dimanche 22 août 2010

La liberté retrouvée

Vendredi soir vers 9 heures le téléphone a sonné. Numéro 3, le troisième fils de Zanie, notre voisine, nous appelait. Ils étaient aux abois. Il y avait une chauve-souris dans leur maison.

Chouchou s'est dirigée vers la porte. J'ai cherché des matériaux pour dé-chauve-souriser, des gants, un sac, et nous sommes allés chez Zanie.

Elle parlait en haletant de panique. Le flot saccadé de mots n'avait aucune information utile sauf qu'elle a pris panique et qu'elle volait partout. « Dans la salle à manger ! » Inspiration, expiration. « Dans le salon ! » Expiration, Inspiration. Réprimant l'envie de rire, j'ai demandé à son fils « Où est-il ? » Il m'a emmené en haut. Au seuil de la porte il a pointé du doigt à un morceau indistinct et immobile sur le rebord d'une fenêtre. J'ai cherché de quoi pour m'approcher d'elle. Le lit et le radiateur étaient trop loin pour l'attraper. J'ai demandé une chaise, mais numéro 3 ne m'a offert qu'une chaise de bureau, équipée de quatre roues. Je lui ai dit que c'était trop instable pour chasser une chauve-souris, mais il ne m'entendait pas.

Je me suis perché sur le radiateur. Il a cherché Chouchou.

La pauvre chauve-souris semblait presque morte. J'ai lentement agité ma main devant elle. Est-elle malade ? Est-ce la rage ? Cette petite bête, maintenant pas plus grande qu'une souris, semblait si anodine, frêle et inanimée. Comment est-ce que tu as pu semer tant de panique dans cette maison ? Chouchou est entrée dans la pièce. « Peut-être est-elle morte ou malade, » Je lui ai dit. « Ne la touche pas si elle est atteinte de la rage, » elle m'a répondu. « Je suis ganté, merci. »

J'ai ouvert et ai fermé le sac en le contemplant. Il m'était certain qu'une bête habile et sauvage pourrait y échapper. En regardant la chauve-souris immobile j'ai demande, « Est-ce que tu peux me chercher un petit sac de voyage ou un sac de médecin. » Elle a demandé à Numéro 3 pour un sac. Il est retourné avec un sac plastique peu solide.

Encore perché sur le radiateur, j'ai imaginé un plan de secours. Je l'attraperais, mais pas de la main. Si la pauvre se démenait dans mes mains ? Il faut l'attraper de quelque chose de doux, de si doux qu'il serait invisible et imperceptible, et ensuite flottant sur ce coussin aussi léger comme un nuage invisible, je la transférerais dans le sac. J'ai scruté dans la pièce un nuage. Je me suis contenté d'une chemise dossier jaune. En la vidant de son contenu, j'ai renversé un cadre métallique qui reposait sur le seuil de l'armoire. Il est tombé au sol et a fait un bruit lourd. Inquiet, Numéro 3 a demandé « Qu'est-ce qui se passe ? » Chouchou est entrée dans la pièce quand j'étais en train de glisser le dossier sous l'animal. « Ne la touche pas ! » elle m'a averti. La bête, qui ne voulait ni me toucher ni être touchée, s'est ranimée et a fait plusieurs tours de la pièce au-dessus de nos têtes.

« Ferme la porte ! » j'ai demandé. Chouchou l'a vite fermée en partant.

Maintenant, j'étais seul avec l'animal qui cherchait désespérément une issue. J'ai patienté. Elle devait être épuisée, et conforme à mon hypothèse elle s'est installée près de l'entrée au comble. J'ai vu une boîte en carton près de l'escalier. Je l'ai vidée et me suis approché d'elle. « Ne va pas en haut. Reste ici avec moi. Je t'aiderai à échapper cette prison. Sois tranquille, tranquille. » Et ensuite, elle s'est réveillée encore une fois et traçait des cercles autour des lames tournantes rapidement du ventilateur de plafond.

Il est impossible de suivre la trace du vol d'une chauve-souris. A chaque coup d'aile, ce foudre de Hadès accélèrent en se tordant et changeant de direction. Cette électricité noire zigzaguait en tournant autour de la pièce. Quelquefois, quand je ai senti le picotement de la peur électrique me perçait, j'ai mis le petit parafoudre, qui a été récemment un nuage invisible et avant ça une chemise dossier jaune, devant mon visage. Peu à peu, elle, coincée entre les murs, le plafond, un petit parafoudre et les lames, traçait un cercle presque rond. Ébloui et immobile, j'ai regardée ce foudre imprévisible et insaisissable. Elle a brièvement transformé cette maison par sa présence, mais petit à petit, le foudre a été dompté par la maison. Après quelques minutes, sa lutte furieuse pour trouver une issue s'est soldée par un abandon. Épuisée, elle s'est accrochée la tête en bas dans le rideau.

J'ai pris la boîte et commencé à m'approcher d'elle. J'ai mis le pied gauche sur le radiateur et puis en grognant je me suis hissé jusqu'à elle. Chouchou, qui écoutait attentivement à la porte, est entrée dans la pièce, « Tout va bien ? Qu'est-ce que tu fais ? » « Chut ! Je suis en train d'attraper la chauve-souris » J'ai mis la bouche de la boîte à la gauche d'elle, puis à la droite. Je ne pouvais me décider, mais elle semblait dans l'état que je l'ai trouvée, mi-morte. J'ai mis la bouche autour d'elle, et elle est tombée dans la boîte. J'ai eu quelques instants d'indécision sur la méthode de fermer la boîte. Enfin, j'ai laissé la boîte ouverte un instant et heureusement j'ai pu remettre le couvercle sur la boîte.

Vite, vite, vite je suis descendu avec la proie emboîtée et sidéré. Chouchou m'a suivi, « Ne laisse pas ouvrir la boîte ! » Un peu exaspéré, un soupir m'a échappé. Elle et moi étions au seuil de la porte. J'ai regardé la poignée de la porte en me demandant comment ouvrir la porte sans les mains. Elle a dit, « Il faut la garder au cas où -- ! » L'animal a battu ses ailes. « Non, écarte-toi ou ouvre-moi ! » j'ai demandé en essayant d'ouvrir avec ma coude. Elle nous a lâchés.

Dans le silence de la nuit, j'ai cherché un endroit pour la relâcher. J'ai mis la boîte sur la terre et ai enlevé le couvercle. Elle a hésité aussi longtemps pour me faire me demander pourquoi elle ne voulait pas profiter de sa liberté retrouvée. Je me suis approché de la boîte pour voir ce qui se passait. Tout d'un coup elle s'est envolée. Elle a fait un tour de la taille de sa ancienne prison en passant quelques centimètres devant mon visage. Elle a fait encore un tour, et puis en zigzaguant elle a voltigé dans la nuit. Elle a aussi pris toute son énergie avec elle.

J'ai ramassé la boîte et ai marché lentement à la porte.

9 commentaires:

Edmée De Xhavée a dit…

Je ne sais pas comment te dire ... ce texte m'enchante. C'est un évènement anodin, et pourtant plein de choses obscures. Et ça finit bien, la chauve-souris repart dans sa nuit, les voisins n'ont plus Dracula dans la maison, et toi... tes gants ne t'ont pas servi.

Je suis méfiante aussi pour toucher les chauve-souris, mais je les aime. J'en ai eu une une fois dans ma chambre. On l'a simplement prise à mains nues comme on aurait pris un moineau. Elle était si belle et douce. Et affolée!

Delphine a dit…

Et sa majesté libéra le sujet noir... On se sent tout-puissant et généreux Go, n'est-ce pas? Beau combat en tout cas, tout en jambe et en souplesse réfléchie, bravo! Dire que le fils de la voisine voulait te voir faire du skate board en chambre... A propos, c'est quoi un sac de médecin? Tu es médecin?

Ren a dit…

Bonjour Edmée, je voulais ajouter d'autres commentaires dans le texte, mais à la fin, j'ai essayé de me limiter à ma rencontre avec un être sauvage qui échappait la compréhension. Merci de ta visite.

Bonsoir Delphine, alors, tu révèles des fautes dans mon texte... le fils de la voisine approche la trentaine... j'aurais dû inclure ce détail. et oui, j'ai eu un plaisir de générosité envers l'animal sauvage fourvoyé dans le monde civilisé. mais, voilà, tu me fais regretter d'avoir supprimé ma volonté de me lier plus à l'animal dans le texte. Je me considérais trop domestiqué pour ce rapprochement forcé. Je ne savais l'écrire... Sac de médecin ? Je ne sais pourquoi mais à l'instant c'est ce qui m'a traversé l'esprit. Et quand j'y pense, il représente la civilisation... Et la dernière question, ahh... je te demande pardon. Je ne dis rien là-dessus. Cette fois-ci, j'insiste simplement que je suis trop incompréhensible et sauvage pour me définir clairement.

Colo a dit…

Les tripulations heureuses d'un preux chevalier!
J'adore cette chronique, apparemment banale.
Tu m'as fait me rappeler un fou rire intarissable avec ma mère il y a une quinzaine d'années. Après le départ de la famille, nous remettions sa maison en ordre. Arrivée dans la salle de bains, elle voit que les enfants ont laissé le bouchon de la baignoire sur le trou d'évacuation d'eau. Elle se penche pour l'enlever, hurle de surprise....c'était, tu l'as deviné, une chauve-souris en boule. Je ne sais qui a eu le plus peur! Nous l'avons gentiment prié de sortir....sans gants. Ces animaux sont protégés ici, personne ne parle de rage.
Ah, si on protégeait autant les gens, si on ne les expulsait pas d'une main de fer.
Amicalement.

Ren a dit…

Bonjour Colo, c'est très curieux qu'en Majorque on protège les chauves-souris, qu'on ne fasse autant de peur qu'aux Etats-Unis. Ici, on assimile les chauves-souris à la rage, mais ce n'est qu'une bête comme les autres. Aujourd'hui elles sont en train de mourir massivement à cause d'un champignon. Il semble qu'elles sont plus menacé de notre pollution que nous sommes menacé de leurs maladies.

Quant aux expulsions, c'est qui qui est atteint de la rage ?

Mais bon... j'espère que ta mère va bien et qu'elle a de bons souvenirs de son hôte inattendu ! Merci de ta visite.

Zoreilles a dit…

J'aime ces histoires du quotidien que vous racontez, qui nous amènent des observations sur le monde et des réflexions sur nos manières de penser et d'agir.

Félicitations, vous avez fait preuve de calme et d'une bonne logique dans cette situation, cette chauve-souris devrait vous être reconnaissante, (va-t-elle en parler à Batman?...) de même que votre voisine et son fils.

Ren a dit…

Bonjour Zoreilles ! Ha ! Batman. Je préférerais "Ami de chauve-souris". Ou juste que je suis un peu "Batty". Quant aux voisins, vous anticipez mon prochain billet...

Merci de votre visite !

Anonyme a dit…

Quelle belle histoire! Les chauve-souris sont une espèce en difficulté, qui a besoin d'aide, car elles sont essentielles, comme les grenouilles et les abeilles (aussi en difficulté) pour l'éco-système et dans la chaîne alimentaire.

J'aime vos billets, et votre français est excellent (vous avez des jeux de mots étonnants), et les fautes liées à votre "américanisme" sont charmantes!

:-)

Lise.

Ren a dit…

Bonjour Lise, merci bien de vos compliments. Vous savez, j'aimerais bien maîtriser mon français, mais il est comme une chauve-souris. Les mots sortent de ma plume qui échappent tout contrôle, mais c'est bien qu'ils plaisent. Merci de votre visite aussi.