lundi 22 mars 2010

Mes salad days sont de retour

Mon Dieu ! J'ai écrit ce billet, mais il a disparu dans la nature ! Oh là là, l'internet, quelle salade d'information.

Hier soir, j'ai eu un choc. A mon insu le monde a changé, et je ne m'en suis aperçu rien. Il semble que beaucoup d'idées que j'ai acceptées ne sont plus de mise. Heureusement, il est de plus en plus facile d'accepter les nouvelles idées, parce qu'il contiennent un élément rajeunissant. Si vous teniez à l'idée du melting-pot, n'inquiétez-vous pas. On a une nouvelle idée de l'harmonie sociale pour nous autres vieux jeu. C'est le saladier, ou le salad bowl en anglais, qui remplace le melting-pot, et c'est nous (et nos cuisines) qui en réjouissons.

Au lieu d'effacer toutes les disparités des cultures hétérogènes qui font partie à la société américaine, comme le voulait le melting-pot, le saladier mélange les culture variées alors que les distinctions ne se perdent pas. Or c'est ce que disent les saladiens. Ils ont failli me convaincre de la sagesse de leurs propos, mais je restais sceptique. Cette recette contient une image très belle mais singulière d'une société harmonieuse et d'ailleurs une grande dose de la vinaigrette au parfum du prosélytisme. Selon eux le melting-pot encourageait l'effacement, voire la haine, des autres cultures. Nous n'avons donc qu'un seul chemin à instaurer la paix et la tolérance et éviter le conformisme béat, celui du saladier. Mentionner le melting-pot, c'est aux leurs yeux semblable à le péché mortel de l'arrogance; pire à celui qui a pesé sur nous comme une chape de plomb pendant les années les plus obscures quand le McCarthyisme régnait et le spectre du communisme nous hantait.

C'est certainement une accusation très grave. Or à son origine le melting-pot ne semble avoir eu aucun but d'encourager la haine et l'intolérance. En revanche, il encourageait les Américains de laisser dans leur pays d'origine les préjugés anciens et embrasser leur nouvelle vie aux États-Unis. De plus, il encourageait les gens de partager un destin commun, vivre ensemble et participer à cette nouvelle expérience, qui était la démocratie. Au fur et à mesure, cet idéal s'est mué en arrogance. Peut-être le monde a évolué ? La liberté et la démocratie sont-elles déjà considérées comme acquis partout dans le monde ? Il est vrai que la notion de la liberté a essaimait. Aujourd'hui même les Européens, les anciens royalistes, et autrefois les Américains qui tenaient à leurs idéaux dont nous estimons peu, ont leurs propres idées de la liberté. Est-ce nous qui se sommes fourvoyés en échangeant notre nouvelle vie libre contre la sécurité économique et militaire ? Certainement. Et les Américains avons-nous le droit de donner leurs leçons de moralité à personne comme le faisaient l'église et le roi d'antan ? Pas à tout le monde, mais j'espère naïvement que nous gardons nos principes démocratiques pour nous guider sans prosélytisme et dépit pour notre jeunesse (ou nos salad days).

Entre les deux plats de cuisine n'y aurait-il pas de métaphore qui nous décrive ? Y aurait-il un plat qui nous guide aux meilleures anges de notre nature ?

Il n'est pas souvent que l'on peut trouver les mots justes. Peut-être faut-il laisser tomber la question de métaphore pour l'instant et remonter en arrière à nos salad days. Était-ils aussi mauvais que l'on ne nous le dit ? Et parbleu, pourquoi est-ce que les Anglais (et Shakespeare) l'utilisent quand 'la jeunesse' marche pas mal ?

M. Henry Fowler, l'auteur en 1926 de son Dictionary of Modern English Usage et coauteur de The King's English (1906), en a une explication. « Que la signifiance est que la jeunesse, comme la salade, est crue, ou que la salade est pleine de saveurs et la jeunesse adorent les saveurs délicieux, ou que les herbes innocentes sont la nourriture de la jeunesse, ... peu de monde qui utilise l'expression pourraient nous le dire; si tel est le cas, elle est plus apte au jacassement des perroquets qu'au discours des être humains. »

L'ironie, la structure, l'élégance et l'esprit d'à-propos dans cette citation sont sans pareil. Tous les ingrédients sont mêlées ensemble, sont distincts, mais en revanche il serait impossible de les démêler l'un de l'autre. Et dire qu'un royaliste pouvait écrire avec de beaucoup plus de liberté que nous, les ingrédients d'une salade de société, devions essayer de nous exprimer avec nos propres mots et de cesser de raconter des salades et répéter toute nouvelle idée comme des perroquets.

Merci M. Fowler. Vous m'avez fait retrouver l'élégance de mes salad days.

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