samedi 3 juillet 2010

Le mastodonte vert

Il y a deux jours Chouchou m'a dit que les filles de sa quintette viendraient. Chouchou ne savait ni si elles joueraient de la musique ou bavarderaient incessamment ni si toute la quintette viendrait, mais elle savait qu'il n'y avait rien à manger dans la maison. Elle passerait par l'épicerie pour emporter quelque chose de leur buffet.

Quand je suis rentré à la maison, je n'ai pas entendu une seule note de musique. Je suis allé à la cuisine. Rien n'était dans le frigo ni sur le comptoir. J'avais faim et j'étais dans une cuisine presque vide. J'ai commencé par grignoter quelques olives, des biscuits salés avec du hoummos et quelques tranches de fromages. Encore insatisfait j'ai mangé des biscuits beurre, et bien que je le regrettasse plus tard, j'ai crevé un sachet des chips et me suis servi un verre de vin.

J'ai pensé écrire un peu, mais j'ai déjà terminé un billet. J'ai pensé lire, mais la télévision m'attirait. J'ai zappé plusieurs fois jusqu'à la découverte de la chaîne rétro. On montait une émission de la vieille série Hulk dans laquelle une jeune artiste hallucinait à cause de la tromperie de son oncle. Il remplaçait les tranquillisants de son ordonnance avec du LSD, parce qu'il voulait la mettre dans un état de délire afin de la forcer de vendre le musée inachevé de son frère, tandis qu'elle voulait le mettre debout. Bruce Banner, le timide savant qui cachait le secret terrifiant qu'il devenait un mastodonte vert quand il se mettait en colère, a été embauché par la jeune artiste pour achever son projet artistique. Or la chicanerie de l'oncle lui a déjà transformé en Hulk. Est-ce qu'il allait sauver la jeune artiste ? ou est-ce que la colère et les fourberies auront raison sur lui et elle ?

Voir cette série des années soixante-dix, c'est étudier la culture d'antan où l'action se déroule lentement, le scénario établit du suspens, et le réalisme, voire l'hyper-réalisme de nos jours est absolument ignoré. Le metteur en scène s'en remet aux talents des comédiens qui font croire au public que ce qui est à l’écran est réel, parce que leurs réactions impliquent qu'un homme maquillé tout en vert est un mastodonte terrifiant et pas une tromperie. Bill Bixby interprétait le rôle de Bruce Banner d'une manière très stylisée. Il a son côté doux et sympathisant. Il est très attentif à l'écoute de ceux qu'il rencontre. Il découvre leurs problèmes qui, peu à peu, lui met dans son deuxième état, l'alarme et l'angoisse. Il essaie de raisonner la personne qui est en proie d'un terrible engrenage d'une tricherie, mais elle ne peut en croire. Il met avec délicatesse les malfaiteurs en présence de leurs fourberies, mais il ne rencontre que leur déni et plus tard ils essaient de lui fait mal, mais cela lui met dans une colère verte. Il les avertit qu'il n'est pas sage de le fâcher, puis il tremble, il s'effraie de ce qu'il va arriver, et puis le metteur en scène dit stop, et on remplace M. Bixby avec l'acteur qui joue le rôle de Hulk qui hurle, broie en miettes toute chose devant lui et échappe en faisant une nouvelle sortie par un mur.

Par miracle, le monstre aide les autres de se débarrasser de leurs démons cachés et de dévoiler les mensonges des malfaiteurs. Quand je regarde cette série, je me demande ce qui me arriverait si je pouvais me muer en vert au travail ou à la maison. « Quoi ? Vous pensez que mon travail est nul ? GRRRR ! » Puis j'imagine que je m'installerais tout vert devant mon ordinateur en rugissant et tapant des chiffres et les formules les plus élégants et formidables, après quoi je courirais par le mur en sortant de mon bureau. Encore une excellente journée au travail.

Je me suis allongé sur le canapé. A chaque chip mis dans la bouche, j'allais pire à l'estomac. J'essayais de me raisonner, mais je suis en proie d'un vide dévorant. Je me suis servi encore un verre. Des miettes de chips sur le canapé, le verre de vin sur la table, j'ai geint, puis j'ai regardé la télé.

Bruce Banner était en train de dire à la jeune femme qu'elle prenait à son insu du LSD au lieu des tranquillisants, mais elle était en plein délire et l'a jeté au sol. La musique dramatique commençait. Qu'est-ce qu'il va arriver ?

A ce point Chouchou, la flûtiste et la bassoniste sont revenues du restaurant et entrées dans la pièce. J'ai cherché du regard Chouchou, mais elle s'affairait à accueillir ses amies qui se sont introduites dans notre maison comme elle n'était que leur pièce de répétition réservée uniquement pour les musiciens. Confus et surpris, nous nous soustrayions au regard en nous disant bonsoir. La bassoniste et moi regardions la télévision. Elle m'a demandé si c'était Hulk. La flûtiste m'a dit qu'elle a entendu dire que les vacances sont bien passées, puis Chouchou est revenue dans la pièce et m'a chuchoté à l'oreille d'aller en haut. J'ai répondu que c'était Hulk et que les vacances se sont très bien passées, puis j'ai feint d'être en colère, parce que je ne saurais le sort du Hulk, « Peut-être il deviendra encore tout vert ! » J'ai essuyé les miettes de ma chemise, et en chemin en haut, la flûtiste m'a regardé dans les yeux et m'a demandé sa question habituelle et irritante, « Alors, peut-être la prochaine fois, tu iras en Italie, Allemagne ou Espagne au lieu d'aller constamment en France ? La France, c'est ennuyante, n'est-ce pas ? » Je lui ai répondu, « Oui, la prochaine fois nous irons en Espagne, mais à l'extrême est de l'Espagne où ils ont un drôle d'accent. Quand ils disent "Buenos dias", ils disent "Bonjour". »

Elle était perplexe un instant, puis elle comprenait que j'ai dérobé à son ordre. « Peut-être tu iras la prochaine fois en Suisse. Ils parlent français à Genève. » Je me suis regardé la peau, un peu inquiet de mon état. Pourrais-je continuer à être raisonnable ? Ma peau était encore marron, sans trace de vert. Je lui ai souri, « Oui, la Suisse me paraît intéressant. Ils ont un accent sympa qui me plaît. » L'intruse pensait que je lui dérobais encore, « Comment ? Est-ce qu'ils parlent avec un accent allemand ? » « Non, non, » je lui ai répondu. « Ils parlent lentement et calmement. Leur accent est très facile à comprendre. »

Je suis allé en haut ce qui a déchaîné les langues de la flûtiste et la bassoniste. Elles se sont parlé une dizaine de minutes et puis sont parties. Chouchou est immédiatement allée me voir. Elle voulait s’asseoir sur moi. J'ai hurlé « Non ! J'ai mal à l'estomac ! Ne t'assois pas sur moi ! »

Elle s'en est allée en maugréant que j'étais grognon.

Oui, grognon, je l'avoue, mais au moins je ne suis pas un mastodonte vert.

2 commentaires:

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Ah, la nostalgie de nos bonnes vieilles émissions d'antan! Et après tout ce que tu avais bouffé, il n'était pas étonnant qu'une corrida se déroule dans ton estomac... ;) Tu aurais peut-être du te verser une autre coupe de vin et au lieu d'être quelque peu grognon, on t'aurait plutôt trouvé cocasse...

Merci pour ce billet des plus divertissants, Go! ;)

Ren a dit…

Une autre coupe de vin ?! Cela m'aurait achevé.

Je suis content de t'avoir amusée ! Au revoir Rosie.