mardi 6 avril 2010

L'énigme des yeux

Il y a une semaine, mon cher lecture, notre héros avait deux visites de deux oiseaux du bureau, mais je n'ai écrit que sur la première visite. Voilà la suite de l'histoire.

Le premier s'appelait Jojo et il m'a répété à pied de la lettre tout ce que Bruno lui a dit d'autant que j'avais l'impression que Bruno était là dans mon bureau. Je disais qu'il avait un faux air d'un hibou, mais je me suis trompé d'espèce. Il avait un petit air de chouette, parce qu'il n'a pas d'aigrettes, il sort la journée et les hiboux, vous savez, sont absolument nocturnes. En particulier, il est plus comme une chevêchette. Elle est la plus petite des espèces chouette. Elle a une tête ronde aux yeux bruns fades qui adoucissent le regard. J'ai choisi la chevêchette au lieu de la chouette chevêche, parce que même si les deux sont petites, la dernière effraie aussitôt qu'on la voit, et elle a des yeux au regard perçant et interrogateur. Ce n'est pas le cas de Jojo. De plus, elle est la chouette d'Athéna, déesse grecque de la sagesse, de l'intelligence et parfois de la férocité. Pauvre Jojo, je ne penserai jamais qu'il ne puisse pas atteindre un sommet si haut et lointain.

Le second était DJ qui ressemble plutôt à un moineau. Il a des gestes rapides, les yeux vifs et interrogateurs. Quand il parle, j'imagine que s'il voulait avoir l'air d'un oiseau, il n'aurait qu'à sautiller un petit peu pendant qu'il piaule et parle à la fois.

D'habitude il entre en petits sautillements. « Go ? », il me demande. Je le regarde, puis il s'approche plus, « Vous êtes disponible ? » « Oui, je vous écoute. » A ce point, il est tiraillé entre la peur de me déplaire et le désir de me parler. Ces yeux me fixent droit dans les yeux. Je le regarde, et l'énigme de ses yeux me paralyse. Je patiente.

Mais un regard, comment peut-il contenir un énigme ? Comment peut-il s'emparer de tout l'esprit ? Nous n'avons plus de métaphores de la vision, nous ne nous en remettons plus aux explications des époques médiévales ni à l'anthropocentrisme de l'antiquité qui supposait que les animaux et les êtres humains étaient tous divins et que la lumière divine émanait de notre corps et était transmise par des rayons invisibles qui sortaient de et entraient dans notre âme par nos yeux. Quand je regarde les oiseaux, je peux voir qu'ils nous regardent comme si c'est une question de vie ou de mort. Autour de notre maison il y a maintes mangeoires, parce que nous voulons faire penser aux oiseaux que nous sommes leurs amis, mais l'instinct, l'expérience et nos chats leur disent tout le contraire. Je peux donc voir qu'il sont tiraillés toujours entre la joie d'être vivant et la menace d'un danger mortel et qu'ils font des millions et millions de calculs mentaux alors qu'ils nous observent. Dans le rayonnement de leur regard, je me demande, « Qu'est-ce qu'ils pensent ? Sont-ils comme nous ? Est-ce qu'ils nous considèrent comme quelque chose de divin ? Ou est-ce qu'ils ne pensent qu'à manger et à se sauver ? Même si ce n'est qu'à manger et à se sauver, c'est un genre de conscience, n'est-ce pas ? » La chose la plus surprenante des oiseaux, c'est comment les oiseaux d'une volée restent absolument tranquilles. Ils n'ont pas l'air de rien de conscient quand je les regarde, et houp ! toute la volée s'envolent en un clin d'oeil. La rapidité de leur réflexes ou oserais-je de le dire, l'instantanéité de la transmission du rayonnement de leurs âmes, me surprend. Dans cet instant d'observation mutuelle, je suis paralysé par cette énigme.

« Go, j'ai un problème. » Il me regarde comme les oiseaux regardent les êtres humains, les chats, les vers, et les autres oiseaux.

« Oui. Allez-y. »

« J'ai un fichier. Vous comprennez, et c'est un fichier très important. Je l'ai. » continue-t-il comme c'est une question de la vie et de la mort.

« Et alors ? »

« Je dois l'enregistrer sur les autres ordinateurs, » il me dit en forme de question, puis il clignote une fois. Je clignote. Mon incompréhension est à son comble. Tout d'abord sa question n'est pas une question, mais comment le lui dire sans avoir l'air absurde ? D'ailleurs, chaque fois qu'il me demandé une nouvelle question, il pointe le doigt dans l'air comme un oiseau qui bat son aile.

« Mais ne pouvez-vous pas copier le fichier sur les autres ordinateurs ? » je lui demande.

« Si, mais non, je veux dire... » et à ce point il pointe le droit dans l'air, « ... que, c'est un gros fichier et très important, » dit-il en pointant de nouveau trois doigts dans l'air en biais.

« Mais je ne comprends pas. Est-ce qu'il y a un problème ? »

« Non, non, non, non, non. Je voulais juste dire que... » et ne trouvant rien plus à me demander, il conclut, « Ben, laissez tomber. Je vous souhaite une bonne journée Go. Merci. »

Je lui ai souri, « De rien, DJ. Bonne journée à vous aussi. »

Après, il s'est envolé. Soyez le bienvenu à tout moment DJ.

A cet instant, je ne comprennais encore rien de l'énigme, mais il me semblait moins mystérieuse.

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