jeudi 1 juillet 2010

De retour

Pendant deux semaines et demie, nous avons été en France. Nous avons vécu autrement. Pas de courriel, pas de travail, pas de nouvelles des États-Unis, pas de télévision américaine (par contre je me suis permis un peu de télévision française). Je suis tenté de dire pas de soucis, mais être vacancier, c'est aussi des soucis pour être à l'heure pour les trains, les vols, le déjeuner (après 14h on jeûne en France !), des soucis pour trouver un bon endroit à visiter, un restaurant pas trop cher mais pas gargotier non plus, un gîte confortable, un hôtel convenable.

Enfin, les vacances ne sont pas pour les timorés.

Au départ, j'étais peu enthousiaste d'abandonner la maison. Les chats, le travail, la routine me retenaient. Il fallait achever mon projet. Les chats, comment les abandonner ? La routine, même si je la déteste au moins je sais où trouver mon prochain repas, mon café, les toilettes, et vous savez, trouver des toilettes propres avec du papier toilette, ce n'est pas toujours facile. En revanche, c'est un drôle de routine qui m'a forcé d'abandonner tout. J'ai acheté les billets de vol et de train. J'ai effectué des réservations pour un hôtel et une gîte. C'était hors de question de remettre à demain nos vacances. L'horloge faisait son tic-tac. Jeudi après-midi il a fallu quitter le pays sur un vol qui nous amènerait à Paris. A 12h30, j'ai fait tout possible pour accomplir mon projet (je n'ai pu terminer). J'ai regardé l'horloge. C'était l'heure de plier bagages et de me plier à la discipline vacancière. Nous avons quitté la maison pleins d'inquiétude. J'ai même demandé s'il ne serait pas plus sage de prendre plus de vacances mais limiter la durée à un maximum d'une semaine.

A ma grande surprise, Chouchou voulait bien commencer les vacances. D'habitude, c'est moi qui veux partir et de ne jamais retourner, mais elle avait fini tout son travail. Sa patronne prenait ses vacances au même temps que nous. Elle ne s'inquiétait de rien. Moi, j'étais las. Je me demandais pourquoi aller quand il faudrait retourner dans deux semaines, et je doutais si la France m'enchanterait encore. Ai-je perdu mon amour fou pour la France ?

A Paris, à notre première pause à la place de Saint Michel, nous avons vu un ivrogne pendant que nous déjeunions. Le soleil brillait, le ciel était bleu, les gens beaux et élégants, et ce stupide ivrogne donnait des coups de pied à sa bouteille de vin, aux cannettes et aux boîtes de pizza. Il a achevé sa bouteille. Le maître d'hôtel l'a chassé du restaurant au trottoir, mais comme un insecte qui dérange quand on s'arrête de faire attention, il est revenu et s'est assis juste en face de nous assez longtemps pour me forcer de le regarder encore. Il s'est levé, a saisi la selle du vélo d'un jeune homme qui marchait à côté de son amie. Le jeune homme lui a souri, en a ri et puis il est parti, sans le moindre souci. En fait, son bonheur semblait invincible. L'ivrogne lui a plu.

J'ai suivi de regard l'insecte ivre traverser la rue pour pester d'autres parisiens, et ensuite nous avons commencé nos vacances.

Nous sommes allés aux marchés, à maintes petites villes, à la Camargue, aux plus beaux villages de la France (les Baux en Provence, Moustiers St. Marie, Roussilon, Sauve, Uzès), à quelques villes (Nîmes, Avignon, Montpellier, Arles, Beaucaire et Aix-en-Provence). A chaque déplacement, un nouveau dépaysement, tantôt avec un troupeau de touristes, tantôt sans touriste ni riverain. Tantôt dans un endroit parfaitement protégé comme les arènes d'Arles, tantôt absolument vétuste comme trop de monuments médiévaux qui ne résistent plus aux ravages du temps : tags, mauvaises herbes qui poussent dans les fêlures des murs et parterres et tâches de suie sur les murs.

Dans le prospectus d'Avignon, on a écrit que la rue des teinturiers était la rue la plus pittoresque de la ville, mais la réalité était qu'il faisait une fois que la rue était belle, mais aujourd'hui il n'y a que la pauvreté. L'horloge a fait son tic-tac. La rue n'a pas pu y résister. La chapelle du XIIe siècle où les teinturiers anciens priaient était fermée, taguée, délabrée. Après avoir parcouru la rue, nous sommes allés dans un jardin pour nous reposer. Un français parmi une enfant et trois françaises voilées a saisi l'enfant aux bras de la mère. L'enfant a éclaté en larmes. L'homme, au prétexte d'amuser l'enfant, a donné des coups de pied aux pigeons et puis il a ri en disant que c'était drôle de tuer les pigeons. L'enfant a continué à pleurer jusqu'à ce qu'elle ne soit rentrée dans les bras de sa mère.

Nous ne pouvions pas regarder ce spectacle. Nous avons rebroussé chemin, revu la place de l'horloge au centre de la vieille ville. L'horloge faisait tic-tac. La place, bondée de touristes, et son horloge étaient dans un état impeccable. Il était six heures et malgré que notre train partait à 19h, nous sommes allés à la gare pour quitter la ville sur le prochain train.

Si je disais que toutes nos vacances étaient tristes, je serais menteur. Le simple fait d'être sans souci et de pouvoir ignorer notre routine nous a bercé. Après une semaine, cette apesanteur nous a débarrassé de nos chagrins et nous a fait oublié de notre vie aux États-Unis. Nous nous sommes habitués à notre nouveau train de vie où nous allions à un nouvel endroit chaque jour et essayions de nous harmoniser avec nos nouveaux voisins. Au début de notre aventure, je ne me pensais pas pouvoir relever ce défi. Chaque matin, j'ai dû me forcer à me lever et choisir un itinéraire, mais peu à peu le défi se muait en plaisir. Qu'il fait beau, qu'il pleut, que le Mistral nous fouette, peu importe. Nous sommes allés partout. Notre unique souci était de trouver notre café environs 10 heures, un restaurant après midi et encore un restaurant le soir. Nous nous sommes si habitués à notre train de vie, que nous avons fini par croire que cela pouvions continuer indéfiniment. C'était un énorme choc quand le dernier jour de nos vacances est finalement arrivé.

Tic-tac faisait l'horloge. C'était l'heure de plier bagages et nous plier à la discipline routinière. Et maintenant il est 9h16. L'horloge fait son tic-tac. Il faut abandonner ce billet sur les vacances et hélas aller au travail.

3 commentaires:

a a dit…

interessant ton point de vue sur la France... notemment sur le clochard qui fait culturellement partie de la vie parisienne...

bon retour au train train rassurant !

Rosette ou Rosie, c'est pareil a dit…

Bon retour au bercail, cher ami!

Tu as un grand talent de conteur, dis-donc! Au moyen de tes mots colorés, de tes phrases si bien tournées et des images que tu présentes si bien, on a l'impression d'être à tes côtés au cours de ton voyage!

J'ai même vu l'ivrogne, ce gros insecte, comme si j'y étais tellement ton récit est vrai!

So, welcome back to the good old U.S of A et à bientôt!

Ren a dit…

Merci à Kabotine et Rosie pour m'avoir accueilli à mon retour. Quant au clochard, la chose surprenante était comment les parisiens l'ont accepté, voire l'avoir apprécié. Aux Etats-Unis on aurait appelé la police ce qui témoigne de notre côté dur... Merci pour vos commentaires.