lundi 29 mars 2010

Les païens en quête des lys des cerisiers en fleur



Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent; ... Que mangerons-nous ? que boirons-nous ? de quoi serons-nous vêtus ? Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent.

Matthieu VI, 27-30

Hier, j'étais parmi la foule des païens en quête des lys des cerisiers en fleur. Au bassin de marée du parc West Potomac une mosaïque de touristes ont inondé le bord de l'eau jalonné de cerisiers en fleur. Ils viennent de tous les pays et de l'Amérique profond aussi. J'ai entendu dire les accents de l'Angleterre, de l'Irlande, et du Sud de l'Etats-Unis. J'ai vu les visages blancs russes, la peau brune pakistanaise, et les yeux en amande perses parmi une foule d'âmes asiatiques.

Parsemé entre ses scènes de vie en famille, y avait-il des moments du bonheur qui échappait des visages des participants à leur insu. Je me souviens d'une scène autour d'un arbre. La famille a mis en haut leur petit fils comblé de joie d'être au faîte du regroupement de la famille. Au dessous de lui était sa famille qui patientait pour que la fille prenne la photo. Leur joie était contagieux. J'ai beau essayer de les laisser tranquille, mes yeux étaient rivés sur eux. Malgré toute cette beauté, tous les cœurs n'étaient pas aussi sensibles. A chaque instant de bonheur, deux instants de malheur. Quand je suis sorti du métro, j'ai été accueilli par un troupeau de vautours de touristes. « Bonjour monsieur, où est-ce que vous allez aujourd'hui ? Est-ce que je peux donner des directions à un musée ? Smithsonian, Air and Space, la gallérie de l'art ? » sont ses premières questions. « Ah, voilà monsieur vous chercher le bassin de marée, allez tout droit et au suivant carrefour tournez à gauche. Et si on donnait cinq ou dix dollars pour les sans-abri ? Non, pas un dollar, mais cinq ou dix. Merci. Tenez, une carte pour vous, monsieur. » Cette carte n'est rien d'autre qu'on trouverait gratuitement au bureau de tourisme. Cinq dollars pour un sac de couchage ? Plein en face des symboles de notre gouvernement qui s'en fiche du sort des pauvres. Faut-il en donner plus pour graver sur le marbre des monuments « Chacun pour soi et Dieu pour tous. »

Je m'écarte de mon sujet.

A part de ceux qui rayonnaient de bonheur, il y avait quelques-uns qui étaient à leur su mécontent, et ils n'avaient honte ni de froncer les sourcils ni de le dire tout haut. Un pauvre garçon qui parlait anglais hurlait et pleurait à sa mère, « Mais, pourquoi est-ce qu'on va faire des choses que je ne veux pas faire ? » A ma grand surprise, sa mère lui a répondu en français, « Allons voir ces jolies fleurs ici. Viens donc ! », et puis elle ne lui faisait guère plus d'attention. C'était sa seule façon d'adoucir la violence de sa rébellion. La beauté dompterait-elle la bête ?

La plupart des gens n'étaient ni heureux ni malheureux. Ils se promenaient comme tirés par une ficelle invisible. Une lente et parfois maladroite procession autour du bassin faisaient-ils, tout en parlant à leurs proches. « Regarde ça, c'est génial ! », a dit une jeune fille. « Je n'aime pas les nouvelles voitures, ce qui me plaît, c'est les vielles, » a proclamé un plouc de l'Amérique profond qui a vu subir une voiture qui ne lui plaisait pas. « Peut-être ils sont sortis pour la journée et ne sont pas allés à l'église, » a dit une mère à son mari interloqué par une disparition inédite. « Fais attention à ce que tu fais ! » suivi d'autres commandes « Attends ! Ici, ici, ici, regarde-moi ! Prêt ? un, deux, trois, sourit ! », puis un regard mécontent, et une question, « pourquoi est-ce que tu as fait cette mine de monstre ? »

A ce point, je me suis demandé, « Sommes-nous tous américains ? Sommes-nous venus ensemble ici pour un moment collectif de paix comme l'on disait jadis des lis des champs ? » Moi, je me sentais seul dans la foule, un visage dans ce tissu social, mais sans avoir le moindre lien avec la plupart de l'humanité.

Les seuls qui me semblaient dans leur élément étaient les canards. Je vous laisse cette photo.

1 commentaire:

Frenchman fondly into English a dit…

Chaque soir avant le dîner
A mon balcon mettant le nez
Je contemple les bonnes gens
Dans le soleil couchant
Mais
N'me d'mandez pas d'chanter ça, si
Vous redoutez d'entendre ici
Que j'aime à voir, de mon balcon
Passer les cons

Brassens