mercredi 26 mai 2010

Écrire, lire et parler de nos jours

Oh là là. J'écris mal. J'ai relu le billet d'hier. Je ne sais pas s'il existe un brin de cohérence dans tout le récit. Je sais pourquoi j'écris mal. Je suis trop paresseux pour organiser la structure du texte. Je n'ai pas assez de patience pour chercher les bons mots. Je jette toutes mes pensées pêle-mêle dans mes billets. Il faut réviser le texte. Je me promets de le faire, mais quand je le relis que je suis toujours tenté de me dire que le texte est claire. Et quand je montre mon billet, est-ce que les gens vont croire mon histoire ? Est-ce qu'ils vont croire qu'elle représente un brin de souffrance qui est universelle ?

J'écris si mal que l'on a envie de me dire que même si le présent semblait difficile, ce serait mieux de ne pas me désespérer. Soit. Ce qui me rend fou est que j'ai maintes pensées dans ma tête. Je les déballe en désordre, et puis j'essaie de les mettre en ordre ici. Chaque phrase est une expérience où je me demande comment est-ce que je peux chercher l'universel dans ma nature particulière avant que la prochaine pensée ne s'éteigne ?

Pour savoir écrire, dévoiler les secrets de l'écriture. Lire.

Je lis The House of Mirth par Edith Wharton de nos jours. Au début, le livre m'a rendu perplexe. Les mots sautaient des pages. Les phrases, parfaitement écrites, étaient trop bourrées de détailles. J'ai dû relire chaque phrase. J'ai beau relire les phrases, j'ai dû relire les paragraphes. Après 120 pages, j'ai dû poser une question à mon groupe de lecteur. Comment lire ce livre ? Selon une lectrice, elle lit le livre comme elle est la protagoniste, Lily Bart. Selon Zard, un homme qui s'est avec grâce épanché sur L'arrache-cœur, le livre doit être lu et compris selon la perspective de Lily, parce qu'Edith Wharton a dû se marier jeune. Il n'a pas effleuré les autres détailles de sa vie. Elle a eu des aventures amoureuses, écrit des romans, et divorcé son mari. Elle pensait que son mariage était la plus grande erreur de sa vie. Elle a fait une crise de dépression nerveuse. D'ailleurs elle s'est lié d'amitié avec Henry James, a écrit 85 nouvelles, s'est déménagé en Europe, a été reconnu pour son goût raffiné en architecture intérieure. N'empêche. Elle a dû se marier à l'âge de 23, donc la protagoniste qui ne s'est pas encore mariée à l'âge de 29 et qui est décrite comme une fleur, est forcément, inexorablement, inévitablement le personnage auquel le lecteur doit se fier, parce qu'elle est l'incarnation de l'écrivain.

Si on pensait qu'Edith Wharton n'a pas greffé ses expériences sur Lily, que l'écrivain visait plus haut ?

Ma voisine au bureau est une jeune femme. Très aimable, très intelligente. Elle assiste aux réunions du groupe de lecteur à notre compagnie qui vient de lire Half the Sky, La moitié du ciel, par Nicolas Kristof, le célèbre journaliste du New York Times. Dans la réunion, elle était la seule personne de mettre en cause la thèse du livre. Et son amie l'a accusé de complaisance envers les cultures qui oppriment et assujettissent les femmes. Elle est entrée dans mon bureau pour s'en plaindre. Elle m'a demandé « Est-ce que nous avons le droit d'envahir chaque pays dont la culture ne nous plaît pas ? » Dans une réunion de lecteurs et lectrices dont la majorité sont doctorats, personne n'a daigné à mettre en cause cet appel aux armes. Selon Kristof, chaque âme doit se lever et lutter au nom de la souffrance des femmes, malgré les problèmes énormes des gestes humanitaires, et malgré que son appel aux armes a l'air d'une espèce de croisade.

Une autre lectrice perplexe, mon âme sœur.

« Je pensais que dans un bureau où toutes et tous étaient très doués et intelligents, on aurait l'esprit ouvert. On se poserait des questions. » elle s'est plainte. Face à un tas de récits biographiques d'horreurs et d'injustice et une logique manichéenne implacable, personne ne peut se payer le luxe de mettre en cause un appel aux armes sans avoir l'air complaisant.

Je ne savais quoi dire. Elle s'est tellement émue, que je ne pouvais lui offrir le moindre soulagement. J'ai failli lui dire qu'il n'y avait pas de quoi de se désespérer. Mais je me suis arrêté net.

Écrire, lire et parler de nos jours, ce n'est pas facile, n'est-ce pas ?

6 commentaires:

a a dit…

je passe rapidemant, dévolution de visite, curiosité...
Je n'ai pas letemps detout lire. J'aime tout lired'un blog, j'aime comprendre celui qui secachederrière l'écran.
je reviendrais, en attendant je vous bookmarque --c'estque j'ai aime ce que j'ai lu.

(et pour écrire, il ne faut pas lire, du moins pas en même temps, on en perd son identité, ses idées son inspiration... enfin, s'que j'en dis hein !...)

Ren a dit…

"on en perd son identité, ses idées son inspiration" : c'est une observation pertinente. Une lecture peut être stimulante, mais il faut fermer le livre et y réfléchir. Serait-il que les lecteurs de nos jours oublient de garder leur propre identité et leur propre inspiration ?

Je suis content de lire votre inspiration, même si j'en perd mon identité ! :-)

Delphine a dit…

un brin de souffrance qui est universel n'a pas besoin d'être orchestré! bonne soirée Ren

Ren a dit…

Mon cerveau est de nouveau en marche. Il y cache un brin de philosophie... Il n'y a plus rien à dire là-dessus ?

Peut-être vous voulez dire "trouver l'essence et le texte s'écrira ?"

Bonne soirée Delphine.

Delphine a dit…

C'est ça: ça se dit mais ne s'explique pas!

Ren a dit…

Je sais que je suis tombé dans la routine de l'errance dans l'explication. Mais je croyais être sorti de la routine dans ce billet. peut-être à moitié ?

Néanmoins, je me fie à vous. C'est bien de me le dire. Et c'est à moi de me faire sortir quand j'aurai su la forme de mon expérience.

à propos du sujet de mon billet, votre commentaire, à part du conseil pour mon écriture, est aussi pertinent à mon problème avec les autres lecteurs. Je viens de lire que les romans d'Edith Wharton posent de grands ennuis aux metteurs en scènes parce qu'elle n'a suivi ni le conseil de l'écriture ni du cinéma (Show, don't tell). Elle a dit sa vérité avec de très longues phrases. Elle ne la montre pas sauf qu'à force de répéter ses phrases monotones elle transmet l'expérience d'avoir vécu dans un monde étriqué et étouffant.

Je vous dis qu'elle a bien réussi son projet artistique ! Les lecteurs, est-ce qu'ils ont vu cela ? Je pense qu'ils préfèrent la répétition des règles sans vouloir voir au-delà de l'ironie, de la cruauté, de la haine dans son écriture. Son antisémitisme me choque. Edith Wharton a été décrite comme une femme qui abhorrait les femmes, et les lecteurs de mon groupe pensent qu'elle a écrit des livres pour les femmes... Ne pas voir autant d'orchestration, cela implique une autre orchestration.

Bien, je voulais montrer mon problème dans ce billet où le monde vécu est devenu de plus en plus un monde orchestré, mais à la fois c'est à nous de vivre spontanément.

Dans les billets précédents, j'ai expliqué mes problèmes... j'imagine que cela peut ennuyer, mais j'ai besoin de ça aussi. ET j'ai besoin de vos commentaires qu'ils sont ou positifs ou critiques. Je suis sûr qu'ils seront honnêtes.