mercredi 12 mai 2010

Des questions des Z'amours

Quelquefois il nous arrive des occasions où nous nous n'attendions jamais à découvrir les secrets de notre épouse. Quand cela arrive c'est toujours un choc.

« Je n'ai pas assez d'argent pour la facture. Est-ce que tu en as ? », j'ai demandé à Chouchou.

« Oui, j'en ai. » elle a répondu. Et vite un drôle de question m'a traversé l'esprit.

« Mais parbleu, c'est comment tu dépenses de ton argent pendant la semaine ? Nous commençons la semaine avec la même somme, mais il ne me reste jamais plus après quelques jours. J'achète des provisions. J'achète des déjeuners de temps en temps et je dépense de l'argent pour prendre le métro, mais tu vas au bureau à pied. Tu n'achètes pas des provisions. Tu manges de la salade ou des légumes au travail. Où va ton argent ? »

« Tu as toujours de l'argent pour toi, » elle a dit.

« Non, je ne me plains pas d'un manque quelconque d'argent. J'en ai la plupart du temps, parce que tu es proche de la banque. Je veux savoir ce que tu achètes pendant la semaine. Je sais ce que j'achète. Qu'est-ce que tu achètes ? »

« Je suis correcte, » elle a dit en s'en allant à l'autre pièce.

« Oui, bien sûr, tu es correcte. Mais après sept ans de mariage, tu sais, je n'ai aucune idée comment tu dépenses de ton argent. Si nous étions un couple du jeu Les Z'amours je n'en saurais rien. Nous serions les cancres du jeu. Non ? »

« Les Z'amours, c'est stupide, » elle a dit d'un air snob.

« Mais, bien. Allons dîner. Mais pas avec la télévision. Pas encore une émission de Les experts. Combien de fois est-ce que nous pouvons voir ces émissions ? C'est pénible ! Il faut qu'il écrive un scénario où l'épouse d'un homme naïf dépensait de son argent pendant la semaine et l'homme n'en savait rien. Cela serait intéressant. Est-ce que tu peux imaginer la suite d'un tel prétexte. Cela serait vraiment à voir, n'est-ce pas ? Mais, écoutes ! Non, il faut éteindre la télévision. Écoutons de la musique un peu. Je fais jouer du Mozart. Mozart Chouchou ! Mozart ! »

« Ah ! J'ai joué du Brahms (de la clarinette) ce week-end. J'ai déjà fait mes devoirs musicaux. Regardons la télévision ! J'ai eu une très longue journée. Très, très longue ! » elle a protesté.

« Brahms, Schahms ! C'est du Mozart ! Où en serais-tu sans Mozart ? C'est l'unique compositeur qui a pris des petits soins pour les clarinettistes. Brahms ? Qu'est qu'il a écrit ? Des vals ? Pah ! C'est du Mozart. » Mais ce n'est pas assez pour la vaincre.

« Chouchou, chouchou. Regards-moi. » Elle a levé la tête, et je lui ai fait des yeux très doux.

« C'est du Mozart, chouchou. Mozart. »

Elle m'a regardé puis recommencé à regarder la télévision. J'ai dû répéter ces yeux doux au moins cinq fois avant qu'elle en a coupé le son.

Nous regardions la télévision sans son. Une publicité du film La Frontière des Ténèbres était à la télévision.

« Quel est le contraire de la frontière des ténèbres ? » je lui ai demandé.

« Le bout de la lumière ! » elle a dit.

« Mais, non. Ce serait le centre de la lumière, comme la lumière d'un époux qui sait comment sa femme dépense de son argent. Et par exemple, pourquoi est-ce que tu penses qu'on a appelé ce film La Frontière des Ténèbres ? Ne voulait-il pas dire un commencement de la lumière ? Le commencement de la lumière, ça n'est pas si mal ? »

« Je mets de l'argent dans la cachette. Je fais de la lèche-vitrine de temps en temps, et je te donne de l'argent quand il ne t'en reste plus. N'est-ce pas ? »

« Ah ha, de la lèche-vitrine. Je comprends. »

Nous regardions encore la télévision sans son.

« Est-ce que tu aimes les barbiches ? »

« Les barbiches ? Sur qui ? Toi ? »

« Non, pas sur moi. Juste sur les hommes. »

Elle n'en a dit rien.

« Est-ce que tu préfères les blonds ou les bruns ? »

Elle a sourit et n'en a dit rien.

« Tu sais, je ne t'ai jamais demandé de questions pareilles. Et si nous étions des animaux de la forêt, quels animaux est-ce que tu penses que nous serions ? »

« Des ours ! Grr ! »

« Mais, non. Des ours. Je ne pense pas, » je lui ai dit. « Je nous imagine comme deux lièvres. Mais tu serais une lapine qui mangerais comme ça. » Et j'ai fait mine de manger très vite avec les incisives. « Moi, je rongerais lentement en demandant si on avait une salade. Tu me dirais que tu n'en savais rien où en était cette salade. Ensuite, je rongerais de nouveau en faisant ce son--Mmm, mmm, mmm--les joues gonflées de carottes et de céleri. Puis nous remuerons les longues oreilles et fronçons les bigots. N'est-ce pas, Chouchou ? »

A ce point elle riait comme une petite lapine qui aimait remuer ses longues oreilles avec son mari, le lièvre qui lui demandait des questions des Z'amours.

2 commentaires:

georges a dit…

Très amusant ce dialogue entre une épouse et son mari au bout de sept ans de mariage. Si vous parlez de l'argent dépensé, c'est que vous en avez. Tant mieux : il y en a tant qui commence à le compter.

Delphine a dit…

Comme la frontière est ténue entre réel et virtuel et que vous jouez des deux, je ne sais si votre langue maternelle est l'anglais ou si vous simuler l'étranger écrivant en français, auquel cas c'est très réussi: on l'a dans l'oreille en vous lisant et toutes les fautes grammaticales proprement anglaises y sont, un véritable délice. Surtout n'améliorez pas trop vos connaissances de la langue de Voltaire, vos billets perdraient en fraicheur et en saveur... Celui-ci en particulier, au sujet doucement acidulé, emprunt d'amour et d'un étonnement teinté de déception...