mercredi 21 avril 2010

Un groupe grand au temps bruineux

Dans ma quête d'une vie sociale, j'ai essayé maintes groupes de conversation, des cours à l'alliance française, des cours de danse, et les associations de la Toile. Au fur et à mesure j'ai laissé tomber les groupes, les cours, mais les associations continuent à me coller comme une dépendance aux jeux vidéo. Je sais qu'elles ne m'offriront rien sauf l'illusion d'être entouré de personnes qui jouent le rôle d'un ami retrouvé parmi toutes les âmes anonymes et disparates de la ville de Washington D.C., mais comme les promesses de nos hommes politiques séduisent les électeurs malgré la vacuité de leurs propos, je garde l'espoir d'une grande réunion dans un restaurant plein à craquer de jeunes gens fort intéressants et bien sûr qui me trouvent absolument fascinant, drôle, intelligent, charmant, cultivé, raffiné, mais pas trop snob, tolérant, charitable, accueillant, et pourquoi pas intéressant aussi. Oh, j'ai oublié poli et modeste.

En fait, je dois me préparer pour deux événements ce week-end. Le premier sera un groupe de littérature et le second un groupe dont je joue le rôle d'animateur. Mais est-ce que je veux rire ? Trouverai-je tous ces jeunes gens qui me trouvent extraordinaire ? Non. J'y irai en traînant les pieds. Je porterai un sourire nerveux. J'essaierai de devenir l'image de mon moi idéal, mais il est fort possible que le moi idéal ne sera qu'une ombre auprès du vrai moi. Dès que j'ouvre la bouche, l'espoir s'estompera, mais, pour un instant qui durera quelques paragraphes, essayons de rester optimiste.

En principe une association est une idée géniale. On peut se retrouver au sein d'un groupe amical qui se réunit pour célébrer leur amour ou passion pour un intérêt, comme l'étude de français, la littérature classique, la philosophie, ou les sports. Au bureau et à l'école il est difficile de trouver des personnes qui s'intéressent à converser à plus forte raison à parler des intérêts particulier. Il faut toujours être aux aguets pour une occasion de s'introduire dans une conversation intéressante au milieu du jacassement abrutissant et constant sur la culture contemporaine de masse. Tout cela est une tâche ardue. Si on travaille toute la journée, qui aura le temps pour trouver l'occasion de parler à un inconnu, laisser écouler du temps pour être honnêtement séduit, et puis arriver à se lier d'amitié ? Au moins les associations enlèvent l'embarras de se trouver en face d'un inconnu avec qui on n'a rien en commun. D'ailleurs on a un sujet moins banal que la carrière, la ville natale, le boulot, grosso modo les petites choses auxquelles personne ne s'intéresse, n'est-ce pas ? On a une fenêtre ouverte à toutes les possibilités. Les loisirs, c'est une manière de se dévoiler et révéler ses passions, sa vrai identité.

Hélas, la réalité déniaise souvent toute théorie, et parfois par des moyens les plus étonnants.

La ville de Washington contient des jeunes gens talentueux. Ils y arrivent tout seuls, pleins d'espoir pour un début glorieux dans la vie. Ils travaillent de longues heures dans le gouvernement, les cabinets d'avocat, les cercles de réflexion, et les organisations non gouvernementales. Par conséquent, ils ont un emploi du temps chargé; ils assistent nombreux aux associations basées sur un intérêt populaire pour réussir une vie sociale à leur temps perdu; et puisque il est toujours difficile à faire le tri parmi tous les choix d'associations ils choisissent une vingtaine de groupes. Par exemple, l'une des membres du groupe dont j'assume le rôle d'animateur s'est inscrite à 25 groupes qui portent sur le yoga, les jeunes filles fabuleuses, le ski, les femmes cultivées et athlétiques, le développement d'habilités parapsychologiques, l'alimentation crue, le voyage, la culture mondiale, les fantômes et les personnes qui l'ont vus, la meditation, et, bien sûr, les rencontres romantiques, qui est de loin l'intérêt qui attire les personnes de toute poil et de toutes âges.

On ne sait jamais, mais j'ai l'impression que toute association n'est qu'un prétexte de pour rencontrer son âme soeur. Au moins il semble que la recherche d'un amour est toujours la convive invisible de chaque association qui entre au dessous du moi idéal de chaque membre.

Je pourrais dire que l'amour, c'est le malheur de toute amitié ou qu'il transforme toute personne sage en imbécile. Dans l'antiquité, l'amour était aveugle. Il nouait les coeurs avec ses flèches à la tête en or, et avec son feu il a brûlé la reine de Carthage et la ville de Troie. Et où il y a de l'amour, il y a aussi son jumeau, la déception. Si l'amour remplit les registres des associations, il se fait que son jumeau décourage les rencontres mixtes aussi. On peut bien imaginer que l'amour tire sur son arc avec de ses flèches en or. Les coeurs des membres potentiels des associations s'enflamment, mais quand il est l'heure d'assister aux réunions vient, l'amour remplit son arc avec des flèches à la tête de plomb qui endormit l'amour et tire encore une fois. C'est la raison la plus raisonnable que j'ai pu trouver pour cet écart entre les intentions et les absences.

En tout cas, malgré l'explication proposée le résultat est toujours le même. La réalité contredit la théorie. Les associations ont beaucoup de membres, mais personne n'assiste à leurs réunions.

Quant à mon groupe, nous avons 81 membres dont quatre ont dit leur intention d'assister à la réunion de dimanche. L'une des membres, qui adore les jeunes filles fabuleuses, a qualifié son intention avec la phrase « mon oui est plutôt un peut-être. »

Est-ce que j'ai perdu le fil de mes pensées ? J'ai commencé par avoir une idée claire de ce que je voulais écrire, mais j'ai fini par me perdre dans les méandres de la généralité. Je crains qu'en écrivant ce texte le sujet m'ait poussé à cacher l'expérience personnelle derrière un trop-plein de mots, comme l'amour, la déception, et l'espoir obscurcissent l'intérêt initial des membres de mon association.

P.S. Je viens de reconnaître un élément clé qui explique une grosse partie de ce manque d'intérêt et qui convient bien avec le temps de ces derniers jours, nuageux, couvert, et aujourd'hui bruineux. Il faut attendre le prochain billet.

1 commentaire:

Cath'rine a dit…

Je me suis toujours méfiée des regroupements communautaires, tout en leur reconnaissant, parfois, une utilité...mais quand même, je ne les aime pas. Sans doute parce que je partage votre sentiment sur ce flou entre le désir exprimé de rencontrer l'Autre qui se transforme vite en désir de rencontrer l'amour.