vendredi 13 août 2010

Les escargots de mes jardins voisins

Les premières phrases d'un billet sont les plus timides. Elles se cachent, comme les escargots, dans une coquille. Lentement, la maison sur le dos, elles traversent le vide blanc de mon cahier. Quel étrange paradoxe, sécurité inerte et indistincte, soudainement belles et fragiles lorsqu'elles se mettent en quête, toujours chez soi, mais jamais au même endroit, ces premières phrases timides.

Elles errent d’œil en œil, d'oreille en oreille. Lorsqu'elles rencontrent sur leur chemin les objets indistincts, elles s'arrêtent et se recroquevillent. Petit à petit, elles remuent une antenne, scrute l'horizon, et dans l'obscurité de l'indifférence elles cheminent à nouveau en cherchant l'aventure. Lorsqu'elles rencontrent un autre escargot, les deux se lèvent les antennes en haut, s'approchent, s'effleurent l'un l'autre, et vite, par pudeur, se détournent les yeux, mais lentement elles retournent. Enfin, pendant un instant, elles se sentent se voltiger le poids écrasant le leur maison.

Je vous attends, mes premières phrases. Je patiente, bah ! je m'impatiente aussi. Où vous trouvez-vous maintenant que je suis prêt ? Vous étiez partout, alors que j'ai dû travailler hier. Vous n'êtes pas timides lorsque je me parle comme un fou.

En attendant votre trace grise de crayon, je pars pour les jardins de mes anciens voisins. Que font-ils ? Je ne les vois plus. Il semble que l'on m'a fait déménager, parce qu'un clic sur « Next Blog » me fait cheminer ailleurs. Est-ce qu'Emilie écrit encore sur sa peinture de la semaine ? Oui, c'est Carvaggio qui est sur son chevalet, mais qu'est-ce qu'il y a ? Elle fait du karaté ? hiii-ya ! La petite fille de Roumanie, tes parents doivent penser qu'il est temps pour savoir se défendre. Augustine fait-elle voir des scènes de sa vie de famille qui sont si intimes et précieuses que je, par pudeur, détourne mes yeux ? Le café clochette fait-il encore cuisiner de belles histoires et des recettes alléchantes ? Ce café, peuplé de chats, dans le centre-ville de Rennes, j'aimerais vous rendre visite un jour, mais aujourd'hui vous me semblez trop loin.

Je n'ai jamais mis la trace de mes yeux dans leurs sites. Je me pensais trop encombré de pensées lourdes et trop lent en face de leur légèreté et allégresse.

Et maintenant je rentre dans la coquille. Demain j'attends encore mes escargots.

4 commentaires:

Delphine a dit…

C'est un beau billet mais si mélancolique qu'on a le coeur serré en lisant les dernières phrases... J'ai également utilisé la métaphore de l'escargot chez moi, moins joliment sans doute!

Colo a dit…

Aujourd'hui il pleut ici, sans doute les escargots sortiront-ils d'entre les murs de pierre pour une balade nocturne, la première depuis de mois.
Ton texte est très inspiré,
Bonne pluie à toi.

Anonyme a dit…

l'escargot en bave ! et il est lent ... et il a besoin de confiance pour sortir de sa coquille ! bien joli texte ! merci

Ren a dit…

Bonsoir Delphine, Colo et Carole. L'inspiration se trouve partout... quelquefois... Je récolte ce que j'observe, j'emprunte aussi... Merci de vos visites.