jeudi 29 avril 2010

Le plaisir d'avoir tort

Trois histoires sur moi. Je ne peux m'arrêter de parler d'elle, parce qu'un bref rencontre où on forme une opinion de l'autre est toujours un miracle de l'humain. Le regard estime l'apparence dont on attribue les traits comme la beauté, la sincérité, l'amabilité, et même si on ne veut pas l'avouer, la sensualité. L'écoute juge le timbre, le ton, et la musicalité de la voix. L'esprit la profondeur de l'autre esprit. Les parfumeurs veulent nous dire que les odeurs augment les atouts des autres traits, mais ni le parfum d'une femme ni l'eau de toilette d'un homme utilisés en modération n'ont jamais manipulé mon regard, mon écoute, ou mon esprit. En tout cas un rencontre met en marche tous les sens pour repérer l'essence de l'autre.

Tout cela se passe dans quelques instants et après que notre image est empreinte dans l'esprit de l'autre, on essaie de renforcer les images et les impression favorables de soi-même et de supprimer celles qui nous sont fâcheuses.

Si l'image est fausse, dans une société libre ou dans une relation égale on peut demander que l'autre recadre l'image sur un trait important qu'on n'a pu observer d'abord. Ce n'est pas toujours facile, mais on a le droit.

S'il existe une raison plausible, j'ouvrirai encore une fois mon esprit pour recevoir une nouvelle image de l'autre. De plus, avoir de la curiosité, c'est aussi demander des questions bêtes et parfois maladroites. Cela veut dire si je faisais des bêtises, il fallait permettre aux autres de faire pareil.

D'ailleurs je pouvais voir que toutes les impressions que moi tenait sur moi n'étaient que les images favorables que les Etats-Unis projetaient autour du globe. J'entends souvent dire dans les médias que nous sommes les plus tolérants. J'entends l'écho de cette impression dans la bouche des jeunes gens qui ne savent rien du monde ni parlent une seule langue étrangère. En fait, j'ai souvent l'impression que mon étude de français est interprété comme un signe d'appartenance du mauvais côté. M'intéresser à l'Afrique, c'est magnifique. À la France, c'est rance.

Comme je disais, j'ouvrirai mon esprit pour recevoir une nouvelle image de l'autre, et j'essaierai toujours de donner une nouvelle image de moi-même juste pour le plaisir de confondre mes amis. Vous me pensez blanc, je serai noir. Vous me pensez noir, je serai hispanique. Vous me pensez hispanique, je serai juif. Et vous me pensez juif, je serai arabe.

Or de plus en plus ce jeu n'est plus de mise. Nous sommes si tolérants qu'il faut assumer l'identité stéréotypée afin que les autres puissent l'accepter et vilipender les autres qui n'acceptent pas les stéréotypes. En fait, il me semble que le jeu est de souligner que nous avons pu surmonter tout d'un coup notre passé esclavagiste et qu'il faut toujours aller plus loin. Dans ce nouveau jeu il faut renforcer la présence d'une minorité opprimée basée seulement sur la couleur de la peau afin de faire valoir sa lutte héroïque d'obtenir les droits civiques, les richesses, et les promesses d'un rêve radieux américain. Moi m'a même dit qu'elle avait un rêve américain. Elle voulait vivre et s'installer aux Etats-Unis auprès des noirs et de vrais américains.

Je pense que sa question n'était pas posée pour éviter le contact, mais tout au contraire, je pensais qu'elle aurait bien aimé parler à un vrai noir. Et si elle ne parlait pas à un vrai noir, il fallait qu'elle parlât à un vrai américain.

Ce n'est qu'une hypothèse pure. Voilà encore une. Sans une longue échange culturelle, je ne sais pas si elle puisse me reconnaître parce que mon image ne ressemble ni à l'un ni à l'autre.

Je ne veux pas dire mal d'elle. Elle n'a absorbé que toutes les images que les Etats-Unis font valoir d'eux-mêmes. Elle était séduite. Choisir entre elle et mon pays serait impossible. En contrepartie, je choisirais le regard, l'écoute, et l'esprit qui permettent la réalité de se révéler. Jamais je ne choisirai les illusions, le rêve américain, ou le scénario répété en boucle de la lutte perpétuelle des minorités contre une majorité oppressive dont cette lutte fait cacher les racines des inégalités économiques.

Non, je refuse parler mal d'elle. Je m'en prends à mon pays qui laisse entendre qu'ici il n'y a que des vrais américains blancs et les américains noirs et qui fait rêver de richesses imparables tandis que notre pays est l'un des plus inégalitaires.

Je me suis emporté contre mon pays sans décrire ce qui s'est passé. Après qu'elle m'a demandé de connaître mieux mon identité, nous avons parlé de ses impressions des Etats-Unis. Nous autres américains sommes de gros obèses, nous faisons rêver du rêve américain, nous avons un mauvais système de santé, Obama fait de bon travail, et nous avons le meilleur système d'éducation. Cela m'a surpris parce qu'elle avait raison à peu près sur les autres points, mais elle avait grand tort de croire dans notre système éducatif. À mon avis les Américains sont de plus en plus ignorants de culture, d'histoire, de philosophie. Je travaille avec des doctorats. Quand je leur dis mes choix littéraires--Shakespeare, Cervantes, Platon, ils me disent presqu'en unisson que ces auteurs n'ont plus d'importance ni de pertinence. D'ailleurs ils préfèrent regarder le dernière émission de 'American Idol' ou 'Desparate Housewives'. Quelle ouverture d'esprit ! Quelle éducation !

J'ai dû lui préciser que tandis que nos meilleures universités comme Harvard et MIT sont parmi les plus prestigieuses, la plupart de nos lycées et les autres universités sont médiocres. Un baccalauréat ne vaut pas beaucoup dans les quartiers défavorisés.

Je lui ai expliqué tout cela. Nous avons causé. Les impressions qui étaient empreintes par l'industrie culturelle se sont estompées et j'imagine que j'ai pu redessiner les contours de l'identité de mon pays. Nous avons pu dessiner les contours de nos esprits sans l'influence malsaine du faiseur d'image grâce à notre regard, notre écoute et notre esprit. En outre, à la fin de notre conversation, j'imagine que j'ai pu la séduire. Elle m'a tutoyé et puis elle a dit qu'elle partageait un compte de Skype avec son mari. C'était lui qui a fait pleuvoir la tempête de non. Au moins c'est ce que j'ai inféré quand elle a dit, « Mon mari m'a dit que tu as laissé des messages. »

J'avais donc tort. J'ai fait mal en disant qu'elle m'a évité exprès. En me détrompant, je me suis enrichi au moins d'un rencontre qui valait la peine.

C'est comme ça qu'on découvre le plaisir d'avoir tort. Que beaucoup du monde en découvrira et vite !

1 commentaire:

Frenchman fondly into English a dit…

Hollywood ending, clap clap !