. Qu'est-ce qu'elles pensent ? Souvent j'ai le même sentiment d'angoisse quand je parle à une membre de la gent féminine. La conversation semble toujours virer vers ma culpabilité et quand je les regarde dans les yeux c'est toujours le même énigme. Qu'est-ce qu'elles pensent ? Et comment est-ce que je peux enlever cette tâche de saleté qui semble me coller chaque fois que je parle à une femme ?

Mais après avoir lu cet article, je me demande désormais « qu'est-ce que vous dissimulez derrière toutes les reproches, les récriminations et l'agressivité ? Est-ce vraiment l'amour ? Ou est-ce tout cela juste les chants des oiseaux de prison ? »

Oh, je sais que je suis injuste. J'ai bien échoué dans ce billet, mais l'énigme, mystérieux et vaste, dépasse l'horizon de mon esprit.

Prochaine fois, c'est promis, je conclue mon histoire des deux oiseaux du bureau.

Les deux oiseaux du bureau

Aujourd'hui deux oiseaux du bureau m'ont rendu visite. Ils ne sont pas vraiment oiseaux. C'est que leurs façons de parler me font penser à un animal qui vous regarde sans ciller et puis sans avertissement ils commencent à vous parler. Les écouter et les comprendre, c'est comme chasser et saisir un oiseau au filet à papillons. On les regarde, et les regarde encore. On ne leur dit rien, et surtout quand on s'approche d'eux. On ne les quitte jamais des yeux, mais en revanche en ne les regarde jamais droit dans les yeux. L'énigme de leur regard paralyse le chasseur le plus habile, et puis ils s'envolent loin avant que l'on ne soit arrivé à plusieurs mètres d'eux. Et dire que jusqu'alors l'on n'aurait jamais pensé qu'ils étaient sur le bord de partir.

Si vous n'arrivez pas à saisir mes propos et que vous n'avez pas de filet à papillons, essayez-le avec un appareil photo. C'est sûr que vous arriverez comprendre la difficulté de s'entendre bien avec les oiseaux du bureau.

Vers une heure le premier oiseau a sautillé dans mon bureau. On s'est dit bonjour, puis nous nous regardions. Moi, l'être humain, derrière mon bureau et jojo, l'hibou, muet et surnaturellement calme devant moi. Je lui ai regardé dans les yeux pales et vite frappé de paralysie par l'énigme. Dans ma stupeur je me suis demandé « Qu'est-ce que j'y vois ? » Je me suis remué la tête, me suis frotté les yeux, et j'ai patienté. Et, puis, rien. Est-ce qu'il va parler ? Quoi ?

« Oui, qu'est-ce ce qu'il y a ? Comment allez-vous Jojo ? » je lui ai enfin demandé. Comme si ma voix a dû lui surprendre, il a remué une aile, lentement et avec caution, puis il m'a dit, « Oui, je pense que, oui, selon Bruno, il dit que, il y a mainte façons d'arriver à expliquer les différences entre les deux méthodes, et les deux sont mauvaises... » je lui ai laissé parler, mais enfin j'ai dû l'interrompre, mais pas avant que je n'aie mis ma tête sur la table, ni avant que je ne me suis adossé loin dans ma chaise, mais jusqu'à ce que ma pauvre cervelle m'a hurlé de lui arrêter avant que je ne doive courir la pharmacie pour une ordonnance du médicament ADHD.

« Mais, il faut dire que je ne comprends rien de tout de ce que vous avez dit Jojo ? Pourquoi faut-il me dire tout cela ? » je lui ai demandé. Après quoi, il a tout recommencé, et ensuite il a sorti une feuille de papier. A ce point j'ai deviné qu'il s'agissait d'un courriel que j'ai envoyé à mon chef il y a trois jours, et il était là pour me donner son avis là-dessus. Il pensait bien répéter tout ce que disait Bruno, un autre salarié, et il essayait de répéter ses propos au pied de la lettre. Je connaissais tout l'avis de Bruno. Il semblait que j'étais au centre d'un jacassement étourdissant des gens qui parlaient sans réfléchir et pour éviter la folie, il fallait que mon chef, Bruno et lui me comprissent. Je l'ai arrêté encore une fois et lui ai insisté, « J'ai été très bien patient de vous écouter Jojo, et je comprends exactement ce que vous pensiez me dire. » Il a clignoté deux ou trois fois, puis il a dit, « Oui. » J'ai dû essayer encore une fois d'expliquer le problème et ma solution, puis il a convenu de dire que j'avais raison et qu'il fallait nuancer les propos dans le texte d'une lettre adressée à un client au lieu de lui écrire un tas d'absurdités et de contradictions.

Juste quand j'ai pensé que nous étions d'accord, jojo voulait me dire qu'il comprenait très bien tout avant son arrivée dans mon bureau. L'oiseux petit et méticuleux répétais tout ce que je lui disais tout à l'heure et il m'était impossible de me débarrasser de lui, même quand je lui ai dit, « C'est bien. Vous voyez comment ça marche. On a bien resolu l'énigme. » « Oui, c'était exactement comme je le pensais. Cela marche... » et ensuite il a utilisé les même paroles que je venais de lui dire. « Ah, oui. C'est donc bien terminé, nous sommes d'accord, » j'ai essayé encore une fois. Mais il n'a pas laissé tombé la proie de son bec. Il m'a répété toute l'histoire encore une fois. « Bon » je lui ai dit, un sourire agacé figé sur mon visage, j'ai patienté en voyant son regard vide et absent, puis je lui ai dit « Merci, au revoir. » Mais l'oiseau adore chanter la dernière note, « Oui, bon, c'est bien fini, merci pour votre compréhension. Au revoir. » Je lui ai regardé interloqué les yeux rivés sur lui et la paralysie de l'énigme s'est emparé de tout mon esprit. A ce point, je ne sais pas comment il est arrivé à quitter mon bureau. La dernière chose que je me souviens était que nous nous sommes regardé et puis il a dû s'envoler sans avertissement.

Deux heures plus tard DJ m'a rendu visite. Il est un oiseau de tout autre plumage. Ses gestes sont rapides. Il sourit souvent, il a les yeux vifs et alertes, mais ses propos sont aussi décousus que ceux de Jojo.

Attendre la suite !

lundi 29 mars 2010

Les païens en quête des lys des cerisiers en fleur



Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent; ... Que mangerons-nous ? que boirons-nous ? de quoi serons-nous vêtus ? Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent.

Matthieu VI, 27-30

Hier, j'étais parmi la foule des païens en quête des lys des cerisiers en fleur. Au bassin de marée du parc West Potomac une mosaïque de touristes ont inondé le bord de l'eau jalonné de cerisiers en fleur. Ils viennent de tous les pays et de l'Amérique profond aussi. J'ai entendu dire les accents de l'Angleterre, de l'Irlande, et du Sud de l'Etats-Unis. J'ai vu les visages blancs russes, la peau brune pakistanaise, et les yeux en amande perses parmi une foule d'âmes asiatiques.

Parsemé entre ses scènes de vie en famille, y avait-il des moments du bonheur qui échappait des visages des participants à leur insu. Je me souviens d'une scène autour d'un arbre. La famille a mis en haut leur petit fils comblé de joie d'être au faîte du regroupement de la famille. Au dessous de lui était sa famille qui patientait pour que la fille prenne la photo. Leur joie était contagieux. J'ai beau essayer de les laisser tranquille, mes yeux étaient rivés sur eux. Malgré toute cette beauté, tous les cœurs n'étaient pas aussi sensibles. A chaque instant de bonheur, deux instants de malheur. Quand je suis sorti du métro, j'ai été accueilli par un troupeau de vautours de touristes. « Bonjour monsieur, où est-ce que vous allez aujourd'hui ? Est-ce que je peux donner des directions à un musée ? Smithsonian, Air and Space, la gallérie de l'art ? » sont ses premières questions. « Ah, voilà monsieur vous chercher le bassin de marée, allez tout droit et au suivant carrefour tournez à gauche. Et si on donnait cinq ou dix dollars pour les sans-abri ? Non, pas un dollar, mais cinq ou dix. Merci. Tenez, une carte pour vous, monsieur. » Cette carte n'est rien d'autre qu'on trouverait gratuitement au bureau de tourisme. Cinq dollars pour un sac de couchage ? Plein en face des symboles de notre gouvernement qui s'en fiche du sort des pauvres. Faut-il en donner plus pour graver sur le marbre des monuments « Chacun pour soi et Dieu pour tous. »

Je m'écarte de mon sujet.

A part de ceux qui rayonnaient de bonheur, il y avait quelques-uns qui étaient à leur su mécontent, et ils n'avaient honte ni de froncer les sourcils ni de le dire tout haut. Un pauvre garçon qui parlait anglais hurlait et pleurait à sa mère, « Mais, pourquoi est-ce qu'on va faire des choses que je ne veux pas faire ? » A ma grand surprise, sa mère lui a répondu en français, « Allons voir ces jolies fleurs ici. Viens donc ! », et puis elle ne lui faisait guère plus d'attention. C'était sa seule façon d'adoucir la violence de sa rébellion. La beauté dompterait-elle la bête ?

La plupart des gens n'étaient ni heureux ni malheureux. Ils se promenaient comme tirés par une ficelle invisible. Une lente et parfois maladroite procession autour du bassin faisaient-ils, tout en parlant à leurs proches. « Regarde ça, c'est génial ! », a dit une jeune fille. « Je n'aime pas les nouvelles voitures, ce qui me plaît, c'est les vielles, » a proclamé un plouc de l'Amérique profond qui a vu subir une voiture qui ne lui plaisait pas. « Peut-être ils sont sortis pour la journée et ne sont pas allés à l'église, » a dit une mère à son mari interloqué par une disparition inédite. « Fais attention à ce que tu fais ! » suivi d'autres commandes « Attends ! Ici, ici, ici, regarde-moi ! Prêt ? un, deux, trois, sourit ! », puis un regard mécontent, et une question, « pourquoi est-ce que tu as fait cette mine de monstre ? »

A ce point, je me suis demandé, « Sommes-nous tous américains ? Sommes-nous venus ensemble ici pour un moment collectif de paix comme l'on disait jadis des lis des champs ? » Moi, je me sentais seul dans la foule, un visage dans ce tissu social, mais sans avoir le moindre lien avec la plupart de l'humanité.

Les seuls qui me semblaient dans leur élément étaient les canards. Je vous laisse cette photo.

dimanche 28 mars 2010

Rendu braque

Et la suite du dernier billet.

Tu te souviens que dans mon dernier billet, le héros de notre histoire se trouvait face à face avec une drôle de crise. Devrait-il continuer à écrire sur l'internet ? Trouverait-il plus de monde qui s'intéresse à partager leurs opinions avec lui ? Est-ce qu'il arriverait à comprendre ce qui se passe dans sa vie quotidienne et ensuite à savoir comment le décrire d'une manière plus intéressante et distincte que celle de l'inondation de l'opinion qui déborde déjà le lecteur de trop d'information inutile ? Est-ce que sa femme comprendrait son désir don-quichottique de voyager partout dans le monde virtuel en quête des aventures comme l'on avait fait à l'époque des diaristes-chevaliers errants ?

Un diariste errant, comme un chevalier errant, doit subir beaucoup d'épreuves de sa conviction et de son courage. Il doit former ses opinions, essayer de s'exprimer le mieux possible, et puis recevoir avec grâce l'humiliation des réponses démoralisantes. Le risque, que court volontiers le diariste errant, est de mélanger sa naïveté, ses tentatives initiales, et puis les réactions hostiles dans une sorte d'expérience universelle, mais dans ce monde si virtuel, si individualiste, s'il y échoue, il ne collectionne que des échecs. Et il expose inutilement au monde entier ses détailles intimes.

Est-ce que je vous ai dit, mon cher lecteur, que je lis "Don Quichotte" de nos jours ?

Et maintenant la suite de l'histoire.

Comme je disait dans le dernier billet, j'ai demandé à mon ami s'il voulait lire mon blog et le week-end suivant il m'a dit qu'il n'en avait pas retenu grand chose. Il y a une semaine notre héros semblait au bout du rouleau, son existence de diariste errant menacée de tous bords. Il lui semblait nécessaire de renoncer à l'écriture, ranger sa plume virtuelle, éteindre les lumières dans sa tête et aller regarder la télé réalité. Au dernier moment, il a suggéré à son ami, « Mais s'il faut lire un seul billet de mon blog, essaie celui-là. »

Il est vrai qu'il m'a laissé un commentaire sur le billet recommandé, mais seulement un. Soit. Aujourd'hui je lui ai parlé, et il m'a dit qu'il lisait les billets chaque jour. Ils lui plaisaient. Mais, à ce point il est devenu plus circonspect. « Est-ce que tu n'as pas peur de laisser trop d'information sur l'internet ? Si ton voisin découvrait qu'il était accusé d'être un arnaqueur des tomates ? Tu cours un risque de t'exposer trop, n'est-ce pas ? » Enfin, à mon avis, je suis aussi invisible dans le monde virtuel que dans le monde réel. J'ai fait une recherche pour le nom de mon blog sur google. Rien ! Mais il persistait délicatement que ces épanchements personnels ne sont pas discrets. « Peut-être serait-il plus sage d'effacer les traces de mon identité sur le blog ? » je lui ai proposé. Voilà une idée qui lui plaisait.

Et comme le chevalier de la figure triste, qui a été rendu fou par la lecture des romans chevaleresques, a dû changer son vrai nom à Don Quichotte, je dois changer mon nom aussi à force d'un amour fou de la France. Dès maintenant, je suis Ren du Braque (par l'écriture), diariste errant.

Une crise d'écriture

Il est souvent que trop de prudence ou la peur d'être indélicat m'oblige à me rester coi. Mais à force de mon amour insensé de la langue française, j'ai fini par vouloir m'insérer dans le monde francophone et croire à l'universalisme et à la devise de la République française. J'ai parcouru le monde francophone, assisté à des cours à l'Alliance française, rencontré des français, et maintenant je suis transformé en dingue francophile. Cet amour m'a même poussé de tenir un blog, le comble du nombrilisme, et me lier fortement à la toile d'autant que ma femme s'inquiète de ma santé mentale. Comme il faut pratiquer la langue tous les jours, j'essaie de parler et écrire en français à chaque occasion possible. Par exemple, bien que je ne comprends rien de cet idiome « Bonjour ... ! » qui me semble évoquer le contraire de ce qu'on dirait anglais, je m'efforce de me dépayser de plus en plus en l'écrivant, « Bonjour la prudence ! »

Il y a deux semaines j'ai commencé à écrire un billet par jour. Au début, cela me semblait être un projet facile, mais j'ai vite découvert qu'un billet par jour, c'était épuisant. Il est difficile de trouver le contour de ses pensées, de les modeler, et puis de chercher les mots appropriés. On peut passer des heures et des heures se demandant, « Est-ce que je me suis bien exprimé ? Cette paragraphe, n'est-elle pas un peu décousue ? Dois-je terminer cette paragraphe et passer à la suivante ? »

La chose qui me surprend était ma réaction. J'étais fier de mon style et de chose inventées, mais j'ai vite compris qu'il est beaucoup plus intéressant d'écrire les blogs que de les lire. J'ai dit à mes amis que j'avais un blog. J'étais fou de joie lorsque mon amie Suisse m'a laissé un commentaire deux jours de suite. J'ai commencé à penser « Voilà, c'est pas mal. Encore un moyen d'entretenir une conversation. » Mais, le lendemain, elle n'a pas écrit de commentaire, le surlendemain, toujours rien, ni les jours suivants. Evidemment, je dois éprouver le même sentiment que mes 'lecteurs' doivent éprouver quand ils m'envoient un lien à un billet quelconque qui est absolument décousu mais contient, peut-être !, un petit brin d'humour. Mais en fait, je ne cours pas les compliments dans l'univers virtuel, je cherche un moyen de voyager. C'est-à-dire un moyen de me mettre en contact avec des personnes dans chaque coin du monde francophone et essayer de les écouter et de m'exprimer le mieux possible.

Une semaine écoulée depuis son dernier commentaire, je lui ai écrit qu'elle m'avait gâté ! Et tout d'un coup elle m'a fait rendre compte que je suis un type qui se gâte trop facilement. Je lui ai demandé si elle voulait lire le billet de dimanche. Elle ne m'a écrit pas un commentaire mais deux ! Après cela, rien. Bonjour la conversation ! Retour à la routine.

J'ai demandé à un autre ami s'il voulait lire mon blog, et il a dit sans grand enthousiasme qu'il le lirait. Le week-end dernier je lui ai demandé s'il l'a plu. Il m'a dit que j'ai écrit quelque chose sur un sujet quelconque, et qu'il n'a pas retenu le fil de mon sujet. Oh là là !

Et ensuite, je suis arrivé à une drôle de crise d'écriture. Dois-je continuer à écrire sur l'internet ?

En tout cas il faut attendre la suite qui continuera dans le prochain billet.

vendredi 26 mars 2010

Entre la paresse et l'effort

Aujourd'hui, les fortes houles de la paresse qui arrivent de temps en temps du centre de mon âme m'ont balancé toute ma attention aujourd'hui. J'étais horrible. Je suis arrivé au bureau à 11 heures. J'ai passé les premières deux heures de la journée en surfant la Toile. Je voulais installer quelques applications sur mon ordinateur, parce que mon système de courriel personnel ne marchait plus. Il fallait que je pusse écrire mes courriels au travail. A la fin de mes recherches, j'y ai renoncé. J'ai même remis au lendemain les projets qui ne sont que des tentatives de remettre mon travail au lendemain.

A 1 heure, je me suis rendu compte que nous étions vendredi. Les bagels auraient été dans la cuisine. Mon estomac voulait manger, et il fallait l'obéir. Au lieu des bagels, il y avait des patisseries. J'en ai pris deux.

Installé à nouveau au bureau, bouche pleine de patisserie, une pensée vague me traverse l'esprit. Si tu manges toutes les deux patisseries, tu finiras par sentir mal. « Impossible, » a dit mon ventre, mais cinq minutes après la dernière bouchée avalée, je me suis senti un peu mal à l'aise.

Comment est-ce que je peux travailler maintenant ? Mais qu'est-ce que je vais faire ?

Je me suis mis à écrire un courriel. Je me suis avachi le plus possible dans ma chaise, les pieds appuyés sur le dossier du bureau, et juste au position où on l'aurait pensé que je n'aurais pu ressembler davantage à un paresseux invertébré, tout d'un coup mes pieds ont perdu leur appui et ils sont tombés sur l'interrupteur marche-arrêt de la boîte de protection contre les surtensions et houp ! plus de courant éléctrique.

J'ai dit « Merde » et puis je suis sorti pour dire à tout le monde ce qui m'est arrivé. Personne ne s'y intéressait. Je suis allé au bureau de ma voisine à côté du mien. Elle est toujours devant son ordinateur, droite comme une pôle, le regard fixe à son écran. J'ai dû l'interrompre. « J'ai coupé le courrant de mon ordinateur ! ». Sa réplique sans me regarder, « Dommage, est-ce que tu as perdu ton travail ? » Quand on travaille comme moi, il existe parfois des occasions où je suis obligé de mentir. « Non, pas beaucoup. » était ma réponse, mais en rentrant dans le bureau, je me suis pensé qu'il serait un miracle si pouvait perdre du travail aujourd'hui.

Environs trois heures, l'un de mes chefs m'a demandé de refaire un tas d'analyses, donc il a fallu me remettre au travail. Absolument distrait, j'ai commencé à travailler. Et dire que je pensais quitter le bureau dans deux heures. Je n'ai pu faire l'imbécile toute la journée. En effet, j'ai dû travailler jusqu'à 7 heures et le quart.

Même pendant mes journées complètement dévouées à la perte du temps, je suis à côté de la plaque. Au moins j'arrive à un drôle d'équilibre entre la paresse et l'effort.

jeudi 25 mars 2010

Ne demandez pas, ne le dites pas

Le bavardage n'est jamais innocent. Je dois rappeler cela à chaque fois que j'ouvre la bouche. Il est infiniment plus sage d'avoir l'air taiseux et le visage renfrogné voire rebutant afin d'éviter une conversation légère de tout et de rien. Mêmes les plus innocents conversations peuvent mener au désastre. Voilà un exemple.

A la fin d'une journée quelconque de travail, je sortais au hasard du bureau avec un collègue. D'habitude, il arrive au travail et part tôt et moi, tard. Cette fois-ci, il faut que je sois parti plus tôt que d'habitude, car lui, il suit son emploi du temps comme une horloge suisse.

Je l'imagine chez lui. Il se lève, son gros ventre dépassant le bord de la veste de son pyjama, ensuite il donne à manger à ses grenouilles et à sa tortue, prépare et emporte son déjeuner, et puis il doit manger quelque chose pour le petit-déjeuner. Est-ce qu'il boit du café chez lui ? C'est un mystère, mais j'en doute. Chaque matin, il boit gratuitement un gobelet énorme de café de la machine au bureau avec du sucre et du succédané de crème. A l'heure du déjeuner, je le rencontre de temps en temps dans la cuisine du bureau. Il sort de son panier toujours la même chose, une boîte de soupe condensé, un plat surgelé et peut-être une boîte de légumes. Tout le lot remplit la cuisine d'une odeur de la nourriture industrielle. A ces moments où je suis coincé dans le même endroit avec lui je lui parle. Enfin, c'est moi qui l'écoute alors qu'il me parle de sa tortue, de ses grenouilles qui puent, de sa voiture (un GTO, vroom, vroom !), et de son frère jumeau. Dire qu'il y a deux personnes comme lui dans le monde.

Comme je disais, pendant que nous sortions ensemble, j'ai essayé de prendre le dessus. Je voulais parler juste une fois, donc je lui ai demandé sur le livre dans ses mains. « Oh, je aime bien les livres à suspense de ... » Mais faut-il dire le nom d'un des maintes écrivains qui écrivent ces romans à la taille d'une petite brique qui sont aussi facile à lire que l'on peut le faire les yeux mi-clos ou fermés ? Ah oui, il le faut. Je continue. « ... Dean Koontz. Ils sont très intéressants. J'adore tourner les pages très vite. J'adore le suspense... » Je voyais qu'il menait la discussion aux éloges béats des écrivains de masse qui sortent de leurs machines à écrire des produits industriels de masse. Je voulais, parce que je suis méchant comme le diable, détourner la conversation juste un peu. Je lui ai donc demandé, « Est-ce que vous aimez les livres médicaux à suspense comme Robin Cook ou Michael Crichton ? Cela doit être intéressant, n'est-ce pas ? »

Tout innocent, sourire aux coins de la bouche, il m'a dit, « Non, s'il faut lire quelque chose de ce genre je préfère Stephen King ou parfois John Grisham. J'aimais bien The Client. Avez-vous vu le film ? »

J'ai bien vu que tout était fini. La conversation dérape, au moins à mon point de vue. Lui, il était tout droit dans son élément. Cela m'a provoqué. J'ai persisté.

« Mais non. Les livres médicaux à suspense me semblent très intéressant. En fait, si j'avais le temps, j'écrirais mes propre histoire sur les aventure de Dr. Russell Scalpel. Tout le monde l'appelle "Rusty" (Rouillé en français). Dr. Scalpel est très amiable et honnête, mais un peu maladroit et voire pas du tout tranchant et vif. Je l'imagine dans son cabinet médical en conversation avec son infirmière, Madame Bonbon.

« Mais qu'est-ce que vous faites Dr. Rusty ? Avez-vous stérilisé vos instruments médicaux ? Celui-là a l'air d'être couvert de sang ? »

« Ah, non, ben. Oui, en fait, je ne m'en souviens plus. Alors, je crois que c'est l'heure de votre examen médical, Madame Bonbon. »

« Encore ? Ok, allez-y. Oh docteur, docteur ! Oh ! Docteur ! »

« Ah, ça y était. Je vous fais mal ? »

« Non, mais votre instrument avait froid. »

Et ils parleraient plusieurs chapitres jusqu'à ce que un patient mourre subitement dans son cabinet. Dr. Scalpel à la rescousse ! Pourquoi est-il mort ? Est-ce que l'on va trouver les scalpels disparu ? Est-ce que Dr. Scalpel va trouver ce qu'il cherche pendant ses examens médicaux ?

A ce point, mon collègue ne s'amusait pas. « Oui, cela pourrait être drôle, » m'a-t-il dit le visage renfrogné voire rebutant. On s'est regardé un instant, puis il m'a dit « Allez, au revoir ! » bien que nous ne soyons pas encore arrivés à la sortie du bâtiment.

« D'accord » était le seul mot que j'ai pu prononcer. Après qu'il m'avait planté là, j'ai dit à mi-voix « A demain. »

mercredi 24 mars 2010

L'arnaque des tomates

Chaque année nous faisons un potager derrière la maison. Ce n'est pas grande chose. En fait, il mesure moins de deux mètres carrés, l'espace pour quelques herbes, une ou deux salades, et deux ou trois plantes grimpantes de tomate. Nous en faisons un minimum pour notre potager. Nous achetons des plants au lieu de monter en graine notre culture. Au début de notre saison jardinière, qui est bien loin après la date recommandée de faire les semailles, nous creusons un petit trou dans la terre, y mettons le plant, le recouvrons avec de la terre, l'éclaboussons et puis dans quelques semaines, si tout va bien, arriveront les fruits de notre travail.

Or il est trop évident, après plusieurs saisons agricole, qu'il est beaucoup plus difficile de récolter des herbes, des salades et des tomates que de les planter. Quant aux herbes et salades, je m'inquiète trop de la maladresse d'une récolte trop agressive, donc je les laisse pousser tout l'été. Un voisin m'a épié une fois à la fin de la saison. Il m'a interrogé à peu près innocemment sur les salades dans mon potager, puis il m'a informé que si l'on ne récolte les salades vite leurs feuilles devenait sur le champs plus amères et moins tendres. Je lui ai dit n'en avoir aucune idée, parce que je n'ai jamais touché la plante. J'étais content de la voir pousser. Il n'a eu plus rien à dire parce qu'il voyait bien qu'il avait affaire avec un drôle d'oiseau qui ne savait pas du tout entretenir son potager.

Bonjour madame oseille, comme vous êtes de plus en plus grande à la fin de cette année. L'oseille, c'est une plante vivace !

Malgré mon attitude laxiste, je suis fort encouragé de récolter le produit de notre terroir. De temps en temps, je reviens à la maison avec un panier plein de basilique dont il faut éplucher les feuilles de la tige et enlever les petits insectes et les chenilles vers avant d'en faire un fournée de pistou. Souvent je laisse pousser trop la basilique parce que la fabrique d'une fournée de pistou prend au moins un après-midi. D'ailleurs j'ai de plus en plus de recettes pour les tomates cerise. Or la récolte des tomates cerise est la plus difficile de toutes les plantes. Primo, pendant l'été il y a des essaims de moustiques affamées qui rendent la vie en plein air une véritable torture. Pour une seule tomate, deux piqûres. Si je suis absolument déterminé de faire une recette de gaspacho, je m'habille de pied à la tête, et de toute façon les maudites diables me piqueront au tempes. Deuxio, il faut beaucoup de patience de chercher les tomates mûres dans l'enchevêtrement des plantes grimpantes. Il est impossible de mettre les pieds à un bon endroit afin de ne pas écraser une autre plante et d'être bien situé d'enlever une tomate. Entre les piqûres et la frustration de trouver les tomates, c'est vraiment le bagne !

Un jour je récoltais les tomates, et comme mon voisin nouveau n'était pas à la maison, je suis allé à l'autre côté de la clôture métallique qui sépare nos jardins pour amasser les tomates. Comme il était facile de les trouver quand la clôture imposait l'ordre à l'enchevêtrement. Malheureusement, à l'instant de terminer mon travail, le voisin et ses deux filles sont rentrés à la maison.

« Qu'est-ce que tu fais dans notre jardin ? » demandait avec colère l'aînée. « Je voulais atteindre quelques tomates qui n'étaient pas accessibles de l'autre côté du jardin. Ça va ? » je lui ai offert avec honte. « Au moins que tu ne nous voles pas ce qui est à nous » était sa réplique.

Avant de terminer cette histoire de jardinage périlleux, je dois préciser quelques détailles sur mon voisin récemment installé à côté de nous. A l'époque, il était récemment divorcé de sa femme, qui l'a vraisemblablement planté là il y a quelques mois, et est répartie avec un autre homme avec qui elle s'est mariée un an après le divorce. A cause de son divorce ou d'une autre raison, il était tout à fait inaccessible. Chaque fois que je l'ai rencontré par hasard, c'était pénible de lui parler, et il répétait les mêmes blagues de mauvais goût ou qui révélait une hostilité mal dissimulée. Sa favorite était, « Joël, je vois que tu fais du jardinage. Peut-être tu veux continuer chez moi, quand tu y as fini. J'ai une pelle pour toi. Sois amiable et aide-moi. » À chaque reprise, j'ai férocement lutté pour cacher mon dégoût.

Et me voilà, en plein délit à l'autre côté de mon sanctuaire, les mains pleine de tomates cerise, et une famille désintégrée hostile en face. Quoi faire ?

J'ai balbutié, « Est-ce que vous en voulez quelques tomates ? » Impassiblement, il a pris de mes mains toute la récolte. Il m'a dit sèchement merci et puis toute la famille est entrée dans la maison. Ils ont claqué la porte et disparu avec les tomates et le bol. Bouche bée, j'ai essayé de trouver plus de tomates. J'en ai ramassé quelques-unes mais le lot de lion était chez mon voisin.

C'était la première arnaque de ma vie et je n'en reviens pas.

mardi 23 mars 2010

Numéro inconnu !

Le téléphone sonne ! Et qui est à l'appareil ? La présentation du numéro dit « numéro inconnu ». Mais comment se fait-il que cet inconnu me connaît ? Il y a plus des inconnus dans le monde téléphonique qui nous connaissent, nous appellent et s'intéressent à nous que les connus. Je ne reçois guère un coup de téléphone de mes amis. Ils vivent dans plusieurs états parsemés dans le pays, l'Illinois, l'Ohio, le New York, la Pennsylvania et le Massachusettes. Ils ont leur famille, leurs enfants, leur travail et un emploi de temps chargé et peu de temps pour causer de tout et de rien pour renouer le contact avec un vieux ami coincé dans la jungle politique washingtonienne. En revanche, les numéros inconnus ! Ils ont tout le temps du monde. Ils veulent me parler de mon opinion sur tous les sujets. Est-ce que j'aime fumer ? Est-ce que j'apprécie les chaînes publics ? Est-ce que je veux faire une donation charitable et généreuse à une organisation qui n'est pas une franchise fiscale, mais qui donnerait à manger aux pauvres orphelins en Haïti ? Est-ce que vous avez du temps pour faire une donation de sang à la Croix rouge ? Est-ce que je veux faire un don à la comité politique liée aux démocrates ? Celle de M. Dean ? Non, il a quitté la comité, mais nous restons très fidèles à sa mission et il nous faut beaucoup d'argent de nos contribuables afin de pouvoir vous téléphoner chaque jour.

Enfin, fichez-moi la paix !

Alors, je ne décroche jamais sans examiner le numéro auparavant, et je me méfie de la téléphone comme un ennemi mortel. Je me souviens d'un temps où si le téléphone sonnait c'était une joie. Quelqu'un veut me parler ! Qui est à l'appareil ? Je vais passer au moins une heure au téléphone. Si le téléphone ne sonnait pas c'était le malheur absolu et la solitude immense et silencieuse.

Aujourd'hui le téléphone sonne tout le temps, et lorsqu'un c'est M. numéro inconnu, je décroche, fais une pause pour un instant et puis lui salue, « Bonjour M. numéro inconnu. » D'habitude, il raccroche et fait son prochain coup de fil dans sa liste infinie de personnes dont ils connaissent. Moi, je retourne à la solitude immense jalonnée parfois des coups de fil de M. numéro inconnu.

lundi 22 mars 2010

Mes salad days sont de retour

Mon Dieu ! J'ai écrit ce billet, mais il a disparu dans la nature ! Oh là là, l'internet, quelle salade d'information.

Hier soir, j'ai eu un choc. A mon insu le monde a changé, et je ne m'en suis aperçu rien. Il semble que beaucoup d'idées que j'ai acceptées ne sont plus de mise. Heureusement, il est de plus en plus facile d'accepter les nouvelles idées, parce qu'il contiennent un élément rajeunissant. Si vous teniez à l'idée du melting-pot, n'inquiétez-vous pas. On a une nouvelle idée de l'harmonie sociale pour nous autres vieux jeu. C'est le saladier, ou le salad bowl en anglais, qui remplace le melting-pot, et c'est nous (et nos cuisines) qui en réjouissons.

Au lieu d'effacer toutes les disparités des cultures hétérogènes qui font partie à la société américaine, comme le voulait le melting-pot, le saladier mélange les culture variées alors que les distinctions ne se perdent pas. Or c'est ce que disent les saladiens. Ils ont failli me convaincre de la sagesse de leurs propos, mais je restais sceptique. Cette recette contient une image très belle mais singulière d'une société harmonieuse et d'ailleurs une grande dose de la vinaigrette au parfum du prosélytisme. Selon eux le melting-pot encourageait l'effacement, voire la haine, des autres cultures. Nous n'avons donc qu'un seul chemin à instaurer la paix et la tolérance et éviter le conformisme béat, celui du saladier. Mentionner le melting-pot, c'est aux leurs yeux semblable à le péché mortel de l'arrogance; pire à celui qui a pesé sur nous comme une chape de plomb pendant les années les plus obscures quand le McCarthyisme régnait et le spectre du communisme nous hantait.

C'est certainement une accusation très grave. Or à son origine le melting-pot ne semble avoir eu aucun but d'encourager la haine et l'intolérance. En revanche, il encourageait les Américains de laisser dans leur pays d'origine les préjugés anciens et embrasser leur nouvelle vie aux États-Unis. De plus, il encourageait les gens de partager un destin commun, vivre ensemble et participer à cette nouvelle expérience, qui était la démocratie. Au fur et à mesure, cet idéal s'est mué en arrogance. Peut-être le monde a évolué ? La liberté et la démocratie sont-elles déjà considérées comme acquis partout dans le monde ? Il est vrai que la notion de la liberté a essaimait. Aujourd'hui même les Européens, les anciens royalistes, et autrefois les Américains qui tenaient à leurs idéaux dont nous estimons peu, ont leurs propres idées de la liberté. Est-ce nous qui se sommes fourvoyés en échangeant notre nouvelle vie libre contre la sécurité économique et militaire ? Certainement. Et les Américains avons-nous le droit de donner leurs leçons de moralité à personne comme le faisaient l'église et le roi d'antan ? Pas à tout le monde, mais j'espère naïvement que nous gardons nos principes démocratiques pour nous guider sans prosélytisme et dépit pour notre jeunesse (ou nos salad days).

Entre les deux plats de cuisine n'y aurait-il pas de métaphore qui nous décrive ? Y aurait-il un plat qui nous guide aux meilleures anges de notre nature ?

Il n'est pas souvent que l'on peut trouver les mots justes. Peut-être faut-il laisser tomber la question de métaphore pour l'instant et remonter en arrière à nos salad days. Était-ils aussi mauvais que l'on ne nous le dit ? Et parbleu, pourquoi est-ce que les Anglais (et Shakespeare) l'utilisent quand 'la jeunesse' marche pas mal ?

M. Henry Fowler, l'auteur en 1926 de son Dictionary of Modern English Usage et coauteur de The King's English (1906), en a une explication. « Que la signifiance est que la jeunesse, comme la salade, est crue, ou que la salade est pleine de saveurs et la jeunesse adorent les saveurs délicieux, ou que les herbes innocentes sont la nourriture de la jeunesse, ... peu de monde qui utilise l'expression pourraient nous le dire; si tel est le cas, elle est plus apte au jacassement des perroquets qu'au discours des être humains. »

L'ironie, la structure, l'élégance et l'esprit d'à-propos dans cette citation sont sans pareil. Tous les ingrédients sont mêlées ensemble, sont distincts, mais en revanche il serait impossible de les démêler l'un de l'autre. Et dire qu'un royaliste pouvait écrire avec de beaucoup plus de liberté que nous, les ingrédients d'une salade de société, devions essayer de nous exprimer avec nos propres mots et de cesser de raconter des salades et répéter toute nouvelle idée comme des perroquets.

Merci M. Fowler. Vous m'avez fait retrouver l'élégance de mes salad days.

dimanche 21 mars 2010

Une conversation entre oiseaux

Voilà un petit oiseau.

Depuis que ma voisine a installé une mangeoire, nous écoutons le chant matinal des oiseaux. Ce matin, nous avons fait le tour de la maison. J'ai aperçu un petit oiseau une brindille dans le bec faisant un nid dans notre gouttière. Un pair de pics faisaient un drôle de conversation. L'un tapait son chant sur le flanc d'un arbre, alors que l'autre lui répondait sur le flanc d'un tuyau d'échappement en étain.

Les oiseaux du printemps m'enchantent de plus en plus. Quand ils chantent, ils s'épanchent sur ce qui les entoure. Le danger, les chats, les vers, peut-être, mais j'imagine que leurs chants sont trempés dans la convivialité, la socialibilité, l'amitié, l'amour et parfois le désespoir. Dire que dans un été très bref ils doivent construire leur maison, trouver un partenaire, faire l'amour, nourrir, élever et protéger leurs rejetons, veiller sur eux et puis les regarder s'envoler. L'été fini ils doivent migrer plus de milles miles pour rester à l'abri de l'hiver cruel. Et dans ces trois mois très courts, ils se parlent et se chantent constamment dans toute convivialité.

Nous autres être humains, qu'est-ce que nous faisons ? Ne sommes-nous pas un drôle d'oiseau qui est un peu grincheux envers notre voisin ? Qui se traite de nom d'oiseau l'un à l'autre ? Si nous ne faisons pas attention, ce serait nous qui sommes comme l'oiseau sur la branche.

samedi 20 mars 2010

Mes lunettes !

Mes lunettes était perdues pendant une semaine. Et ce matin, ma femme s'est approchée de moi en les portant. « Où sont mes lunettes ? Je ne peux les trouver nulle part, » a-t-elle dit en me taquinant. D'abord, je me suis réjoui, et ensuite je pensais que mes soupçons étaient bien fondés. Il fallait que mes lunettes se trouvassent parmi les tas de paperasses qu'elle fait chaque jour dans la maison. Mais non, c'était moi qui étais le seul coupable.

Mes lunettes étaient perdues dans la poche de devant de mon veston que j'ai porté il y a huit jours. Je l'ai fouillé mais j'ai dû manquer de chercher la poche de devant. Imbécile !

Il est drôle comment l'esprit se fait à une perte irréparable. Il est vrai que je pouvais les remplacer tout de suite dès que j'ai renoncé à les chercher, mais les lunettes, elles coûtent très chères. L'idée que je les aie perdues me dérangeait. Ce sont les étourdis, les irresponsables, et les inconscients qui perdent les choses d'une grande valeur. Je m'en inquiétais un peu. Est-ce que j'étais atteint de l'alzheimer ? Est-ce que ma mode de vie entraîne l'abrutissement, le stress et le désordre ? Est-ce que je vais craquer ? Où sont mes lunettes ?!!!

Chaque jour le manque m'a pincé un peu comme une mauvaise conscience. Nous sommes allés voir un film étranger sous-titré. Heureusement, le film était suisse-français, mais de temps en temps j'ai besoin de mes lunettes. Chaque matin avant de partir pour le bureau je vérifie que j'ai mon portefeuille, ma carte de passe, mon maillot de bain et mes lunettes ! Où sont-elles ?!!!

Au bout de la semaine j'ai commencé à fouiller les divans, sous les meubles, derrière le lit. Rien. J'ai même pensé qu'il fallait aller au service des objets trouvés du métro, voire mettre la maison sens dessu dessous pour les trouver, tout cela en me maudisant à chaque fois qu'elles restaient introuvables.

Cette perte a ébranlé la fondation de monde psychique et ensuite, souriante, comme les premiers rayons de lumière de l'aurore d'une belle journée elle descende l'escalier et rend mes lunettes et mon équilibre. Merci.

Bon ! Il faut partir. J'ai mes clefs, mon portefeuille, de l'argent et ... mes lunettes ? « Où sont ces maudites lunettes ?!!! »

Ma femme répond sourire aux yeux « Tu les as mis sur ta tête, mon chéri. »

« Ah, oui. Évidemment. Merci. »

vendredi 19 mars 2010

Le drame de la Toile

Je suis au bord d'un grand abysse qui s'appelle internet. Je passe de plus en plus de temps aux activités liées à la Toile. Chaque jour je jette minute après minute dans ce trou autant que le jour fini j'épreuve un malaise de vide en me demandant « qu'est-ce que j'ai accompli aujourd'hui ? »

Et voilà une question angoissante. Au travail, à la maison je cherche à me distraire. Je lis un article, je veille les comptes de courriel, je guette un nouveau message dans les boîtes de dialogue. A la fin de la journée toute mon activité semble fade, incolore, et indifférente.

La Toile est l'échappatoire de la routine, mais qu'est-ce qui m'arrivera si j'en ai besoin d'un échappatoire de cet échappatoire ?

Une introduction maladroite pour le billet du jour. Je demande pardon aux personnes qui pensaient qu'elles échapperaient de leur ennui, mais en revenche elle se trouveraient directement en face d'une dépendence dont ils ignoraient l'existence.

Aujourd'hui, je me lève et je me rends compte que je suis déjà débordé des projets informatiques. Il faut écrire mon billet, terminer le billet d'hier, écrire à mes correspondants, et parler avec quelqu'un à 8 heures par Skype. (Il n'est pas arrivé au rendez-vous ! Peut-être était-il débordé de projets informatiques ? Comme moi ?) Au lieu d'écrire, qui me semble une activité directe, sensible, et distincte, je veille les comptes de courriel et guette les messages dans les boîtes de dialogue. Bien sûr, ce que j'y découvre m'oblige de répondre.

Pourquoi, si c'est une perte de temps absolue ?

Oui, vous avez raison M. l'autre côté de mon cerveau, mais je vous expliquerai quand même.

Tout commence innocemment. J'écris à la boîte de dialogue, plusieurs membres répondent amicablement que mes propos leur plaisait, et c'est là où les griffes du piège ouvrent et m'attendent. J'en suis débordé de joie. Je m'imagine heureux comme Dieu en France. Je guette de plus en plus souvent la boîte de dialogue. C'est à qui le tour de s'enthousismer ? Grande est la chute quand je vois mes propos détournés. Je m'irrite, je m'agace, je me fâche, et puis je me mets à écrire.

La première fois j'ai eu l'idée géniale de lire en haute voix les pièces de Shakespeare qui se jouent au théâtre. Beaucoup de monde y étaient favorables, et cela m'a fort surpris. Je ne m'attendais pas d'une telle réponse. Je voulais savoir s'il existait une seule ou deux personnes qui aimeraient l'essayer. Mais sans faille si une idée devient populaire, quelqu'un va prendre le train en marche et le fourvoyer le démarche. « Idée formidable ! mais pourquoi nous limitons-nous à la lecture de Shakespeare ? Ses pièces sont trop longues, et il y a d'autres dramaturges plus appropriés pour nous : Wilde, Chekov, Molière, ou Stoppard, » s'est demandé un mec, Walter, qui a de l'art de la provocation tout en dissimulant ses arrière-pensées. Ensuite, quelqu'un d'autre lui a répondu, « Oui, j'aimerais bien lire Stoppard ! »

Je bouillais d'une rage sourde et muette. Oh, ce maudit Walter, comme je vous déteste !

La deuxième fois j'ai répondu à un fil de discussion sur le choix des prochains livres du groupe. J'ai recommendé Le Phèdre de Platon. Le livre a été recommendé sur Les nouveaux chemins de la connaissance de France Culture comme le plus beau dialogue de Socrates. Personne n'a dit qu'il aimerait bien lire le texte. Ensuite une femme a dit bien qu'elle gardait un mauvais souvenir de Socrates depuis l'université, elle supposait que je pouvais lui aider à apprécier Socrates. Et encore une fois les griffes du piège étaient prêtes.

Quel compliment, quel bon mot ! Ce groupe est pas mal. Quelqu'un me connaît, parce que je suis si charmant et intelligent. Je ne suis pas insignifiant. Peut-être allons-nous parler du Phèdre ! D'autres personnes ont écrit leurs choix et il semble très bien que Platon va être abandonné. Orwell, Hemingway, Steinbeck, Wharton, et Styron sont des écrivains formidables, et bien que l'on n'ait pas formulé de règles pour nous servir du guide, j'imagine qu'une suggestion doive être formuler parce que l'on estime le livre et le recommende. Bref, on veut partager son amour d'un livre.

Et ensuite, Walter, ce vieux qui sait tout, qui est insupportable, et qui passe tout son temps à assister aux réunions de meetup sur tous les causes possibles. Pour la plupart il semble qu'il s'intéresse principalement aux réunions pour les célibataires, et j'imagine que dans chaque groupe il essaie d'être astucieux. Il est le magnifique Walter et il est là pour vous le répéter. Il prend le train en marche et recommende un tas de livres et tous les dialogues de Platon qui sont dans sa bibliothèque.

Quand j'y réfléchis, c'est un peu bête, mais il m'énerve. Je me pense « Je vous rattraperai, Walter, démon, Satan ! Je vais vous chasser de la Terre et vous renvoyer à l'enfer ! » Et j'écris encore une fois à la boîte de dialogue en dégringolant dans l'abîme de l'univers virtuel.

jeudi 18 mars 2010

Pas pour les indécis

Un jeune homme, arrogant, intelligent, et parfois naïf en dépit de tous ses efforts de polir son image comme un grand homme qui sait tout, est entré dans mon bureau hier pour causer un peu. Enfin, il est impossible de converser avec lui. Il me parle, et moi, je dois l'écouter et sur tout être ébloui par la clarité et l'intelligence de son esprit. Je lui parle, et lui, il rejete tous mes propos, parce qu'il sait tout. Plus tard il répetera sans gêne mes propos comme s'ils lui venirent naturellement. Après tout, son but est de convaincre tout le monde qu'il est imbattable.

Je pense qu'il est incorrigible, mais il est vrai que tout dépend sur la perspective.

« Bonjour, » il m'a dit.

En écrivant cette introduction, un drôle d'idée m'est arrivé. Lorsque je l'ai rencontré, échanger un « bonjour » lui mettait tout à fait mal à l'aise. Il voulait parler, et lui imposer une formule de courtoisie était subi comme une punition.

Je continue.

« Harvard a rejeté ma candidature. »

Il est toujours difficile de savoir quelle sorte de sympathie d'offrir. Et dans ce cas, puisqu'il ne s'épanche jamais sur ses sentiments, il est impossible. Sa déclaration sans détailles est presqu'une invitation de dire une réplique maladroite, pire de se révéler moins intelligent que lui. « Mais, mon vieux tu as d'autres candidatures, n'est-ce pas ? Il ne faut pas désesperer tout de suite. Harvard n'est pas l'unique université qui offre un programme de médecine. Tu as fait d'autres candidatures, non ? »

Il a fait une pause et me regardait. Il fait ça tout le temps. C'est comme il me scrute de voir si l'image de son essence réflété dans le miroir de mes yeux a été déformée par un changement vite de mon avis. Je ne bougeais pas et attendais. Il n'a mentioné que deux autres universités prestigieuses et tous les deux n'ont accepté ni rejeté sa candidature. Il était dans les limbes bureaucratiques, et il en cherchait une explication. Il a su que ces universités ont même rejeté des candidats qui, au moins sur le papier, lui semblaient plus forts que lui. Il faut dire qu'il peut admettre obliquement ses défaillances à condition que la personne qui les met en lumière échoue avant lui.

Au fur et à mesure il a révélé la critique la plus cinglante contre sa candidature. Il a dit qu'il n'avait comme tous les étudiants de médecine aucune idée de ce qu'il voulait étudier et qu'il a décrit son indécision comme un atout. Il était ouvert et tolérant à toutes les possibilités. Mais les universités, et surtout les plus prestigieuses, n'aiment pas l'indécision. C'est une faute grave. Elles scrutent patiemment en silence les candidatures afin de guetter le moindre défaut; elles ne cherchent ni la plus grande ouverture d'esprit ni le plus grand poteniel de développement intellectuel. Il cherche les candidats qui ressemble l'image qu'ils ont construite pour eux-même. Pourquoi s'ouvrir au risque de paraître inférieur à l'image que l'on a construite pour la société et soi-même ?

Comment terminer ce billet ? Avouez et soyez pendu !

mercredi 17 mars 2010

Un long mot de passe

On vous conseille de choisir un long mot de passe, pour éviter, touche bois, le piratage, l'infiltration ou la pénétration de votre mur de sécurité. Sans un bon mot de passe, on risque une calamité et les pires conséquences informatiques. Il ne faut jamais confier le secret de votre mot de passe à personne, sinon l'on pourrait savoir plus sur votre monde intime que vous ne l'auriez voulu.

Il faisait une fois, j'étais dans un royaume féerique et magique et dans ce royaume une belle femme aymarienne gardait le temple informatique dont elle était la prêtresse. Un jour un jeune ingénu apprenti a erré dans le royaume en cherchant de l'information importante pour sa thèse. Un magicien lui servait de guide et il lui a conseillé d'aller demander à la prêtresse d'une formule magique qui lui ouvrirait toutes les portes.

Mais il lui a commandé en voix terrible « Ne la dis jamais à personne. Dès que le secret sera révélé tu subiras sur le champs un sort horrible. »

L'ingénu s'est approché de la prêtresse, et il lui demanda de lui conférer sa formule magique. Le visage ovale, beau et sévère, elle lui a regardé en lui disant, « je vous la donnerai, M. l'ingénu, à la condition que vous ne la disiez jamais à personne. Dès que vous révélerez le secret, vous subirez le châtiment de Dieu qui vous rendra la vie plus pénible qu'une mort agonisante. » L'ingénu, de plus en plus impatient d'obtenir le secret balbutia « Eh, bien, alors, n'importe quoi, quel est ce secret enfin ? » Ensuite, un soupçon d'un sourire se dessina sur son visage de pierre et d'un air plus en plus gêné qui témoignait peut-être un arrière-pensée, elle écrivit sur une feuille de papier « dipous ».

Il se mis à travailler à un ordinateur et tapa sur le clavier le mot de passe. Ensuite, il commença à faire ses longues et ardues recherches, et vite il oublia complètement tout le drame sur ce mot de passe bête.

Quelques années se coulèrent. L'ingénu devint vite un chercheur quelconque. Il écrivit sa thèse sur un sujet qui aura été vite oublié.

Aux derniers jours du semestre avant de terminer ses études, lui et ses camarades dînaient ensemble parlant des personnages qui évoquaient des souvenirs. L'une des personnes demanda « Mais qu'est-ce qui est arrivé à cette prêtresse aymarienne ? Est-ce qu'elle travaille à quelque part ? Et pourquoi est-ce que ce mec Prof Magicien lui a toujours chuchoté comme tout ce qu'il disait était un grand secret ? » Au début, tout le monde était stupéfait, puis peu à peu les sorcières apprentis étourdis se souvinrent qu'il y avait en fait une prêtresse et elle avait quitté le royaume depuis quelques années. Après quelques minutes de silence, l'un d'eux dit « Ben, je pense qu'elle travaille pour un laboratoire, quoi. » Tout le monde ne murmurait ni oui ni non, mais plutôt quelque chose d'incohérent. Tout un coup, quelqu'un d'autre s'écria « Oui, je me souviens. Elle avait un drôle d'accent, n'est-ce pas ? Et quand elle écrivait, elle confondait tout le temps le 'c' et le 's'.

L'ingénu gardait secret toujours la formule magique, mais quand il entendit dire ces mots, tout un coup une force lui accapara. « Voilà, » il s'écria. « Son mot de passe n'était pas un mot, mais deux ! C'était 'Dix Pouces'. » L'une des meilleures amies de la prêtresse subit un choc profond en entendant ces mots, puis se révéla encore un mystère. Elle dit, « C'est la raison qu'elle s'est mariée avec ce mec de Wisconsin qui me semblait un choix tout à fait absurde pour elle. »

Tout le monde rigola et rigola. Mais le pauvre ingénu, à l'insu de tout le monde sauf lui, subit le châtiment de Dieu. Pour avoir trahi le secret de la formule magique, une partie de lui, disons son illusion d'un amour pur et romantique, devint très, très petit. Tout d'un coup il se rendit compte que tous ses efforts de trouver une âme soeur, tous ses recherches pour dénicher la bonne information n'aboutiraient à rien sans ce maudit long mot de passe. Il fut déjà puni par Dieu dès sa naissance, parce qu'il était comme il était, de taille moyen.

Oui, on peut voir qu'un mot de passe, c'est bien d'en avoir un long, mais pour les prêtresses je pense qu'il existe une faille dans leur système de sécurité. C'est qu'elles aiment les mots de passe long, et elles les prennent au pied (ou dix pouces) de la lettre.

mardi 16 mars 2010

Le caillou qui fait des vaguelettes à la surface de l'eau

Si on jette un caillou dans l'eau, des vaguelettes arrivent à la surface de l'eau. Et si on jetait un caillou virtuel dans la Toile ? On ne sait jamais ce qui irait arriver.

Dès que j'ai mis à jour mon profil sur http://www.conversationexchange.com, je reçois au hasard des courriels de l'autre bout de l'Atlantique. Lundi soir, j'étais en ligne avec l'un des nouveux correspondants sur Skype, (je suis rarement en ligne sur Skype pendant la semaine), et l'un de mes correspondants réguliers m'a aperçu. Il m'a dit bonsoir et demandé si je voulais lui parler. J'ai dû lui dire non. J'étais en train de parler avec quelqu'un d'autre. J'étais surpris en pleine infidelité comme il l'a dit, déçu.

Aujourd'hui, je me suis levé et ai allumé l'ordinateur. Encore un courriel d'une nouvelle correspondante dont le premier courriel j'ai reçu hier. Réussite ! Elle voulait continuer à échanger des courriels. Son premier coup n'était pas juste une curiosité banale.

Et mon blog ? J'étais très surpris et flatté de recevoir des commentaires ! Deux fois de suite et j'en étais absolument gâté ! Mais aujourd'hui, est-ce qu'il y a un commentaire ? Non ? Rien. Alors, peut-être demain ? Ou peut-être demain faudra-t-il que je revienne sur terre. Un seul caillou virtuel n'amasse pas de vaguelettes.

Et dans le monde réel ? N'est-il pas très difficile de recolter les vaguelettes ? Je suis sorti de mon bureau en chemin au refroidisseur d'eau, l'endroit idéal d'antan de causer et renouer le contact amicale avec ses collègues. Derrière moi était une femme qui avait la même destination. Quand elle m'a joint autour de la source de l'eau et de la conversation, je lui ai dit « Je suis d'abord arrivé à la ligne d'arrivée ! » Elle m'a souri et puis n'a rien dit. Pendant que je versais de l'eau dans ma verre, qui coulait très, très lentement, je me disais plus d'une fois, « Ce n'était pas correct. Tu dois te taire plus souvent. Ce caillou que tu jette, c'est comme une pierre autour de ton cou. »

Dimanche, dans le New York Times on a annoncé la mort de la courtoisie. Personne ne repond plus aux invitations qui contiennent la formule "R.S.V.P." Ce qui m'a surpris était le surpris de M. Cooper. Il est évident depuis quelques décennies que les gens n'aiment plus donner leur mot d'honeur d'assister à une réunion. Si quelque chose arrive de plus intéressant, houp ! Oh, mon chien a mangé le prétexte que je voulais te donner pendant que tous les pneus de ma voiture explosé. Bien qu'il ne soit plus dans le coup, M. Cooper connaissait bien la courtoisie. Il a dit que "R.S.V.P" était une phrase qui dissimulait avec grâce la solicitation dans linvitation, mais la phrase ne marche plus. Il faut la réinventer. Il propose "R.V.O.M." C'est-à-dire "Répondez vite ou mourir."

Dans le monde sensible, j'imagine que la phrase "R.S.V.P" est comme un très petit caillou qui fait de jolies vaguelettes infiniment répandues sur la surface de l'eau. "R.V.O.M" est comme un gigantesque rocher jeté dans une flaque.

Bonne chance.

lundi 15 mars 2010

Le bon mari

Que la lumière soit ! Et la lumière fut.

Ce week-end était comme tous les autres. On se lève. Le matin nous nous séparons. J'allume l'ordinateur. Ma femme fait quelque chose dont j'ignore. Il me semble qu'elle met du désordre dans la maison. L'après-midi nous nous rejoignons pour déjeuner. En chemin au restaurant et à la table nous causons et après il faut décider quoi faire le reste de l'après-midi. D'habitude, je veux rentrer à la maison ma femme veut flâner les magasins et notre conversation amicale devient un gagne-terrain féroce parfois. Par exemple, je pense qu'il serait beaucoup plus facile de mettre la maison en ordre si nous avions beaucoup moins de choses inutiles. Ma femme pense le contraire. Il serait beaucoup plus facile de mettre la maison en ordre si nous achetons ce nouveau gadget qui promet de faire des miracles d'organisation. Comment résoudre ce jeu ? Allez au magasin et voir !

Je me souviens que la dernière fois qu'on s'est mis à jouer à ce jeu, je lui ai proposé de le décider à pile ou face. Nous sommes allés au magasin, mais je jure que la pièce n'a pas tourné une seule fois dans l'air. Elle m'a trompé !

D'habitude, sans l'aide d'une pièce on négocie.

- Si on allait au magasin ?

- Pourquoi faire ?

- Je veux regarder quelque chose qui pourrait être très utile.

- Mais non, je veux rentrer. Ne te fies pas à la publicité ! Cela ne marcherait pas.

- Mais, si !

- Mais, non !

À ce point, la discussion se décline en quelques terminaisons.

- Tu dis toujours « Non ».

- Non. Ce n'est pas vrai. Je dis « non » dans ce cas, mais je peux dire « oui » quelquefois.

- Mais, non !

- Mais, si !

Ou peut-être celle-là :

- Personne ne m'aime !

- Mais non ! Tu exagères ! Tu ne dis pas la vérité.

- Mais si !

- Mais non !

Ce week-end, pour une raison quelconque, j'ai cédé. Comment se fait-il que j'étais persuadé d'être mené bon gré mal gré à mon insu ? Elle aurait dû inventer une nouvelle terminaison. Celle de sacrifice partagé. Elle m'a dit, doucement, qu'il fallait aller à Bethesda pour revenir sur mes pas depuis que j'ai perdu mes lunettes. Nous sommes allés au dernier endroit où j'aurais pu les perdre. Elles n'y étaient pas, mais nous étions à côté d'un magasin qui vendait les carreaux pour la cuisine. Au magasin, je lui ai dit qu'il fallait revisiter Ikea pour voir leurs expositions de cuisine avant de choisir ce que nous voulions.

Dimanche après-midi, la même routine. J'avais dit qu'il fallait aller à Ikea, donc pourquoi pas regarder leurs lampes ? .

- Pourquoi une lampe ? Nous en avons assez.

- Mais, j'en veux une pour lire sur le divan.

- Qu'est-ce qu'il y a avec celle qui est dans le coin ?

- Je veux une lampe aux deux bouts du divan.

- « Regard interloqué »

Puisque nous y étions, il le fallait. Au début, rien ne m'a plu, mais finalement j'ai vu que nous pouvions cacher le mât derrière le divan. J'ai cédé. Maintenant, nous avons une lampe de plus dans la maison derrière le divan.

Sa lumière est très forte et éclatante. Assise sur le divan, un jeu de sodoku aux mains, elle m'a souri. « Tu vois, je peux voir très bien maintenant. Merci. Tu es un bon mari. »

Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Et la femme a dit que la lumière était bonne. Amen.

dimanche 14 mars 2010

A la table

Il faut apprécier les plaisirs de la table. Pourquoi ? Mais il le faut. Pas de discussion. La table est comme une petite tyrannie et doux royaume. Venez à dîner, ouvrez la bouche pas pour parler mais pour manger.

Ce soir, ma femme avait hâte de sortir de la maison à l'heure pour arriver à sa répétition de musique. « Quoi manger ? » elle m'a demandé. « Des raviolis surgelés à homard ? Fais bouillir de l'eau ! » je lui ai demandé. « Ah, mais non ! Lève-toi ! Aide-moi ! » était sa réplique, qui contenait un reproche mal dissimulé. « Mais viens voir ! J'ai un chat sur les genoux. Impossible ! », je lui ai dit sourire aux lèvres.

Un chat sur les genoux, c'est la raison la plus forte qui emporte toute négociation dans la maison.

Dix minutes plus tard, le chat installé au lit, j'ai rejoint ma femme dans la cuisine. Nous avons mis la nourriture surgelée bouillie dans les assiettes avec du restant de légumes quelconque. Bon appétit.

Nous nous sommes installés devant la télévision, parce que cette fois-ci il n'y avait aucune raison de célébrer la messe sacrée d'un saint et sain repas. Ensuite, notre attention était fixée sur la télévision.

« Desparate Housewives ? Peut-être tu me permets d'aller chercher quelque chose d'autre, ma chérie ? », je lui ai dit en changeant de chaîne.

Il faut dire que dans la journée jusqu'ici je traînais. Je me sentais en mal d'inspiration. Quoi écrire aujourd'hui, quoi faire quand ma femme serait sortie, comment supporter encore toute une semaine de travail ? Grogne, Plainte, Soupir, Malheur !

J'ai zappé. Sports, vidéos les plus amusants, actualités, télénovelas hispaniques, un concert, et enfin Jacques Pépin sur une chaîne public. Qu'est-ce qu'il fait aujourd'hui ? Ah, oui, je me souviens de cette émission. Il m'a inspiré avec cette recette des pâtes aux aubergines et scarole. Pourquoi est-ce que j'ai cessé de regarder dans ses livres pour des recettes intéressantes. Cela doit être meilleur que de manger des raviolis surgelés bouillis ! En me regardant, ma femme m'a dit « j'ai acheté des aubergines, » sourire aux lèvres comme elle avait un chat sur les genoux.

Demain, au menu seraient les pâtes aux aubergines et endive (Jacques Pépin a dit qu'on peut l'utiliser au lieu de scarole qui est probablement hors saison), une salade, et un dessert de figues et noix en sauce miel. Pas de discussion. Il faut apprécier les plaisirs de la table.

samedi 13 mars 2010

Dans le métro

Chaque jour je prends le métro. Dans la station du coin travaille une femme âgée qui s'appelle Mrs. Wilkins (ou quelque chose comme ça). D'habitude je n'aurais ni l'occasion ni l'envie de faire la connaissance d'un directeur quelconque d'une station de métro. A Washington, bien que la ville soit plutôt petite (la population de la ville de New York est 14 fois plus grande que la nôtre), il y a trop de monde dans les stations à l'heure de pointe pour se faire remarquer et pour remarquer quelqu'un. Dans une ville plus petite, peut-être serait-ce un acte de gentillesse de faire un geste de reconnaissance, mais ici même avec les meilleures intentions, cela peut arriver à un mésentente, voire témoigne de l'agressivité. Du coup, j'ai l'habitude d'entre le métro tête baissée, mais à cause de ma curiosité ou de ma joie de vivre, je veille l'occasion de transgresser cette loi d'anonymat obligé et me permets un sourire, un regard dans les yeux d'autri, même un bonjour.

Je ne veux pas dire que les formules de courtoisie ne se disent pas. Dans le train, il y existe. On fait de la place pour les gens blessés, vieux, ou handicapés. On dit merci après qu'un passager laisse passer quelqu'un. Pas tout le temps, mais la politesse vit et elle est comprise presque de la même manière par tous les passagers.

Mais Mrs. Wilkins, comme je n'arrive jamais à vous comprendre !

D'habitude, elle est dans le bureau ou à l'appareil ou à l'écoute d'un passager. Je la guette du coin de l'oeil. Quelquefois j'essaie de fixer mon regard sur elle, mais sans faille elle m'ignore. Je suis invisible quand je suis dans le couloir, quand je m'approche du compteur, et quand je sors du compteur, mais dès que je lui tourne le dos pour aller attraper le prochain train, elle me lance un 'bonjour' sans chaleur ni sympathie. J'imagine qu'elle veut dire « j'existe, je suis quelqu'un et je suis là pour piquer tout le monde dans le dos qui à mon avis ne mérite même pas ma courtoisie raffinée. »

Avant que je ne me sois installé à Washington, jamais dans ma vie n'ai-je eu le plaisir de goûter ce drôle de courtoisie douce-amère. En tout cas, il faut dire que Mrs. Wilkins est arrivée à trouver un moyen parfait de transgresser cette loi d'anonymat obligé. Prenez une forte dose d'agressivité et y ajoutez une petite formule de politesse. C'est comment les gens de Washington rendent leur grande population plus petite.

vendredi 12 mars 2010

J'écris donc je suis...

Harold Bloom, l'éminent critique et professeur de littérature, dit qu'il lit les chefs-d'oeuvre parce que dans l'écriture des grands écrivains on y trouve les personnages magnifiques et uniques tandis que dans la vie quotidienne un vieux comme lui rencontre les mêmes attitudes des personalités communes et banales. Bref, il lit parce qu'il veut faire la connaissance de quelqu'un d'unique. Il enseigne la littérature à ses étudiants de Yale et écrit des livres pour faire découvrir le monde littéraire aux humbles et mauvais élèves comme moi.

Moi, qui sais très peu de monde littéraire et philosophique, essaie chaque jour d'en apprendre quelque chose, mais à dire vrai il me semble que chaque fois que j'ouvre la bouche là-dessus le monde des personalités communes et banales me confond. C'est eux qui sont tous uniques et magnifiques et moi qui suis banal et commun et selon eux la littérature des maîtres est dépassée, démodée et étriquée. Je suis tellement malmené par eux quand je leur parle que mes efforts de m'exprimer finissent par me rendre absolument confondu et confus. Du coup, j'essaie de m'exprimer par écrit. Impossible de rencontrer les gens uniques en leur parlant ce dont je lis, je jette des messages dans cette bouteille (blog). Mais au fur et à mesure, la transcription de mes pensées en mots me dépasse. Qu'est-ce que j'écris ? Quel est mon sujet ? Pourquoi est-ce que j'écris ? Est-ce qu'il y a un lien entre M. Bloom et moi ?

Je ne sais pas. Plus j'écris plus je suis confus, donc.