jeudi 15 avril 2010

Et si on changeait le monde ?

Je ne fais rien pour améliorer l'état pitoyable de notre existence. Je vaque à mes affaires comme la plupart de l'humanité. C'est-à-dire je m'occupe aux tâches banales -- je vais au bureau, fais des courses, et fais de l'exercice -- et j'essaie d'avoir le loisir d'écouter le chant des oiseaux que je ne peux pas identifier parce que je suis trop paresseux, d'écrire mes billets, de parler un peu avec mes voisins de bureau qui en sont parfois trop stressés. Mais est-ce que je fais quelque chose pour changer le monde ? Le monde entier avec toute notre humanité de six milliards d'êtres humains et toute la biodiversité menacée d'extinction ? Je ne crois pas. J'ai du mal à m'insérer dans mon très petit quartier et au bureau. Qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? Juste l'idée de finir la description de mon incompréhension m'accable.

Or quand je parle avec mes correspondants jeunes par Skype, avec des jeunes gens bien éduquées en personne, ou avec des post-modernes de tout poil, j'ai l'impression que mon attitude est à rebours de la tendance actuelle. Tout le monde qui se prétend une ouverture d'esprit vaste et décomplexé prétend aussi au vouloir de changer notre monde pourri, borné, et plein d'injustice. Ils le fait avec tant d'insistance que je commence à avoir des doutes de moi-même. Moi, je n'aime pas l'injustice non plus, mais je n'arrive pas à inculper toutes les arrière-pensées de chaque membre de notre société. Je me demande simplement, si mon incompréhension empêche le progrès. Chaque fois que j'ouvre la bouche, on me traite de criminel parce que je ne suis pas toujours en colère contre l'injustice. La nouvelle génération, qui accuse et fustige les crimes de notre monde actuel et de notre passé tantôt avec raison tantôt en tombant dans l'exagération, a le réflexe de jalonner tous leurs propos avec une accusation d'injustice et puis de ponctuer les accusations avec leur vouloir de changer le monde.

Quand même, je les écoute avec intérêt. Qu'est-ce qu'on peut faire ? Qu'est-ce que vous proposez vous autres jeunes gens ?

Ce n'est pas souvent qu'on arrive à la déclaration claire et bien prononcée de ce vouloir de changement. Souvent on ne fait que des comparaisons qui le suggère. Par exemple, j'ai entendu dire une fois que le Pakistan a eu le courage d'élire une présidente, mais pas aux États-Unis et en France. Les Français et les Américains sont loin derrières les Pakistanais en tant que la tolérance affichée d'accepter un président femme. Je n'ai pas suivi de tout près la campagne de notre président -- le nouveau messie du changement dont on peut croire était son slogan, n'est-ce pas -- mais je doute qu'il ait bien dit « Je vais changer le monde. » Il l'a en principe évoqué, mais pas dit clairement qu'il allait reformer Wall Street, arrêter toutes les guerres de choix, dont celles de l'Iraq et de l'Afghanistan font partie. Non, il n'a dit qu'il pouvait parler aux PDG et aux pauvres. Est-ce un changement ? On verra.

Ce lundi, j'ai parlé à M. Leau-d'eden par Skype. On cause moitié en anglais, moitié en français. Pendant notre conversation amicale, il a bien dit « Il faut changer le monde. » J'en étais ébloui. Je me suis pensé tout de suite que c'était le moment de comprendre cette volonté. Il m'a expliqué qu'il écoute des bandes rock qui tiennent des propos extrêmes parce que l'on ne peut pas changer le monde et rester coi à la fois. On ne peut pas maintenir un bon équilibre parmi le travail, la famille, et les amis et espérer un meilleur avenir. Il faut devenir un peu extrême, sinon c'est la routine qui veut dire « Tais-toi et va travailler au bureau. »

Comme le temps d'aller au travail s'approchait, je trouvais ces propos cruels, mais vrais. Qu'est-ce que je fais pour changer le monde enfin ?

J'ai une réponse. J'ai mon propre militantisme, mais je doute tellement de moi-même que je ne dirais rien pour l'instant. Je voulais juste raconter les deux côtés de l'histoire. Le côté déséquilibré qui cherchait son nouveau équilibre qui est le mien, et l'autre côté très ancré dans la certitude d'une extrémité féroce. Ce serait un miracle si je pouvais le décrire avec justice.

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