jeudi 18 mars 2010

Pas pour les indécis

Un jeune homme, arrogant, intelligent, et parfois naïf en dépit de tous ses efforts de polir son image comme un grand homme qui sait tout, est entré dans mon bureau hier pour causer un peu. Enfin, il est impossible de converser avec lui. Il me parle, et moi, je dois l'écouter et sur tout être ébloui par la clarité et l'intelligence de son esprit. Je lui parle, et lui, il rejete tous mes propos, parce qu'il sait tout. Plus tard il répetera sans gêne mes propos comme s'ils lui venirent naturellement. Après tout, son but est de convaincre tout le monde qu'il est imbattable.

Je pense qu'il est incorrigible, mais il est vrai que tout dépend sur la perspective.

« Bonjour, » il m'a dit.

En écrivant cette introduction, un drôle d'idée m'est arrivé. Lorsque je l'ai rencontré, échanger un « bonjour » lui mettait tout à fait mal à l'aise. Il voulait parler, et lui imposer une formule de courtoisie était subi comme une punition.

Je continue.

« Harvard a rejeté ma candidature. »

Il est toujours difficile de savoir quelle sorte de sympathie d'offrir. Et dans ce cas, puisqu'il ne s'épanche jamais sur ses sentiments, il est impossible. Sa déclaration sans détailles est presqu'une invitation de dire une réplique maladroite, pire de se révéler moins intelligent que lui. « Mais, mon vieux tu as d'autres candidatures, n'est-ce pas ? Il ne faut pas désesperer tout de suite. Harvard n'est pas l'unique université qui offre un programme de médecine. Tu as fait d'autres candidatures, non ? »

Il a fait une pause et me regardait. Il fait ça tout le temps. C'est comme il me scrute de voir si l'image de son essence réflété dans le miroir de mes yeux a été déformée par un changement vite de mon avis. Je ne bougeais pas et attendais. Il n'a mentioné que deux autres universités prestigieuses et tous les deux n'ont accepté ni rejeté sa candidature. Il était dans les limbes bureaucratiques, et il en cherchait une explication. Il a su que ces universités ont même rejeté des candidats qui, au moins sur le papier, lui semblaient plus forts que lui. Il faut dire qu'il peut admettre obliquement ses défaillances à condition que la personne qui les met en lumière échoue avant lui.

Au fur et à mesure il a révélé la critique la plus cinglante contre sa candidature. Il a dit qu'il n'avait comme tous les étudiants de médecine aucune idée de ce qu'il voulait étudier et qu'il a décrit son indécision comme un atout. Il était ouvert et tolérant à toutes les possibilités. Mais les universités, et surtout les plus prestigieuses, n'aiment pas l'indécision. C'est une faute grave. Elles scrutent patiemment en silence les candidatures afin de guetter le moindre défaut; elles ne cherchent ni la plus grande ouverture d'esprit ni le plus grand poteniel de développement intellectuel. Il cherche les candidats qui ressemble l'image qu'ils ont construite pour eux-même. Pourquoi s'ouvrir au risque de paraître inférieur à l'image que l'on a construite pour la société et soi-même ?

Comment terminer ce billet ? Avouez et soyez pendu !

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